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Catalogne: L’exécutif catalan promet une «consultation citoyenne»

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Manifestation lors de la Diada, journée nationale de la Catalogne, le 11 septembre dernier – Photo DR Shutterstock

JOL Press : Pourquoi l’exécutif catalan a finalement décidé de renoncer au référendum sur l’indépendance de la Catalogne prévu le 9 novembre prochain ?
 

Mathieu Petithomme : Cette décision fait suite au refus du tribunal Constitutionnel espagnol qui a rendu la tenue de la consultation illégale du point de vue de l’Etat espagnol. Politiquement, il est difficile pour Artur Mas d’organiser un référendum qui n’a pas de garantie légale, étant donné que l’Etat central peut s’y opposer, et que le résultat ne sera pas reconnu.

JOL Press : Quelle alternative propose les dirigeants catalans aujourd’hui ?
 

Mathieu Petithomme : La situation va évoluer dans les jours qui viennent. Aujourd’hui Artur Mas continue d’afficher sa volonté d’organiser une consultation citoyenne le 9 novembre. Cette consultation n’aura aucune valeur légale, mais une valeur politique et symbolique. Evidemment, tout dépendra de la participation des citoyens : si plusieurs millions de Catalans se mobilisent, cela permettra aux dirigeants catalans de faire pression sur l’Etat central espagnol. Cette consultation devrait être organisée depuis les locaux de la Generalitat et des différentes mairies catalanes, comme un vote traditionnel.

JOL Press : Quels seront les effets de cette consultation ?
 

Mathieu Petithomme : Après cette consultation démocratique l’idée serait d’organiser de nouvelles élections pour avoir un nouveau mandat populaire, qui dans l’esprit d’Artur Mas, permettrait des élections plébiscitaires. Mais aujourd’hui, Artur Mas le reconnaît lui-même, il n’y a pas de consensus sur ce point au sein des différents partis indépendantistes.  

JOL Press : L’abandon du référendum catalan a-t-il divisé la coalition des indépendantistes ?
 

Mathieu Petithomme : Evidemment, cette décision a divisé le mouvement indépendantiste. Le refus du tribunal constitutionnel a éloigné plusieurs partis politiques. Au sein même du parti d’Artur Mas, le CiU (Convergence et Union) deux courants existent : un courant nationaliste conservateur – celui d’Artur Mas – en faveur de l’organisation d’un référendum quel que soit la décision de l’Etat central, et le courant de la Convergence démocratique de Catalogne (CDC) le courant démocrate-chrétien, qui s’opposait à un référendum qui ne serait pas légal.

La gauche républicaine, l’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), qui a le vent en poupe, représente quant à elle le parti le plus indépendantiste et estime qu’il ne faut pas attendre la décision de l’Etat central : pour elle, les Catalans doivent avoir le droit de décider par eux-mêmes et peuvent déclarer l’indépendance de façon unilatérale.

Au-delà deux ces partis, il existe tout un ensemble d’autres partis comme la gauche alternative, l’Initiative pour la Catalogne Verts (ICV), la gauche post-communiste, qui soutient la tenue d’un référendum avec toutes les garanties légales : il n’est donc pas certain aujourd’hui que le parti soutienne la consultation du 9 novembre. Reste encore le parti socialiste espagnol qui s’oppose au référendum, mais la branche catalane  (le PSC) soutient l’idée  de consulter les citoyens avec les garanties légales.

Aujourd’hui, le risque c’est qu’avec la tenue d’une simple consultation citoyenne, seule la coalition indépendantiste composée de l’ ERC et de la CiU reste.

N’oublions pas non plus que derrière le mouvement indépendantiste, figurent des mouvements sociaux, comme l’assemblée nationale catalane ainsi que le groupe Òmnium Cultural : certains soutiendront la consultation du 9 novembre mais d’autres suivront l’argumentaire de l’ERC selon lequel il faut déclarer l’indépendance de manière unilatérale.

JOL Press : Mariano Rajoy a salué l’abandon du référendum catalan, estimant qu’il s’agissait d’une « excellente nouvelle ». Quelle est sa position sur la tenue d’une consultation citoyenne le 9 novembre prochain ?
 

Mathieu Petithomme : Mariano Rajoy va certainement inciter les dirigeants à ne pas organiser cette consultation mais je ne pense pas que le chef du gouvernement conservateur puisse interdire cette consultation citoyenne. Elle n’a pas de valeur légale. Et puis, n’oublions pas qu’il y a déjà eu dans le passé des consultations de la sorte, en 2010-1011 dans les mairies catalanes, et Madrid ne s’y était pas opposé.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Mathieu Petithomme est maître de conférences en sciences politique à Besançon et auteur de l’ouvrage « Les nationalismes dans l’Espagne contemporaine (1975-2011) »

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