Site icon La Revue Internationale

L’intégration européenne, solution au mal budgétaire de la France?

[image:1,l]

(Photo : Andrey_Kuzmin/Shutterstock.com)

D’ici le 15 octobre, la France devra présenter son budget 2015 à la commission européenne. Ce dernier pourra être accepté ou refusé par Bruxelles. Pourquoi l’Europe a-t-elle cette prérogative ?
 

Michel DévoluyLorsque la monnaie unique a été créée en 1999, nous avons décidé de mettre en place une politique monétaire fédérale.  Les Etats n’ont cependant pas voulu que leur politique budgétaire soit fédéralisée et chaque Etat a souhaité garder la mainmise sur son budget.

Il a tout de même été considéré que les politiques budgétaires des Etats doivent être coordonnées afin d’éviter qu’un Etat trop endetté ne vienne polluer le reste de l’économie de la zone euro.

Le Pacte de stabilité de croissance qui contraint les Etats à maintenir leur déficit à 3% du PIB et leur dette à 60% a donc été créé.

Ce pacte n’a pas très bien fonctionné car les Etats ne l’ont pas respecté. En 2003 et 2004 l’Allemagne et la France ont été dans ce cas. En 2005, les règles ont été changées, les principes ont été gardés mais assouplis. Puis est survenue la crise de 2007 qui s’est déversée sur l’Europe en 2008. On s’est alors aperçu que la plupart des Etats n’étaient pas capables de respecter les règles initiales.

Les pays de l’Union Européenne ont a alors estimé qu’on ne pouvait pas laisser les Etats gérer librement leurs économies. C’est ainsi que dans le cadre de l’augmentation de la coordination des politiques budgétaires et macroéconomiques nationales, de nouvelles règles ont été émises et de nouveaux traités ont été signés.

Ces règles qui contraignent la France aujourd’hui…
 

Michel Dévoluy : En 2011, l’Europe a ratifié le « Six Pack », un ensemble de règlements acceptés par tous les chefs d’Etat et de gouvernement, le Conseil européen et le Parlement européen.

Ces règlements impliquent le renforcement de la coordination des politiques budgétaires des Etats et le renforcement des sanctions. Le « semestre européen », à l’œuvre depuis 2012, oblige notamment les Etats à soumettre à la Commission européenne toutes les caractéristiques de leur budget et la Commission a le devoir d’avertir les Etats qui ne satisferaient pas aux règles européennes.

Nous sommes dans ce cas avec la France. Elle déroge à la règle et il est dans la mission de la commission d’avertir la France. Si elle ne change pas son budget, elle sera sanctionnée et pourrait même payer une amende.

Quelles seraient ces sanctions ?
 

Michel Dévoluy : Le déficit de la France se situe actuellement à 4,5% du PIB alors qu’il ne devrait pas dépasser 3%.

Si elles sont appliquées, les sanctions pourront monter jusqu’à 0,2% du PIB. Cette sanction pourra se traduire par un dépôt, rendu plus tard à l’Etat, ou une véritable amende, payée définitivement.

Ce système ne fonctionne pas bien. Les Etats n’ont pas voulu se lancer dans un fédéralisme budgétaire alors même que la zone euro aurait un budget suffisant pour mener des actions importantes au niveau de l’union tout en laissant aux Etats des budgets, tout comme les Etats fédéraux le font avec leurs régions.

Ce droit de regard de Bruxelles sur les budgets nationaux ne paraît-il pas être déjà un grand pas vers le fédéralisme ?
 

Michel Dévoluy : Ces règles traduisent ce que j’appelle un fédéralisme tutélaire. Les Etats sont placés sous tutelle par des règles de plus en plus coercitives qu’ils ont eux-mêmes choisi.

Nous nous retrouvons dans une situation ubuesque, où les Etats ne voulant pas de fédération plus avancée, se contraignent à une coordination exorbitante. C’est sans issue !

Qui plus est, nous savons bien maintenant que dans la crise actuelle, vouloir absolument contraindre les budgets nationaux ne fait qu’envenimer la crise en empêchant par exemple de soutenir l’économie.

Ces règles européennes sont tout simplement inefficaces et nocives.

Au niveau européen, pourquoi ne parle-t-on que du budget français ? Est-il le seul à ne pas satisfaire aux normes de Bruxelles ?
 

Michel Dévoluy : Pas du tout. L’Allemagne est vertueuse pour des raisons particulières, même si ce ne devrait pas être éternel, mais la France est loin d’être la seule en Europe.

La France est cependant le plus grand pays et bien sur le plus visible. Elle est aussi la plus susceptible de se soulever contre Bruxelles. Si la France se voit infliger une amende, et que celle-ci refuse de la payer, de grandes tensions vont apparaître en Europe.

L’amende maximale que la France pourrait avoir à payer correspond en effet à une grande part des économies que le gouvernement devrait faire pour que son budget soit accepté…
 

Michel Dévoluy : Ces règlements n’ont pas de sens. Pourtant, ils sont le dénominateur commun qu’ont trouvé les Etats qui n’étaient pas prêts à davantage de fédéralisme budgétaire.

Pourtant, c’est une mauvaise alternative qui a été préférée. A mes yeux, il aurait fallu transférer plus de pouvoirs à l’Europe pour que, comme dans tous les Etats fédéraux, le processus se déroule plus simplement car aujourd’hui, les Etats, pris individuellement, ont les mains liées.

Ces Etats pourraient-ils aujourd’hui décider de revenir en arrière ?
 

[image:2,s]Michel Dévoluy : Ils ne feront sans doute pas demi-tour car ils sont trop encastrés dans cette idéologie néo-libérale qui consiste à croire qu’hors de l’équilibre budgétaire, point de salut.

Je crois cependant qu’il n’y aura pas de sanctions. Que la scène se déroulera comme en 2003 et 2004 lorsque les grands Etats ne respectaient pas les règles.

J’espère enfin qu’on se rendra compte de tous les avantages qu’apporterait une zone euro plus intégrée politiquement. C’est, à mes yeux, la seule issue valable. 

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

Quitter la version mobile