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Assurance-chômage trop profitable en France? Le cas du Danemark

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A gauche, la polémique est lancée et la question de l’assurance chômage divise. Le Premier ministre a été le premier à lancer le débat. En visite à Londres le 6 octobre 2014, Manuel Valls avait en effet assuré que la question du montant et de la durée des indemnités perçues par un chômeur devait être posée.

« Nous, en France, avons fait le choix d’un chômage très important et très bien indemnisé. C’est dans le dialogue avec ceux qui recherchent un emploi que l’on peut améliorer la situation. Cela s’appelle réformer le marché du travail », déclarait le Premier ministre, assurant que la question de l’assurance-chômage « doit être reposée ».

« Il ne doit pas y avoir de tabou »

C’est désormais le ministre de l’Economie qui relance le sujet en se plaçant dans le camp du Premier ministre. Emmanuel Macron a affirmé dans une interview au JDD qu’ « il ne doit pas y avoir de tabou ni de posture ».

« L’assurance-chômage est en déficit de 4 milliards d’euros ; quel responsable politique peut s’en satisfaire ? », interroge Emmanuel Macron. « Il y a eu une réforme, elle est insuffisante. On ne pourra pas en rester là », ajoute-t-il encore au cours de cette interview.

Une certaine partie du gouvernement estime donc qu’en France, des économies pourraient être faites sur l’assurance-chômage, quitte à baisser les indemnités de certaines catégories de chômeurs, voire de réduire le nombre de mois durant lesquels un Français en recherche d’emploi perçoit ces aides.

La « flexisécurité » danoise, recette de son succès

Pourtant, quand le système français est souvent qualifié de très avantageux pour les chômeurs, la France est loin d’être la championne de l’aide aux personnes en recherche d’emploi. En effet, ailleurs en Europe, certains pays allouent davantage de fonds à leurs chômeurs, tout en limitant leur taux de chômage.

C’est le cas du Danemark. Quand la France enregistre un taux de chômage de 10,3%, le Danemark, malgré la crise, parvient à le limiter à 6,6% de la population active. Le secret de cette réussite tient en un mot, inventé pour l’occasion : la « flexisécurité ».

La flexibilité et la sécurité paraissent réussir à ce pays nordique qui, avant la crise de 2008, avait réussi à réduire son taux de chômage de 12% à 6,2% de la population active en une dizaine d’années.

La « flexisécurité » implique une grande liberté des entreprises. Celle-ci peuvent embaucher aussi facilement qu’elles peuvent licencier lorsque la conjoncture n’est plus favorable. De l’autre côté, les chômeurs bénéficient d’un programme d’aide largement avantageux tout en étant soumis à un programme dédié et très contrôlé d’aide au retour à l’emploi.

« Les entreprises peuvent licencier très vite pour des motifs économiques, ce qui les incite à embaucher », expliquait il y a quelques mois Stéphane Carcillo, maître de conférence à Paris 1, au magazine Challenges. « Et comme le service de l’emploi est très efficace, les Danois retrouvent vite un travail et, en fait, n’ont pas peur de tomber au chômage », ajoutait-il encore.

Un suivi personnalisé du chômeur

Pour le Danemark, la lutte contre le chômage passe donc par l’investissement vers les chômeurs. « Chaque année, le gouvernement prend en compte les prévisions du chômage et débloque les moyens adéquats », expliquait encore Stefano Scarpetta, directeur adjoint de l’OCDE à Challenges.

Outre les aides allouées aux chômeurs, qui perçoivent 60% de leur salaire initial pendant deux ans (contre quatre ans jusqu’en 2010), un contrôle renforcé du système danois d’agence pour l’emploi a été mis en place.

En effet, les chômeurs bénéficient d’un suivi personnalisé qui leur permet d’optimiser leur recherche d’emploi. Tous les deux mois, les personnes en recherche d’emploi ont un rendez-vous avec un conseiller qui les aide à faire le point sur leur recherche. En contrepartie, le chômeur a le devoir d’accepter une offre. Sauf très bonne excuse, celui-ci verrait ses indemnités suspendues s’il refusait un emploi.

Pour faciliter son retour à l’emploi, le chômeur est donc incité à chercher activement un nouveau travail. Le système danois a également facilité l’accès des chômeurs à des formations qualifiantes.

La « flexisécurité » a déjà séduit la France

Au Danemark, une entreprise ne craint pas d’embaucher, car elle peut licencier à tout moment lorsqu’elle a moins besoin de main d’œuvre. Côté salarié, celui-ci craint moins le chômage car il a confiance en son rapide retour à l’emploi.

S’il a été quelque peu malmené pendant la crise, le système danois a néanmoins tenté d’autres pays européens. En 2012, l’Italie s’est notamment largement inspirée de cette « flexisécurité » pour moderniser son système.

Lorsqu’il était Premier ministre, Dominique de Villepin avait été séduit par le modèle danois. L’idée avait rapidement été soumise puisqu’une semaine après sa nomination, celui-ci avait convoqué syndicats et organisations patronales pour amorcer une réforme du marché du travail.

Les réactions, côté syndicats, ne s’étaient pas faites attendre et François Chérèque, alors secrétaire général de la CFDT, avait condamné la volonté du gouvernement de « tout bousiller avant de construire quelque chose de nouveau ».

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