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Retraites: la France, bon ou mauvais élève européen ?

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Photo DR Shutterstock

JOL Press : Quatre mois après la dernière manifestation à Paris, les retraités vont à nouveau manifester, mardi 30 septembre. Quelles sont leurs revendications ?
 

Philippe Crevel : Les retraités manifestent contre la stagnation du pouvoir d’achat, ainsi que le gel des retraites décidé cette année –  entré en vigueur depuis 2013 – et qui va se poursuivre jusqu’en 2015. C’est le cœur de la manifestation de mardi 30 septembre, avec  en toile de fond,  la crainte que le gouvernement durcisse un peu plus la fiscalité applicable aux retraités.

JOL Press : Quel est l’impact du gel des retraites sur le pouvoir d’achat des retraités ?
 

Philippe Crevel : L’impact est double puisqu’il s’agit des retraites de base décidées par le gouvernement, et des retraites complémentaires, dont le gel a été décidé par les partenaires sociaux. Sur la période 2013-2015, au total, trois milliard d’euros d’économies  seront faites sur le « dos » des retraités.

JOL Press: Les manifestants défilent également pour protester contre un projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement. Quel est l’objectif de cette loi, et pourquoi les retraités s’y opposent-ils ?
 

Philippe Crevel : Cette loi est effectivement passée à l’Assemblée nationale il y a deux semaines, et vise à réformer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le gouvernement a fait un texte à la sauvette sur le vieillissement : la question concerne l’accès à l’APA pour les personnes âgées dépendantes. On sait aujourd’hui, que les classes moyennes ne peuvent pas avoir accès à l’APA et que la loi n’y répond que très imparfaitement. Une question s’impose donc : comment rendre l’accès à l’APA et comment la revaloriser sachant que les dépenses de dépendance augmentent fortement.

JOL Press : En termes de niveau de vie des retraités, comment se positionne la France par rapport à ses voisins européens ?
 

Philippe Crevel : Le niveau de vie moyen des français est aujourd’hui supérieur à celui de la moyenne nationale. Le niveau de vie des retraités français par le taux de pauvreté des retraités français est inférieur au taux de pauvreté de la population française. Les retraités français sont dans la bonne moyenne de l’Union européenne, même si les comparaisons sont difficiles car en France, les revenus reposent sur les régimes obligatoires de retraite, alors qu’à l’étranger, la part des régimes supplémentaires est plus importante.  

JOL Press: Quel est le bon élève de l’Union européenne ?
 

Philippe Crevel : Le niveau de vie des retraités français est tout à fait correct au sein de l’Union européenne. L’évolution de ces dernières années n’a pas défavorable aux retraités français. D’autres pays ont fait des gels de très longues dates comme en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Italie. En Allemagne, les pensions ont été augmentées depuis deux ou trois ans, mais globalement tous les retraités sont mis à contribution quelques que soient les pays de l’Union européenne. Les Français s’en étaient plutôt bien sortis mais depuis deux ans, les gouvernements ont alourdi les charges des retraités avec la contribution de 0,3% pour l’APA.  

JOL Press : On parle souvent de l’exemple suédois : la France pourrait-elle s’inspirer de ce modèle ?
 

Philippe Crevel : Chaque système de retraite est complexe, car il est le fruit de l’Histoire du pays. Cependant, il est vrai que des pays se sont engagés dans des réformes dites « systémiques », comme la Suède qui est souvent mise en avant. La Suède a créé un système unique de retraite où l’on se penche sur l’espérance de vie pour calculer la pension : c’est un régime plus équilibré qu’en France où l’on compte une trentaine de régimes de base, et près de cent régimes complémentaires. L’Italie, souvent décriée,  a également mené des réformes courageuses en matière de retraites, en créant un système unique de retraite par point dont on pourrait s’inspirer.

L’Allemagne a plutôt développé les retraites supplémentaires, en incitant les salariés allemands à cotiser à des fonds de pensions, et a réduit le poids de la répartition. En France, nous avons souvent du mal à simplifier la chose en raison des partenaires sociaux et de la séparation entre la fonction publique et régimes privés.

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Philippe Crevel est secrétaire général du Cercle des Épargnants et auteur de l’ouvrage « La retraite : Le guide 2009 »

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