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Sommet européen pour l’emploi: que peut-on en attendre?

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Bâtiment de la Commission européenne, à Bruxelles. (Crédit : Shutterstock)

 

JOL Press : François Hollande a qualifié le contexte économique européen de « préoccupant ». Reprise, chômage, inflation : où en est l’Europe ?

 

Bruno Ducoudré : Après une année 2013 de croissance négative (-0,4% de croissance), l’économie de la zone euro n’est pas encore vraiment sortie d’affaire : la croissance est timide depuis le début de l’année (0% au 2ème trimestre après 0,2% au 1er trimestre 2014) et ne permet pas une baisse franche du chômage, qui reste à des niveaux historiquement élevés (11,5%).

La situation reste ainsi très préoccupante en Espagne (25% de chômeurs) et en Grèce (27%), mais aussi au Portugal, en Italie et en France.

L’économie de la zone euro porte ainsi les stigmates des ajustements budgétaires passés, qui ont fortement pesé sur la croissance et l’emploi.

Dans ces conditions de faible croissance et de niveau élevé du chômage, l’inflation a, dès lors, fortement ralenti, la hausse des prix étant de 0,3% en septembre par rapport à l’année passée. Cela fait craindre une tombée de la zone euro dans la déflation, ce qui serait catastrophique.

La Banque centrale européenne (BCE) a d’ailleurs annoncé un ensemble de mesures pour tenter d’éviter cet écueil, mais elle en appelle aussi aux politiques budgétaires pour soutenir la croissance.

JOL Press : Le Président français a plaidé en faveur d’un « assouplissement de la politique monétaire » et de plus de « flexibilité » dans le rythme de réduction des déficits budgétaires afin qu’il soit « compatible avec les objectifs de croissance. » Qu’est-ce que cela révèle de l’économie et de la politique économique françaises ? F. Hollande devrait-il être entendu à ce sujet au Sommet ?

 

Bruno Ducoudré : L’économie française peut rebondir à court terme. Les entreprises ont des carnets de commande dégarnis, et des capacités de production sous-utilisées.

Dans le même temps, l’ajustement budgétaire auquel s’est engagée la France pour revenir dans les limites du Traité de Maastricht [qui interdit aux Etats membres d’avoir un déficit public annuel supérieur à 3 % du PIB, ndlr] pèse sur la demande. Le gouvernement cherche ainsi à lever une partie du frein budgétaire, qui pèse sur la croissance depuis trois ans.

L’assouplissement de la politique monétaire est déjà là, et devrait se traduire par une dépréciation bienvenue de l’euro face aux autres monnaies. Cela donnera un petit bol d’air à l’économie de la zone euro via une reprise des exportations vers le reste du monde.

Le relâchement de l’ajustement budgétaire est aussi envisageable sous certaines conditions pour un certain nombre de pays qui sont repassés sous la barre des 3% de déficit public, ce qui favoriserait aussi la reprise en 2015, sans remettre en cause à plus long terme les engagements pris par l’ensemble des pays de la zone.

Ce relâchement n’est cependant pas possible a priori dans le cas de la France, qui s’était engagée à baisser son déficit structurel de 0,8 point de PIB en 2015, ce qui est considérable. Un soutien à la croissance des autres pays de la zone euro serait dès lors bienvenu pour soutenir le commerce extérieur français, puisque ce sont nos principaux partenaires commerciaux. 

JOL Press : François Hollande a répété qu’il espérait la mise en œuvre « le plus vite possible » du plan européen d’investissements de 300 milliards d’euros. A quoi cette enveloppe devrait-elle bénéficier, et cela devrait-il avoir un réel impact ?

 

Bruno Ducoudré : Les contours du plan européen d’investissements de 300 milliards d’euros restent flous pour le moment. Il pourrait mobiliser en partie les fonds de la Banque européenne d’investissement, ou encore se traduire par une réallocation de fonds structurels.

Pour avoir un impact, il faut dans tous les cas mobiliser de nouveaux fonds et non réallouer une enveloppe existante. Si tel était le cas, l’impact sur l’économie européenne pourrait être important, le plan représentant 1% du PIB chaque année sur trois ans.

Il permettrait de soutenir la croissance à court terme, mais aussi de relever le potentiel de croissance à plus long terme si les fonds nouveaux sont alloués à des projets favorisant le développement d’infrastructures, l’innovation-recherche ou encore l’éducation.

 

Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press

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Bruno Ducoudré est économiste au Département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

 

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