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Sommet européen pour l’emploi: que peut-on en attendre?

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Bâtiment de la Commission européenne, à Bruxelles. (Crédit : Shutterstock)

 

JOL Press : François Hollande a qualifié le contexte économique en Europe de « préoccupant ». Reprise, chômage, inflation : où en est l’Europe ?
 
Xavier Timbeau : L’Europe en est dans une situation grave. Globalement, le chômage ne baisse pas, l’inflation ralentit au point que la déflation devient probable. L’investissement n’a pas redémarré et les bilans des agents (dettes, créances douteuses, banques) ne s’améliorent pas non plus.
 
La phase d’austérité se prolonge (couperet des traités et des mauvais résultats budgétaires de l’Espagne, de l’Italie ou de la France).
 
Pire encore, la divergence s’accentue en Europe. D’un côté certains malades vont mourir guéris (l’Allemagne, l’Autriche) ; de l’autre, ils vont mourir malade (la France, l’Italie, les Pays Bas). Et cela sans parler de la Grèce ou du Portugal… 
 
On annonce une croissance positive pour 2015 pour la Grèce, mais 50% de la population en âge de travailler ne travaille pas dans ce pays.
 
JOL Press : Le Président français a plaidé en faveur d’un « assouplissement de la politique monétaire » et de plus de « flexibilité » dans le rythme de réduction des déficits budgétaires afin qu’il soit « compatible avec les objectifs de croissance. » Qu’est-ce que cela révèle de l’économie française et de la politique économique française ? F. Hollande devrait-il être entendu à ce sujet au Sommet?
 
Xavier Timbeau : L’assouplissement de la politique monétaire est un instrument de lutte contre la déflation. Il ne contrevient pas aux règles budgétaires et il pourrait, par le biais de la baisse de l’euro, être un instrument assez puissant.
 
Cela heurte cependant l’orthodoxie ordolibérale des Allemands, et cela ne manque d’ailleurs pas d’être dénoncé par le président de la Bundesbank ou les membres allemands du directoire de la BCE (entre autres).
 
Assouplir les règles budgétaires est une demande française au point que la France (Michel Sapin il y a trois semaines) a déjà annoncé le report de son objectif de déficit à 3% en 2017.
 
Mais la gouvernance européenne a été renforcée (6 pack en 2011, puis 2 pack en 2013) pour précisément discipliner ces politiques budgétaires.
 
L’argument français est pragmatique (faire trop de réduction de déficit tue la croissance) alors que l’argument de la commission européenne (et des autres gouvernements) est de préserver la crédibilité de la gouvernance européenne.
 
Le sommet ne sera pas le lieu de cette discussion (du moins directement). Le 15 octobre la France remet son projet de budget 2015 à la Commission qui a alors 15 jours pour le refuser (si elle le refuse). Sinon, elle rendra un avis (mais pas de refus) avant le 30 novembre. Il est probable que la Commission va refuser, avant le 30 octobre, puisque c’est la vieille commission qui siège et que cela évite l’incident Moscovici.
 
JOL Press : François Hollande a répété qu’il espérait la mise en œuvre « le plus vite possible » du plan européen d’investissements de 300 milliards d’euros. A quoi cette enveloppe devrait-elle bénéficier, et cela devrait-il avoir un réel impact ?
 
Xavier Timbeau : Un plan de relance de 300 milliards d’euros aurait un impact réel, puisque ce sont 3 points de PIB. Mais que veulent dire ces 300 milliards ? Personne ne le sait.
 
Avec un peu de mauvaise foi, ces 300 milliards sur trois ans (100 milliards par an, ce qui ne fait plus qu’un point de PIB), en partie déjà financés par la BEI (70 milliards par an) pourraient être complétés par 30 milliards supplémentaires financés par la BEI se substituant peut être à d’autres financements.
 
En fait, l’investissement privé en zone euro est aujourd’hui 300 milliards en dessous de ce qu’il était il y a 6 ans, avant la crise.
 
Sortir de la crise (comment, quand ?) conduirait probablement à un retour de l’investissement à de tels niveaux. Juncker tiendrait sa promesse sans rien faire d’autre que de regarder le soleil se lever (et prétendre que c’est lui qui lui ordonne d’apparaître). Au final, comme disait Shakespeare, « beaucoup de bruit pour rien ».
 
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