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Apple va-t-il enterrer les banques?

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(Crédit : Shutterstock)
 

JOL Press : L’arrivée d’Apple sur le marché du paiement sans contact peut-t-il pousser les banques à fermer leurs guichets et se se convertir au paiement en ligne ?

 

Sylvain Fontan : Une telle évolution est fortement conditionnée et même si cela devait être le cas, alors ça ne le serait que dans un horizon temporel lointain.

En effet, et malgré une évolution certaine de son comportement au cours des dernières années, le consommateur de services bancaires reste encore très attaché au fait d’avoir un guichet et un interlocuteur physique pour ses opérations bancaires. Dès lors, une banque qui déciderait de fermer totalement son activité « physique » serait condamné à voir une partie non négligeable de ses clients se reporter sur un de ses concurrents.

En outre, et même si sa « force de frappe » financière le permettrait largement dans l’absolu, Apple ne se propose pas pour le moment de suppléer ou de concurrence l’activité de crédit des banques.

Enfin, notons que les banques commerciales traditionnelles ont déjà entamé, depuis plusieurs années pour certaines, et de façon plus ou moins avancée, leur développement en ligne. Dès lors, ce n’est pas l’arrivée d’Apple sur le marché du paiement sans contact qui a engendré cette évolution naturelle des banques. L’arrivée d’Apple sur le marché va certes les inciter à y apporter une attention accrue, mais cette concurrence est tout à fait normale et saine.

JOL Press : De grosses banques américaines ont noué des partenariats avec Apple, qui leur a promis de les aider à éviter les fraudes bancaires grâce à son système de cryptage des données et de reconnaissance par empreinte digitale. Les banques partenaires ont-elles noué cet accord car l’aide promise est réellement un « plus », ou bien parce que, Apple étant un « faiseur de normes », mieux vaut s’entendre avec lui que de lutter contre lui… ?

 

Sylvain Fontan : Les raisons pour lesquelles des banques américaines ont décidé de nouer des partenariats avec Apple sont probablement multiples.

Elles espèrent probablement bénéficier du rayonnement et du savoir-faire d’une marque mondiale sur tout un ensemble d’aspects. Toutefois, n’oublions pas que, dans ce type d’accord, les relations ne sont jamais inintéressées et rarement unilatérales. En d’autres termes, si l’entreprise Apple consent à un partenariat avec des banques, c’est qu’elle aussi entrevoit des perspectives intéressantes et entend tirer parti du savoir-faire et des réseaux des institutions financières déjà existantes.

Enfin, il n’est pas à exclure que les banques en question elles-mêmes ne savent en réalité pas exactement ce qu’elles retireront in fine de ces accords tant les visées stratégiques de développement d’Apple sont étendues et ambitieuses. En d’autres termes, quoi que les banques anticipent ou espèrent, il est probable qu’Apple ait déjà un temps d’avance dans sa réflexion et que la culture du secret de cette entreprise limite la portée des raisonnements prospectifs dans ce domaine.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : de tels accords de partenariats s’inscrivent nécessairement dans une vision à moyen/long terme et ce qui en naîtra, tant pour les entreprises concernées que pour les consommateurs, n’est pas encore connu à ce jour.

JOL Press : Apple Pay ne risque-t-il pas, surtout, de faire concurrence aux acteurs du paiement en ligne, comme Paypal ?

 

Sylvain Fontan : Probablement. Mais cela ramène au point précédent selon lequel il ne faut pas appréhender le concurrence comme un risque mais bien comme une opportunité, tant pour les acteurs évoluant sur ce marché que pour les utilisateurs.

Dans le cas de Paypal, l’arrivée d’un acteur comme Apple poussera nécessairement cette entreprise à s’améliorer, se diversifier et ainsi d’offrir des services de meilleure qualité.

A l’inverse, le risque, en revanche, s’il fallait en identifier un, c’est qu’Apple préempte largement ce marché au point d’être en situation de quasi-monopole ; ce qui serait potentiellement préjudiciable et dangereux sur de nombreux aspects.

JOL Press : Le paiement sans contact représente seulement 1% du montant des transactions totales. Apple a-t-il intéret à proposer Apple Pay en France ?

 

Sylvain Fontan : De façon générale, l’intérêt d’Apple – et d’ailleurs, c’est un aspect important de sa stratégie -, c’est d‘être le plus présent possible, dans le plus de zones géographiques différentes et dans le plus de domaines différents.

De plus, que le paiement sans contact représente seulement 1% du montant des transactions totales ne veut pas dire que cela soit appelé à demeurer le cas éternellement. Même si le montant absolu est faible, sa croissance est forte.

Enfin, même à raisonner sur 1% seulement, ce 1% offre par effet de capillarité, une porte d’entrée sur un panel beaucoup plus large de domaines.

JOL Press : Apple Pay comporte-t-il des risques pour les utilisateurs ?

 

Sylvain Fontan : Là encore, il ne faut pas se focaliser sur les risques, car cela obère la capacité à appréhender la totalité des opportunités.

Il y a probablement des risques, mais la notion de risques est inhérente à toute activité économique dans un système capitaliste.

Le risque premier qui émerge instinctivement est celui lié à la protection des données privées. Si, à n’en pas douter, ce risque existe, il est déjà largement présent dans d’autres sphères et via d’autres vecteurs.

Il faut probablement se préoccuper de cette problématique, mais ce n’est pas l’unique secteur dans lequel il conviendrait de s’interroger. Enfin, libre à chacun de faire ou non confiance à Apple pour gérer, totalement ou partiellement ses données.

 

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Sylvain Fontan est économiste indépendant et créateur du site www.leconomiste.eu.

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