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Elections législatives: la jeunesse tunisienne n’ira pas voter dimanche

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A écouter les jeunes Tunisiens parler des élections législatives, on aurait presque l’impression que celles-ci ne se déroulent pas dans leur pays. Une chose est sûre, le 26 octobre, ils ne seront pas nombreux à se dépêcher d’aller voter.

Une mascarade inutile. Pour la plupart des Tunisiens de moins de 35 ans qui témoignent, ces élections n’achèveront pas le processus démocratique en Tunisie et seront encore moins l’achèvement politique de la Révolution de Jasmin.

« Les jeunes sont à l’origine de la révolution. Cette révolution semble avoir été confisquée par une vieille garde politique, peu soucieuse des intérêts économiques et sociaux de cette jeunesse », témoigne ainsi Selim Kharat, 33 ans, ancien dirigeant d’une ONG tunisienne, Al Bawsala (la boussole) chargée de rendre public les travaux de l’assemblée constituante, à la RTBF, se faisant la voix de nombreux Tunisiens désabusés.

La force de la jeunesse tunisienne

La jeunesse pourrait pourtant être au cœur des préoccupations des politiciens en campagne. En effet, selon les chiffres, plus de 60% de la population tunisienne a moins de 35 ans.

Cette tranche de la population est particulièrement affectée par la crise économique qui fait rage depuis la fin de la révolution et la chute de Ben Ali. En effet, le chômage des jeunes atteint aujourd’hui 30% et selon la RTBF, « 50% des jeunes ne trouvent pas un emploi à la sortie de leurs études supérieures ».

« Ce chiffre monte à plus de 65% chez les jeunes femmes. Ce sont plus de 350 000 diplômés qui se retrouvent au chômage », note encore le site belge.

Au cœur des préoccupations des jeunes : le chômage

Le chômage est devenu la principale préoccupation des jeunes Tunisiens et également leur unique requête lancée aux candidats aux élections législatives.

« Je voterai pour celui qui me proposera un travail », lance ainsi Sawssen, une jeune tunisienne interrogée pour l’hebdomadaire franco-turc Zaman France.

Pour la RTBF, Hamza Salem, 24 ans, témoigne également de son découragement. « Avec mon BTS dans le textile et le modélisme, j’espérais trouver rapidement du travail dans un secteur exportateur. Mais l’économie s’est effondrée au lendemain de la révolution ».

« J’ai connu le chômage pendant de longs mois. Aujourd’hui, je travaille un peu comme assistant modéliste auprès de créateurs textiles. Je fais trente kilomètres en bus certains matins pour gagner quelque 15 à 20 dinars par jour (6 à 9 euros, ndlr). Je gagne 100-150 dinars par mois. Le salaire minimum en Tunisie dépasse les 300 dinars mais les prix ont tellement augmenté que le plancher nécessaire pour vivre dignement atteint aujourd’hui les 700 dinars par mois dans une ville comme Tunis. […] Comment vivre ? Le soir lorsque je me couche j’ai faim », explique-t-il. « Encore moi, j’ai de la chance, j’ai un toit. Dans ma ville, les bidonvilles ne cessent de se développer. Des jeunes et des familles venus des régions pauvres de Tunisie cherchent en vain du travail dans la capitale », déplore-t-il encore.

Une corruption qui gangrène la société

Le chômage mais aussi la corruption. Ca même dans la Tunisie postrévolutionnaire, obtenir un travail c’est encore trop souvent payer un travail.

« Il n’est pas rare de voir ou d’entendre chez les jeunes recrues dans le secteur public des cas de jeunes douaniers par exemple qui ont dû débourser une importante somme d’argent (pouvant aller jusqu’à 5000 dinars soit 2400 euros) pour voir leur candidature acceptée », indique ainsi le magazine Zaman France.

 « La société tunisienne reste gangrénée par la corruption, le clientélisme. Un emploi public, tel qu’un poste d’enseignant se payait, sous Ben Ali, 7000 dinars (NDLR : 4500 euros). Aujourd’hui, il faut connaître quelqu’un proche du pouvoir ou payer 9000 dinars. Les prix ont augmenté », note encore Ahmed Sassi, chômeur depuis 4 ans, pour la RTBF.

La classe politique se désintéresse-t-elle de ces jeunes ?

De ces difficultés de la vie quotidienne, les jeunes en tirent une conclusion : la classe politique ne les écoute pas.

Lina Ben Mhenni, blogueuse influente depuis la Révolution de Jasmin, déplore cet abandno de toute une génération. « Les hommes politiques ont désormais accès à l’opinion des jeunes et pourtant, cela ne change rien, ils continuent toujours à profiter d’eux », explique-t-elle pour JOL Press. « Ils les utilisent durant leurs campagnes électorales mais lorsqu’il s’agit de prendre une décision, l’opinion de la jeunesse ne compte plus. Les jeunes leurs sont utiles en temps de manifestations, en période électorale, mais rien de plus ».

« Nous ne sommes rien pour cette classe politique. Ils sont juste là pour se servir. J’ai le sentiment d’appartenir à une génération perdue », estime pour sa part Manel Alayat, 29 ans et diplômée sans travail, pour Zaman France.

Quand les jeunes en viennent à regretter Ben Ali

Certains, même parmi les révolutionnaires de la première heure, en viennent à regrette l’ère de Ben Ali.

Pour cette jeune femme interrogée par Zaman France, la Tunisie a largement perdu en sécurité depuis quatre ans. « Au moins on n’avait pas peur de se promener le soir », note-t-elle. « Parce qu’on était en sécurité ».

Pour Hamza Salem, la situation économique restait vivable sous Ben Ali. « Cette révolution nous a enterrés. Nous essayions de ne pas nous noyer sous Ben Ali. Le chômage était présent. Mais les prix restaient stables. Aujourd’hui, nous sommes en train de crever la bouche ouverte ».

Ennahda ou Nidaa Tounès

Ce dimanche 26 octobre, ils seront sans doute nombreux à n’être qu’observateurs de ce scrutin. D’autres iront néanmoins voter, quitte à choisir le jour J le candidat qui emportera sa voix.

« Chacun des jeunes que nous avons rencontrés reconnaissent que des favoris semblent se dégager des intentions de vote (Ennadha et Nida Tounes), mais que rien ne semble jouer », note ainsi Zaman France.

Une chose est sûre cependant, le taux d’abstention de ce scrutin sera déterminant pour le résultat des élections.

« Pour ce scrutin, l’abstention pourrait avoir une influence considérable sur le résultat des élections, car nous savons que les militants islamistes iront voter en masse et pourraient donc rapidement devenir majoritaires au Parlement », analyse ainsi Pierre Vermeren, historien du Maghreb contemporain.

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