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La décroissance allemande sonnera-t-elle le glas du Pacte budgétaire?

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(Photo : cunaplus/Shutterstock.com)

La croissance allemande chute dangereusement depuis quelques mois. Après un recul de 0,2% au deuxième semestre, le troisième trimestre devrait poursuivre la même lancée. Comment expliquer ce recul ?
 

Jérôme CreelTrès vraisemblablement par la persistance d’une croissance assez faible dans l’ensemble de la zone euro. Les partenaires de l’Allemagne dans la zone euro tentent actuellement de réduire leurs budgets. Cet exercice limite leur demande de biens allemands auprès des entreprises allemandes.

La production industrielle et les exportations sont principalement touchées et le contrecoup est mécanique et immédiat sur la croissance allemande.

D’autre part, si les partenaires européens de l’Allemagne ne vont pas très bien puisque les politiques économiques menées en Europe sont assez mortifères pour la croissance, il en est de même à l’international.

En effet, la Chine ou le Brésil ont également leurs propres difficultés internes qui les poussent à revoir à la baisse leurs commandes de biens importés. Tout cela peut expliquer la croissance plus faible de l’Allemagne.

Une récession est-elle possible ?
 

Jérôme Creel : Une récession se produit lorsque le produit intérieur brut d’un pays baisse durant deux trimestres consécutifs. Malheureusement pour les Allemands, ce scénario n’est pas impossible.

Nous nous dirigerions alors vers une double récession. En 2009, les Allemands avaient connu un premier événement de ce type et avaient perdu presque 5 points de PIB. Si elle était avérée, cette nouvelle récession serait moins dramatique, mais demeurerait un contrecoup de la crise dans laquelle sont engluées les économies occidentales depuis 2009.

Jusqu’ici, l’Allemagne parvenait à cultiver l’image d’un pays miracle résistant à la crise. Cette chute de croissance était-elle cependant prévisible ?
 

Jérôme Creel : L’économie allemande a cherché à renforcer sa compétitivité il y a dix ans afin d’être une économie efficace dans ses exportations, de dégager des excédents commerciaux, et a mené pour cela une intense politique de réformes structurelles sur le marché du travail.

Cette économie a décidé de davantage dépendre de la situation internationale. Du point de vue politique, les Allemands ont arrimé leur croissance à leurs exportations et à leur compétitivité et donc à la capacité des autres entreprises dans le monde à acquérir leurs biens et services.

Dans une phase conjoncturelle très défavorable en Europe et dans les pays émergents comme nous la connaissons aujourd’hui, le contrecoup sur l’économie allemande était prévisible. C’est une mauvaise nouvelle pour eux, mais ce n’est pas une surprise.

Quelles pourraient être les conséquences de cette chute de croissance sur l’Europe ?
 

Jérôme Creel : Actuellement, nous réfléchissons aux orientations de nos politiques économiques, et de nos investissements. Dans ce contexte, les difficultés de l’Allemagne pourraient peut-être mener à une nouvelle discussion de la stratégie européenne vers une la relance de l’Union européenne.

La position allemande consistant à prôner la discipline pour que la croissance revienne, ne fonctionne visiblement pas. Il est donc possible de voir émerger une nouvelle initiative européenne pour une politique économique qui verrait d’un meilleur œil la relance de l’investissement public et donc une certaine forme de relance budgétaire. La conséquence pourrait alors être d’assouplir la position allemande sur les déterminants publics (ici l’investissement) de la croissance européenne dans les prochaines années

Le Pacte budgétaire et les contraintes qu’il impose aux pays européens sont donc en partie responsables de cette situation ?
 

Jérôme Creel : Respecté à la lettre par certains pays, le Pacte de stabilité a engendré de la récession. L’Allemagne, très vertueuse du point de vue des finances publiques, ne peut plus arguer que discipline budgétaire et n’aurait plus aujourd’hui les mêmes bonnes performances économiques vont de pair : son économie apporte un contre-exemple à cet argument.

Il n’est donc plus possible d’accepter le raisonnement selon lequel il est possible de concilier automatiquement efforts budgétaires et croissance

La France pourrait-elle se servir de la situation allemande pour se défendre si son budget 2015 est retoqué par la commission européenne ?
 

Jérôme Creel : Jusqu’à présent, l’Allemagne a respecté ses engagements budgétaires et ses difficultés économiques récentes n’ont pas amené ses dirigeants à réclamer des délais pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2015. On voit donc mal la France profiter de la situation dégradée de son voisin pour réclamer une indulgence que les Allemands ne réclament pas pour  eux-mêmes. L’argument ne sera sans doute pas utilisé dans le cas du budget de la France mais plutôt dans les discussions concernant une relance des projets d’investissements publics à l’échelle de l’Union européenne car tous les Européens ont besoin d’un regain de croissance, même les Allemands désormais.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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