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Quel visage Nidaa Tounès va-t-il donner à la Tunisie?

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Donnés gagnants par de nombreux sondages pendant la majeure partie de la campagne électorale, les têtes de listes du parti tunisien Nidaa Tounès suscitent encore aujourd’hui de nombreuses interrogations. Dirigé par Béji Caïd Essebsi, un homme de 87 ans rompu à la politique de son pays, Nidaa Tounès est devenu le premier parti du pays de la Révolution de Jasmin.

Pas si laïcs…

De l’étranger, les hommes de Nidaa Tounès sont souvent vus comme des laïcs, par opposition aux islamistes d’Ennahda. C’est d’ailleurs sur la laïcité que Nidaa Tounès a axé une grande partie de sa campagne. Un discours fort, aux accents revanchards après plusieurs années d’un pouvoir aux mains d’Ennahda.

Et pourtant, comme le rappelle France 24, Nidaa Tounès est loin d’être un parti « laïc » au sens où peuvent l’entendre les Français. En effet, en Tunisie, la laïcité ne signifie pas l’absence de religion et cela se vérifie chez Nidaa Tounès dont le chef, qu’on appelle communément BCE, indiquait en octobre 2013 que son parti « prône un islam modéré fondé sur une approche réformatrice éclairée favorisant l’adéquation entre authenticité et ouverture, consacrant les valeurs de tolérance, de coexistence et de sagesse et bannissant la haine et la violence ».

« L’islam de Nidaa Tounès n’est pas celui du mouvement Ennahda. Notre islam est tunisien », ajoutait encore Béji Caïd Essebsi, selon des propos retranscris par France 24.

Les « anti-Ennahda »

Régulièrement qualifié de « laïc », Nidaa Tounès est également le parti qu’on dit « attrape-tout ». En effet, explique Pierre Verneren, historien du Maghreb, Nidaa Tounès « rassemble des nationalistes, des démocrates, des républicains », parmi tant d’autres sensibilités.

« S’il est opposé aux islamistes, il est également accusé de rassembler les anciens partisans et proches de Ben Ali », explique encore cet expert de la région.

Ce conglomérat d’opinion politique s’explique notamment par l’histoire du parti. Assez récent, puisque créé en 2012, Nidaa Tounès est né de la volonté de nombreuses personnalités politiques de se rassembler pour mieux contrer les islamistes d’Ennahda, grands vainqueurs de l’élection de l’Assemblée constituante, fin 2011.

BCE, trop proche de l’ancien régime ?

Pour de nombreux observateurs, la principale faiblesse de Nidaa Tounès réside dans la tête de son parti. A 87 ans, Béji Caïd Essebsi a exercé des fonctions politiques sous Bourguiba et sous Ben Ali.

Bien qu’il ait été Premier ministre provisoire à la suite de la Révolution de 2011, BCE n’est jamais parvenu à se détacher de cette image d’ancien régime. Une image qui permet à ses détracteurs de l’accuser d’être le porte-voix des anciens proches de Ben Ali quand d’autres voient en son âge très avancé une raison de croire qu’il serait temps de laisser la parole à une nouvelle génération.

Un programme économique libéral

Dans l’opposition à Nidaa Tounès, on avance que le parti de Béji Caïd Essebsi n’a aucun programme si ce n’est celui de combattre l’islamisme d’Ennahda et d’être le refuge des anciens proches de Ben Ali. Pour combattre cette idée, Nidaa Tounès a alors mis en avant un programme économique assez libéral.

Mahmoud Ben Romdhane, président de la commission économique et sociale du parti résume ainsi les ambitions de son parti pour ces prochaines années, dans le magazine « Les Afriques » : « La priorité la plus urgente serait, sans doute, de réduire le déficit budgétaire, dû à la hausse des dépenses de l’État contre une régression des recettes budgétaires. Ainsi, nous proposerons de réduire les dépenses administratives (réduire les recrutements dans le secteur public) et celles vouées à la subvention des hydrocarbures, ainsi qu’à faire réduire le niveau des importations ».

Vers une coalition Nidaa Tounès / Ennahda ?

A la suite de la victoire de Nidaa Tounès, les Tunisiens peuvent alors croire à un véritable choc au Parlement et à une nouvelle organisation de la vie politique tunisienne en une forme de bipolarité irréconciliable.

Nidaa Tounès a remporté 40% des sièges à l’Assemblée contre 30% pour Ennahda. Le reste de la Chambre haute du Parlement se partage entre de multiples formations de gauche comme de droite.

Or l’obtention de la majorité au Parlement ne se fera pas sans une coalition, et c’est ce à quoi vont s’attacher les députés. Nidaa Tounès et Ennahda sauront-ils se tourner l’un vers l’autre ? Rien n’est moins sûr. Toutefois, Béji Caïd Essesbi, malgré toutes les attaques qu’il a lancé contre Ennahda durant sa campagne, n’a jamais manqué d’affirmer qu’ « Ennahda fait partie intégrante de la vie politique tunisienne ».

De son côté, Ennahda a tenté de redorer son image durant cette même campagne et a affirmé qu’il ne tenterait pas de diriger seul le pays. Les deux formations sembleraient donc faire preuve de bonne volonté.

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