Lorsqu’ils partent en mission dans les pays touchés par Ebola, les travailleurs humanitaires veulent avoir la certitude qu’ils pourront, s’il le fallait, être rapatriés. Or les compagnies aériennes ont déserté face à la menace de cette fièvre hémorragique très contagieuse. Un business nouveau se développe alors, celui du rapatriement « Ebola ».
[image:1,l]
L’épidémie d’Ebola devrait, selon l’OMS, franchir le cap des 9 000 victimes cette semaine. Parmi elles, des soignants et travailleurs humanitaires déployés par les ONG qui, dès que les premiers symptômes apparaissent sont immédiatement rapatriés vers leurs pays d’origine afin d’y être soignés.
Des soignants qui ne veulent plus partir
Or l’équation n’est pas si simple. En effet, si d’ordinaire, des sociétés spécialisées dans le rapatriement se chargent, en un temps record, de prendre en charge le patient pour l’amener le plus rapidement possible dans l’hôpital qui le soignera, la donne a changé avec Ebola.
En effet, cette fièvre hémorragique fortement contagieuse effraie ces compagnies qui refusent aujourd’hui tout simplement de prendre en charge ces patients.
Au-delà de cette première conséquence, le refus des compagnies de prendre un tel risque a un effet direct sur l’envoi de soignants au Libéria, en Guinée et en Sierra Leone. Comme l’explique Jean-Yves Neau sur Slate.fr, « ces spécialistes n’acceptent le plus souvent de monter en première ligne que s’ils ont la garantie de pouvoir être rapatriés s’ils sont contaminés –ne serait-ce que pour pouvoir être correctement soignés ».
Aucune compagnie pour rapatrier l’infirmière française
Ce problème a été mis en lumière lorsqu’il a fallu rapatrier l’infirmière française, volontaire pour Médecins sans frontières, en septembre dernier. La procédure de rapatriement n’a pu être prise en charge par les autorités françaises, et c’est l’ONG qui a dû trouver elle-même les moyens nécessaires au rapatriement de cette Française touchée par le virus.
MSF a alors fait appel à la société américaine Phoenix Air. Habituée à travailler pour le Pentagone, cette compagnie a mis en œuvre tout le dispositif permettant le bon déroulement de cette opération.
A l’époque, MSF s’était insurgé contre l’incapacité de la France ou de l’Union européenne à assurer cette mission. « Depuis longtemps, nous demandons à l’Union européenne la mise en place de moyens d’évacuation efficaces, en particulier un avion localisé dans la région. Des discussions sont en cours, mais rien n’est encore organisé », avaient ainsi déclaré Brice de la Vingne et Bertrand Draguez, tous deux responsables de MSF, au Figaro.
L’opération avait coûté « plusieurs centaines de milliers d’euros » à l’ONG qui espérait alors que « le gouvernement français apprenne le maximum maintenant, pour faire mieux la prochaine fois ».
Phoenix Air décroche un contrat aux Etats-Unis
Forte de cette expérience dans le rapatriement des malades, la société américaine Phoenix Air a été choisie par le gouvernement américain pour se charger officiellement de toutes les évacuations de patients américains.
La compagnie a signé un contrat de six mois avec le département d’Etat pour un montant de 4,9 millions de dollars, explique ainsi le blog Lignes de défense.
« D’autres sociétés US, comme Heliworks LLC (qui appartient à DynCorp) ou AirMed International, ont été évaluées mais pas retenues », indique encore le blog.
A ce jour, « la société a déjà effectué six évacuations vers les USA et trois autres vers l’Europe (deux vers l’Allemagne et une vers la France pour rapatrier l’employée de MSF) […] Il faut compter un coût de 200 000 dollars par vol ».
La France se distingue
Le secteur semble porteur puisqu’une société française a décidé de se spécialiser dans le domaine des rapatriements de patients atteints d’Ebola. Pheonix Air a désormais un concurrent. Medic-Air International dirigée par le Dr Hervé Raffin a récemment assuré son premier vol en rapatriant à Oslo une infirmière norvégienne contaminée en Sierra Leone.
« Nous avons travaillé dans le cadre du ‘Biorisk Air Transport’ et en suivant les recommandations de l’OMS et de l’Institut national français de veille sanitaire », explique à Slate.fr le Dr Raffin. « Début octobre, entre le déclenchement de l’alerte par l’ONG et l’arrivée à Oslo, le rapatriement de la patiente a pu se faire en 42 heures, via Las Palmas et Le Bourget. Pendant toute la durée et à chaque étape de la mission, nous avons assuré le suivi médical de la patiente en étant en contact direct et permanent avec les médecins de l’ONG norvégienne concernée », peut-on encore lire sur Slate.fr.
Le transport ne s’est toutefois pas fait sans multiples obstacles. « Le fait de transporter une personne infectée par le virus Ebola complique notablement les choses en matière de plan de vol et d’obtention des autorisations par les autorités aéroportuaires. […] A Las Palmas comme au Bourget, notre avion a été contraint de rester en bout de piste, toutes portes fermées, avec remplissage des réservoirs en des temps record », relate enfin Slate.fr.