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Le taux de participation, l’autre enjeu des élections tunisiennes

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Le 26 octobre prochain, les Tunisiens seront attendus aux urnes pour l’élection de leurs députés. Une élection aux multiples enjeux qui devrait définitivement tourner la page de l’ère Ben Ali. Depuis quelques jours déjà, la campagne électorale a commencé et les candidats font tout pour apporter aux Tunisiens la preuve qu’ils incarneront un véritable changement.

Déception après deux années d’Ennahda

Car depuis deux ans, force est de constater que peu de choses concrètes ont changé dans la vie de Tunisiens. Il y a deux ans, à l’occasion des premières élections libres depuis la chute de l’ancien dictateur, les Tunisiens avaient largement propulsé les islamistes d’Ennahda à la tête de l’Assemblée chargée de mettre en place la rédaction d’une nouvelle constitution.

Or à la tête de l’Assemblée, Ennahda a été confronté à une opposition de plus en plus virulente de la part de l’opposition comme de la population si bien qu’en janvier dernier, un gouvernement de technocrates a pris la main pour mettre un terme à la crise politique qui paralysait le pays.

Candidats pour cette élection, les islamistes d’Ennahda auront sans doute plus de mal qu’il y a deux ans à convaincre de leur bonne foi. Plus encore, et sur ce terrain, tous les partis sont concernés, les candidats auront des difficultés à mobiliser les foules pour se rendre à l’isoloir le jour du vote.

Les listes électorales ne se remplissent pas

En effet, depuis plusieurs semaines, les électeurs potentiels ne sont pas pressés de s’inscrire sur les listes électorales. Face à la faible mobilisation, les autorités ont même décidé, à la fin du mois d’août, de reculer la date de fermeture des listes. A cette date, les Tunisiens étaient près de 5,1 millions à s’être manifesté, soit environ la moitié de la population. C’est toutefois mieux qu’en 2011 ou seuls 4,4 millions de personnes s’étaient inscrites, selon les chiffres de l’Instance supérieure indépendant pour les élections, qui supervise le scrutin.

En 2011, les électeurs avaient certes été 90% à se déplacer, mais reporté au nombre total d’électeurs potentiels dans le pays, le taux de participation n’était alors que de 54,1%. Un chiffre déjà décevant pour cette première élection mais qui avait permis à Ennahda de remporter 89 des 217 sièges de l’Assemblée constituante.

« Les citoyens tunisiens sont désenchantés »

Il semble bien que la situation soit alors la même aujourd’hui. Les Tunisiens sont peu enclins au vote et l’expérience de ces dernières années ne semble pas les avoir convaincus de l’intérêt du droit de vote.

« Les citoyens tunisiens sont désenchantés. En atteste le caractère laborieux, poussif des inscriptions sur les listes électorales.  Il y a un vrai désenchantement démocratique nourri avant tout par une situation économique et sociale très difficile », explique ainsi Béligh Nabli, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques.

« Les Tunisiens n’admettent pas que la Révolution n’ait bas abouti immédiatement sur une amélioration de leur propre condition. De fait, la chute de l’ancien régime a déstabilisé l’ordre économique et social (ce qui inhérent à toute révolution…). Par effet de domino, c’est la condition individuelle des citoyens tunisiens qui s’en est trouvée fragilisée », ajoute-t-il encore.

« Les soucis quotidiens taraudent le citoyen », estime pour sa part Abderrahmane Hdhili, président du Forum des droits économiques et sociaux au magazine tunisien Le Temps. « Le plus inquiétant est le traitement de la question électorale par les citoyens. La non-participation aux élections est le danger qui menace le plus l’opération électorale », note-t-il avant d’ajouter qu’en 2011 « les citoyens étaient emballés. C’étaient les premières élections démocratiques. Ils avaient confiance en l’action politique. Aujourd’hui les choses ont changé. Le citoyen ordinaire se désintéresse des meetings de la campagne électorale ».

Les candidats appellent à un vote massif

Les candidats aux élections législatives n’ont alors plus leur simple programme à défendre mais également l’importance du vote.

Le président du parti Nidaa Tounes, Béji Caid Essesbi était en meeting à Bizerte, au nord du pays, mercredi 15 octobre. A cette occasion, celui qu’on appelle « BCE » a appelé les électeurs tunisiens à voter massivement lors de ces élections, précisant que ces élections étaient d’une importance « cruciale et décisive », Béji Caid Essesbi.

L’Union générale du travail a également lancé un vaste appel au peuple tunisien en faveur d’une mobilisation le jour du scrutin.

« L’union générale tunisienne du travail appelle le peuple tunisien à voter massivement », a ainsi déclaré le secrétaire général de l’organisme, Houcine Abassi, dans une interview accordée à l’agence TAP.

L’enjeu de la construction de la 2nde République

Les candidats en ont conscience, l’enjeu de ces élections est grand. En effet, près de quatre ans après la Révolution de Jasmin, cette élection pourrait être la dernière étape d’un long processus de démocratisation de la Tunisie, souvent considérée comme la bonne élève du Printemps Arabe.

« Si ces élections se déroulent dans des conditions libres et pluralistes et sans manifestation de violence, elles marqueront alors une nouvelle étape dans le processus de transition démocratique », explique ainsi Béligh Nabli de l’IRIS.

« Ces élections devraient aboutir à la mise en place des institutions prévues par la nouvelle Constitution (votée en janvier 2014). Elles mettront définitivement fin au mandat de l’Assemblée nationale constituante (ANC). La Seconde République deviendra une réalité institutionnelle et politique. Une nouvelle page de l’histoire tunisienne se tourne, notamment celle de l’indépendance (à l’origine de la Constitution de 1959 et de la première République) ».

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