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MachoLand.fr: le site qui dénonce les propos et les publicités sexistes

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Le concept

JOL Press : Pourriez-vous nous présenter votre initiative ? Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Et d’où vient le concept MachoLand.fr ?

Clara Gonzales : J’ai 23 ans et je suis étudiante en droit international. Sur le projet il y a aussi Elliot Lepers, qui est web designer et activiste, et Caroline de Haas, fondatrice d’Osez le féminisme, ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem et, aujourd’hui, chef d’entreprise.

À l’origine, Elliot et moi avons lancé les 343connards.fr en octobre 2013, à la suite de la publication des 343 salauds dans Causeur, qui est une plateforme d’une seule page web, avec les photos des 28 premiers signataires du manifeste et un lien direct vers leur Twitter. Ce lien offre la possibilité de leur twitter ce que l’on a appelé des « mots doux  ». En une journée, nous avons fait 100 000 visites et comptabilisé plus de 8 000 tweets. C’est à ce moment-là que Caroline nous a contactés. Elle aimait beaucoup l’idée. À cette période-là, elle-même twittait régulièrement des publicités ou des citations d’hommes politiques à connotation sexiste. Et même si elle était beaucoup retwittée, elle pensait qu’il y avait quelque chose à faire, quelque chose pour aller plus loin. Les 343connards.fr illustraient alors parfaitement ce qu’elle constatait lorsqu’elle twittait. L’idée qu’on est beaucoup à remarquer des publicités ou des propos sexistes et qu’on est beaucoup à ne pas trouver ça normal. Nous est venue l’idée de faire une plateforme qui offrirait la possibilité d’un droit de réponse aux citoyennes et aux citoyens.

Une plateforme participative

Clara Gonzales : MachoLand.fr est donc une plateforme participative qui regroupe uniquement des actions qui sont : soit des envois d’e-mails, soit de tweets, soit de posts Facebook. C’est participatif dans la mesure où n’importe qui peut proposer une action. Pour autant, il y a quand même une équipe éditoriale derrière qui valide si les actions peuvent être diffusées ou non.

« L’important c’est que ces actions concernent une parole publique »

Clara Gonzales : Sur le site, dans notre « à propos », on précise qu’il ne s’agit pas là d’harceler, de permettre à des personnes d’en insulter d’autres ou de tenir des propos diffamatoires. Nous, on s’attaque à une parole publique. On a une prise de position qui est publique. On explique que cette prise de parole publique a une valeur normative et que les personnes qui s’exposent publiquement, nous offrent un droit de réponse.

Évolution du site

JOL Press : Pensez-vous que le site va évoluer ? Peut-on notamment imaginez qu’il devienne un lieu où sont organisés des débats, où sont mises en place des manifestations, des événements ?

Clara Gonzales : À terme, l’idée est de créer une communauté. MachoLand.fr est un média d’interpellation. Ce n’est pas un think tank (ndlr. Laboratoire d’idées). Ce n’est pas un lieu de débat sur les grands sujets de l’égalité homme/femme. Nous, ce qui nous intéresse par les actions, c’est de proposer aux personnes d’agir. Pour la première version du site, on a privilégié la mise en place des fonctionnalités les plus essentielles pour son bon fonctionnement. Mais dans une seconde version, on aimerait imaginer que sur chaque sujet qu’on aborde, on propose aux gens des articles, que ce soit des articles universitaires ou des articles de presse, pour aller plus loin dans la compréhension des sujets abordés.

Ce n’est donc pas un lieu de réflexion théorique. C’est un lieu de constations et un média d’interpellations. Néanmoins, on explique quand même chaque campagne et chaque propos que l’on recense. Certes avec humour.

« Le sexisme est partout »

JOL Press : Sur votre site, vous mélangez tous les secteurs, lieux, où on trouve le machisme, pourquoi ? N’est-ce pas un peu trop large ?

Clara Gonzales : C’est un fait. Le sexisme est partout. C’est un fait de société. Mais il y a un véritable problème d’identification du sexisme. On le remarque quand, face à une même publicité, certains vont trouver ça drôle et d’autres sexiste.

Et donc, c’est parce que c’est un fait de société que c’est important de parler de tous les endroits où il peut s’exprimer de manière publique. Evidemment, il faut réfléchir à « qu’est-ce que le sexisme en politique » et « qu’est-ce que c’est que le sexisme dans la publicité ». Ça a déjà été énormément fait. Il faut que ça continue mais en tant que média d’interpellation, on a vocation à toucher toutes les paroles publiques qui peuvent s’exprimer. Et c’est parce que la publicité et les politiques peuvent être sexistes que la société est encore imbibée d’un problème d’inégalité entre les hommes et les femmes.

Quel féminisme ?

JOL Press : Vous parlez de sexisme, mais derrière ça, on sent une certaine idéologie féministe. Quel est ce féminisme que vous défendez ?

Clara Gonzales : Nous regroupons des voix diverses. L’avantage, c’est que si on pense que féminiser les mots ce n’est pas important mais que Gérard Collomb n’a pas le droit de parler comme ça de Mme Vallaud-Belkacem, on peut aller sur le site et juste twitter à Gérard Collomb. On ne veut pas défendre un féminisme en particulier, on veut fédérer les féministes. Cependant, on défend quand même certaines valeurs qui sont assez fondamentales et qui transparaissent à travers toutes les actions que l’on mène. Nous croyons à l’égalité des hommes et des femmes mais nous ne sommes pas là pour donner des brevets de féminisme à telle ou telle personne. Tout féministe qui veut participer à l’action est le ou la bienvenu(e).

JOL Press : Qu’en est-il du risque de voir ce site devenir un espace de dénigrement de la gente masculine ?

Clara Gonzales : Dire que tel ou tel propos sont sexistes ne va pas rabaisser la gente masculine. Si c’est une femme politique qui tient des propos sexistes, on l’épinglera aussi. Le débat de « est-ce que la gente masculine va en sortir rabaissée » n’a donc pas vraiment lieu d’être.

JOL Press : Pour l’instant la plateforme dénonce principalement les attaques sexistes faites à l’encontre des femmes. Peut-on imaginer qu’elle dénoncera un jour les attaques sexistes faites à l’encontre des hommes ?

Clara Gonzales : Aujourd’hui dans le monde, 99 % des richesses sont entre les mains des hommes. Si tous les hommes voulaient l’égalité homme/femme dans le monde, je pense qu’on l’aurait déjà.

Mais le machisme est par essence aussi porteur d’un sexisme envers les hommes parce qu’il impose une façon de se comporter, une manière d’exister dans laquelle ne se retrouvent pas tous les hommes. Dès qu’on veut imposer un carcan, une façon de se comporter à l’un ou l’autre sexe, on est dans une position sexiste. Le fait est que nous sommes aujourd’hui en France, dans une société patriarcale, où les oppresseurs sont des hommes et les oppressés sont des femmes. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait des femmes qui oppressent des hommes, ou des femmes. Nous sommes encore dans une société patriarcale, il y a des choses qui avancent et comme on va vers l’égalité, il y a aussi un regain de conservatisme qui s’exprime à travers certaines personnalités publiques qu’on n’a même plus besoin de citer. Et c’est parce qu’il y a ce regain de conservatisme qu’on a besoin d’être là pour dire que si on avance vers l’égalité c’est très bien et il faut continuer ainsi.

Propos recueillis par Marianne Fenon pour JOLPress.

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