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En Afghanistan, Ashraf Ghani devra faire ses preuves

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Lundi 29 septembre, le président Ashraf Ghani a été investi dans le calme, est-ce le signe d’une pacification de la politique en Afghanistan ?
 

Karim PakzadIl est encore trop tôt pour se prononcer. Toutefois, il s’agit d’un événement important en Afghanistan puisque c’est la première fois dans l’histoire du pays, depuis sa création en 1747, que le pouvoir se transmet dans la paix. En effet, même sous la république, instaurée après le coup d’Etat de 1973, la transmission du pouvoir a toujours suscité une crise et s’est souvent déroulée dans le sang.

Ceci dit, l’élection présidentielle a également déçu les Afghans ainsi qu’une partie de l’opinion publique mondiale. En effet, lors du premier tour du scrutin en juin dernier, le monde a observé un scrutin auquel les Afghans ont massivement participé. Tout le monde a alors cru que l’Afghanistan aurait bientôt un président élu de manière transparente et pacifique.
Cependant, le deuxième tour de l’élection a bouleversé cette donne car on a assisté à des fraudes massives. L’élection d’Ashraf Ghani a été contestée par le Dr Abdullah Abdullah. Il est apparu en effet inimaginable qu’Abdullah Abdullah, qui avait fait 45% au premier tour, et qui bénéficiait du soutien de tous les autres candidats, arrivés aux 3ème, 4ème et 5ème places, perde au second tour face à Ashraf Ghani, qui n’avait récolté que 31,6% des voix au premier tour.
Le comptage des voix du deuxième tour a donc été contesté par Abdullah Abdullah. Ses proches ont même menacé de mettre en place un gouvernement bis. L’Afghanistan aurait donc été un pays avec deux présidents, une situation inacceptable pour la communauté internationale et notamment pour les Etats-Unis.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a fait trois voyages à Kaboul et a finalement convaincu les candidats de laisser de côté le scrutin et de se mettre d’accord sur un partage du pouvoir et la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.
Comment ont réagi les Afghans face à ce déni du scrutin ?
 

Karim Pakzad : Les votes des Afghans ne comptaient plus et c’est la raison pour laquelle certains jeunes et la société civile ont contesté un accord au sommet sans prise en considération de leur vote.

Toutefois, la majorité des Afghans sont aujourd’hui soulagés car ils craignaient une crise supplémentaire. Les Afghans sont aujourd’hui satisfaits de ne pas être pris dans un deuxième conflit. 
Un partage du pouvoir entre Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah, est-ce tenable ?
 

Karim Pakzad : Il est encore trop tôt pour le dire. Le pouvoir est en effet partagé entre deux personnalités diamétralement opposées en termes de personnalités.

Abdullah Abdullah est issu de l’intérieur du pays, de la résistance face à l’Union soviétique au côté du commandant Massoud jusqu’à la guerre contre les talibans.
Ashraf Ghani est quant à lui issu de la diaspora. C’est un économiste ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale entré au pays après la chute des talibans, d’abord comme conseiller de l’ONU, ensuite ministre du gouvernement d’Hamid Karzaï.
Sur le plan politique Ashraf Ghani se situe davantage dans la continuité d’Hamid Karzai tandis qu’Abdullah Abdullah était opposé à l’ancien président notamment en raison de sa politique envers les talibans.
Ashraf Ghani est lui très favorable à la négociation avec les insurgés alors qu’Abdullah Abdullah s’il est également favorable à une solution, ne veut pas revenir sur les acquis de ces dernières années.
Il faut donc pour le moment attendre. Le premier jugement pourra être tiré après l’annonce de la formation du cabinet ministériel. Tous deux ont promis des experts, des gens compétents pour tenir les ministères. Tiendront-ils leur promesse ou nous retrouverons-nous encore avec un partage de pouvoir entre les chefs de guerre ?
Que doit-on attendre de cette main tendue aux talibans ?
 

Karim Pakzad : Ashraf Ghani va sans doute envoyer des émissaires et on entrera alors dans un processus qui restera sans doute secret. Nous verrons ensuite si celui-ci débouche sur un projet.

Officiellement, les talibans rejettent toute négociation tant que des soldats étrangers sont sur leur sol et leur ligne n’a pas changé à ce point de vue.
Economie, politique… Quels sont les grands défis du gouvernement qui sera créé prochainement ?
 

Karim Pakzad : La question de la sécurité ne concerne pas uniquement les talibans. Parfois, une grande partie de l’insécurité provient des bandes mafieuses qui sont partout dans le pays. Les Afghans attendent des mesures à ce niveau.

La corruption est également un grand défi et le président est attendu sur ce terrain. La Justice est tellement corrompue que les Afghans doivent parfois se tourner vers les talibans pour résoudre leurs conflits.
Dans l’Etat également, la corruption est partout et nous verrons rapidement si la donne change et si le président Ashraf Ghani met en place une administration saine.
Sur le plan économique, l’Afghanistan dépend du commerce et de l’aide internationale. Une grande partie du budget afghan est fournie par l’aide internationale. L’Afghanistan doit pouvoir se développer et c’est un défi que doit mener le nouveau pouvoir.
L’économie afghane est tributaire de ses relations avec le Pakistan puisque l’Afghanistan n’a pas d’accès direct à la mer. Or encore aujourd’hui, les relations avec les autorités pakistanaises ne sont pas bonnes.
L’attente des Afghans est donc grande et dans de nombreux domaines.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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