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Qu’est-ce que le budget participatif ?

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Photo DR Shutterstock

JOL Press : Qu’est-ce que le budget participatif ?
 

Yves Sintomer : Le budget participatif permet aux citoyens non élus d’être associés à une partition du budget public. Plus précisément, il faut discuter des questions financières, que cela se fasse à l’échelle d’un arrondissement, d’une ville, ou d’une région. Il faut également que cela soit un processus répété mais qu’il y ait aussi un dispositif spécifique pour l’aborder: ce n’est pas suffisant d’ouvrir simplement un conseil municipal aux citoyens pour discuter du budget. Dernière condition : il doit y avoir au minimum un compte-rendu de la façon dont ont été pris en compte les propositions des citoyens.

JOL Press : Quels sont les objectifs ?
 

Yves Sintomer : Les objectifs du budget participatif varient selon les endroits : cela va des objectifs de justice sociale pour contribuer à lutter contre les inégalités, à une modernisation de l’action publique en s’appuyant sur les usagers, en passant par une tentative de redonner plus de légitimité au système démocratique.

JOL Press : Les dispositifs de budget participatif sont-ils toujours mis en place par des partis de gauche ?
 

Yves Sintomer : Initialement, cela a été un instrument des partis et association de gauche relativement radicaux, altermondialistes. Dans un second temps, la Banque mondiale, l’Agence de planification urbaine de l’ONU, et d’autres organisations internationales ont contribué à diffuser les budgets participatifs dans le monde. Aujourd’hui, on ne peut pas le percevoir comme un instrument partisan : il peut être utilisé par tous les camps politiques avec des objectifs assez différents.

JOL Press : Depuis 1989, les expériences de budget participatif se sont répandues dans le monde. Quels autres exemples marquants peut-on citer ?
 

Yves Sintomer : Il existe aujourd’hui entre 1500 et 2500 expériences de budget participatif dans le monde. Cela a été l’une des innovations démocratiques la plus copiée, adaptée, diffusée dans le monde.

Les exemples sont donc nombreux… Nous pouvons citer Cordoba, en Argentine, où le budget participatif a été mixé avec les programmes de « Gender mainstreaming » qui montrent comment l’argent public est versé de façon différentielle aux groupes sociaux, en particulier aux hommes et aux femmes.

Plusieurs villes allemandes, dont Cologne, ont également lancé des budgets participatifs uniquement électroniques pour décider et hiérarchiser les propositions des citoyens.

Aux Etats-Unis, notamment à New-York, des députés – qui ont une espèce de réserve parlementaire plus importante que la nôtre – sont actuellement en train de mettre en oeuvre des budgets participatifs pour dépenser ces subventions.

En Chine, dans certaines villes comme Wenling,le budget participatif permet une démocratisation par en bas et une amélioration de l’efficacité du service public.

JOL Press: Comment se situe l’Europe en matière de budget participatif ?
 

Yves Sintomer : Depuis cinq ans, l’Europe a beaucoup développé de budgets participatifs, notamment en Europe de l’Est, en Pologne, mais aussi en Allemagne, en Angleterre, dans la Péninsule ibérique ou en Italie. Aujourd’hui l’Europe, avec l’Amérique latine, est le continent qui a le plus d’expérience en la matière. La France, par contre est à la traine

JOL Press : La mairie de Paris va mettre en place un budget participatif afin de permettre aux habitants de décider directement de l’utilisation de 5% du budget d’investissement de la ville. Est-ce une première initiative de budget participatif en France ?
 

Yves Sintomer : Non, une première série d’expérimentations a été faite, en général dans des municipalités de gauche, et principalement dans des municipalités communistes. Elles étaient plus ou moins convaincantes mais la plupart ont été arrêtées, ou sont dans un état léthargique.

La deuxième phase en France a été lancée avec les budgets participatifs des lycées de la Région Poitou-Charentes, présidé par Ségolène Royal. Cette initiative dynamique a inspiré d’autres régions françaises, qui ont imité ou adapté cet exemple. L’initiative parisienne est celle qui a le plus d’ampleur à l’échelle municipale, et semble portée par une forte volonté politique.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Membre de l’Institut Universitaire de France, Yves Sintomer est professeur des Universités dans le département de science politique de l’Université de Paris 8 et auteur de l’ouvrage « Les budgets participatifs en Europe » (Editions La Découverte).

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