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Valls 2: les syndicats sur le pied de guerre?

La rentrée sociale risque d’être agitée. Le changement de braquet économique orchestré par le premier ministre fait grincer des dents au sein des centrales syndicales du pays. Si Valls a évité in extremis d’être mis en échec à l’Assemblée, la rue, elle, pourrait bien lui donner du fil à retordre.

Le virage social-libéral amorcé par l’exécutif n’allait évidemment pas laisser les syndicats de marbre. Toutes les conditions semblent réunies pour qu’ils montent au créneau dans les prochaines semaines. Et pour cause. La politique de rigueur, dictée au gouvernement par l’UE et tant décriée par Arnaud Montebourg en son temps, est amenée à perdurer sous la férule d’Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires propulsé à l’Economie.

Des déclarations qui passent mal…

Surtout, les déclarations du ministre du Travail François Rebsamen ne passent pas. L’homme en a en effet appelé à un renforcement des contrôles des chômeurs, s’appropriant un vieux motif de la droite. On se souvient des sorties de Laurent Wauquiez, alors secrétaire d’Etat à l’Emploi dans le gouvernement Fillon, dénonçant « l’assistanat, cancer de la société ». De fait, en proposant de surveiller de plus près les sans-emplois, Rebsamen les soupçonne insidieusement d’être en partie des tire-au-flanc. Pas de quoi apaiser les tensions, alors que leur nombre n’a jamais été aussi élevé, et que plus de la moitié d’entre eux touche moins de 1 000 euros par mois. Comme sinécure aux frais de la princesse, on a connu mieux.

Mais ce n’est pas tout. Nos ministres semblent s’être lancés dans un étrange concours, dont le gagnant serait celui qui parviendrait à lancer la provocation la plus éhontée. A ce petit jeu, Najat Vallaud-Belkacem réalise un beau score en s’étant autoproclamé « ministre des parents ». Traduction : l’intérêt de ces derniers passera au détriment de celui du corps enseignant. Une saillie qui ne devrait pas manquer de ravir ces derniers, déjà éperonnés par la réforme des rythmes scolaires et le gel de leurs salaires.

Une situation explosive

La grogne monte et, chose notable, elle semble contagieuse, infiltre toutes les professions. Le secteur public ronge son frein. Si la SNCF ne fait pour l’instant pas de vagues, il y a fort à parier qu’après l’accalmie estivale, la contestation de la réforme ferroviaire reprenne de plus belle. Un certain nombre de cheminots se sont d’ailleurs déjà exprimés dans ce sens. Chez EDF, la situation est elle aussi instable. Si l’actuel PDG Henri Proglio est apprécié des syndicats, son mandat touche à sa fin en novembre. Peu de chance que Régis Turrini, directeur de l’agence des participations de l’Etat, se prononce pour une non-reconduction de Proglio au regard du bilan positif de ce dernier, mais enfin l’élection à venir ne rassure personne.

Le privé n’est pas épargné. Le débat sur la réforme de seuils sociaux, mettant aux prises le Medef et les syndicats, promet des étincelles, ces derniers craignant que le projet ne limitent les droits des salariés, la CGT allant même jusqu’à parler de « provocation, à la fois du côté patronal et du côté gouvernemental ». Bref, leur grille de lecture consiste à envisager la ligne du gouvernement comme complaisante à l’égard de Bruxelles et Berlin, c’est à dire s’inscrivant dans la logique libérale prônée par l’exécutif.

Si l’automne était chaud…

Si toutes les conditions semblent donc réunies pour rendre la situation explosive, et que certains parlent déjà de «pire rentrée de la Ve République », force est toutefois de constater que pour l’instant le vent de la révolte a des allures de bise inoffensive. La CGT a bien appelé à une manifestation intersyndicale le 16 octobre prochain, en marge du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale dans l’Hémicycle, mais rien ne permet pour l’instant d’affirmer que ce rassemblement sera suivi par de nombreux Français. Et si Air France est agitée par une grève d’envergure depuis le début de la semaine, ce mouvement fait moins écho à une décision gouvernementale qu’interne.

Il y a fort à parier que si les rues des grandes villes de France ne sont pas encore parcourues de cortèges de mécontents, c’est que la ligne sociale-libérale assumée par Manuel Valls depuis le remaniement a laissé une grande partie du peuple de gauche abasourdie. D’ici à ce qu’il recouvre ses esprits, les options de l’exécutif ne sont pas légion : montrer, enfin, une amorce de résultats, ou rétropédaler pour en revenir à une politique davantage en phase avec le programme du candidat Hollande. Les prochaines semaines seront décisives.

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