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Suppression du «double irlandais», l’Irlande court-elle à sa perte?

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Sous la pression de l’Union européenne et de l’OCDE, pressés de mettre fin à certaines politiques d’optimisation fiscale, l’Irlande a annoncé la fin de son « double irish », ou « double irlandais ».

C’est le ministre des Finances, Michael Noonan, qui l’a annoncé dans le cadre de la présentation au Parlement du budget 2015. Un budget important puisque ce dernier annonce la fin de plusieurs années de politique d’austérité.

« J’abolis la possibilité pour les entreprises d’utiliser le double irlandais en changeant les règles de résidence fiscale. Toutes les entreprises enregistrées en Irlande devront également être des résidents fiscaux », a ainsi déclaré Michael Noonan.

Qu’est-ce que le « double irlandais » ?

Le principe du « double irlandais » est très simple. Une entreprise a la possibilité de créer une société holding, en Irlande, dont l’objectif est de réunir les bénéfices de ses filiales européennes. Cette même société est autorisée par le droit irlandais à se faire domicilier fiscalement dans un paradis fiscal.

Les profits de cette entreprise partent donc directement aux Bermudes ou aux Îles Caïmans, échappant ainsi, et très facilement, à l’impôt sur les sociétés qui, en Irlande, sont taxées à 12,5%.

C’est ainsi que des multinationales bien connues telles que Google, Apple, LinkedIn ou encore Starbucks parviennent à échapper à l’impôt sur les bénéfices.

Selon des chiffres donnés par Bloomberg, Google serait parvenu à économiser 2,5 milliards de dollars en 2013.

Le sandwich néerlandais après le double irlandais ?

La manipulation financière ne s’arrête pas là. Comme le rappelle Marc Rees, rédacteur en chef du site Next-impact, selon le droit irlandais, « les redevances liées à l’exploitation d’un droit de propriété intellectuelle ne font l’objet que d’une taxation minime si elles sont transférées à l’extérieur du pays. Plus encore, elles sont totalement exemptées d’imposition si elles sont transférées à l’intérieur de l’Union européenne ».

La suite du « double-irlandais » s’appelle donc le « sandwich néerlandais ». Dans le cas de Google, explique Marc Rees, « c’est la mission de Google Netherlands Holdings BV qui s’intercale entre la holding et Google LTD, une ‘simple coquille juridique, par laquelle transite le paiement des redevances’ dénonce Philippe Marini, (auteur d’un rapport parlementaire sur la fiscalité du numérique, ndlr). Par ce montage, en effet tout remonte aux Bermudes où l’impôt sur les bénéfices n’existe pas ».

Comment va désormais agir l’Irlande ?

La suppression du « double irlandais » prendra effet au 1er janvier 2015 pour les entreprises qui s’installeront en Irlande à partir de cette date. Les Google, Apple et autres Starbucks, déjà présents sur place, bénéficieront d’un régime transitoire jusqu’à la fin de l’année 2020, date à partir de laquelle toutes les entreprises installées en Irlande seront également résidantes fiscales en Irlande.

L’Irlande court-elle un risque en agissant ainsi ?

A ce jour, « plus de 1000 entreprises étrangères sont installées en Irlande employant 166 000 personnes », rappelle Le Figaro.

Si l’Irlande court le risque, notamment à partir de 2020, de voir déserter de grosses multinationales de son territoire, le quotidien rappelle toutefois que « l’une des forces de la petite économie celtique repose sur son attractivité fiscale avec son taux d’impôt sur les sociétés à 12,5%, le plus bas de la zone euro ». Un taux qui, selon les termes du ministre irlandais des Finances, ne changera pas.

Cette mesure ne fait bien entendu pas l’unanimité en Irlande, notamment au sein du gouvernement. Mais parmi les partisans du « double irlandais », on trouve également des célébrités. En effet, le chanteur du groupe U2, Bono, s’est déclaré favorable à cette pratique financière, affirmant que cette particularité faisait également la richesse de l’Irlande.

Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire britannique The Observer, Bono a ainsi déclaré : « Nous sommes un très petit pays, nous n’avons pas beaucoup de marges de manœuvre, et notre façon de résoudre l’équation est d’être innovants et intelligents […] C’est ainsi que ces sociétés sont arrivées ici… Nous n’avons pas de ressources naturelles, nous devons attirer les gens ».

Les multinationales vont-elle vraiment quitter l’Irlande ?

L’Irlande ne supprimera pas le « double irlandais » sans assurer ses arrières. En effet, une réforme fiscale globale permettrait de sécuriser les investissements. « Dublin veut en particulier rendre les régimes plus favorables pour la propriété intellectuelle, sur les licences et brevets », explique ainsi Le Figaro. « Il s’agit d’éviter le départ de compagnies comme Google ».

D’autre part, l’Irlande n’est pas la seule à agir ainsi. La Suisse, qui subissait également la pression de l’Union européenne et de l’OCDE a annoncé la suppression de cinq régimes fiscaux avantageux pour les entreprises.

« Nous avons maintenant une base commune avec l’Union Européenne, conforme aux standards globaux, qui va apporter une sécurité du droit à toutes les entreprises en Suisse », a ainsi annoncé la ministre suisse des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf, lors d’une réunion des ministres européens à Luxembourg.

De son côté, l’Irlande apparaît confiante.  « Ces mesures amélioreront le régime d’imposition des sociétés irlandaises et permettront de s’aligner sur les meilleures pratiques à l’échelle internationale. Nous veillerons à ce que l’Irlande continue d’être le socle des meilleures et plus prospères entreprises dans le monde. Ce régime attirera et maintiendra sur place celles ayant une réelle substance et offrant de vrais emplois », a déclaré, optimiste, le ministre irlandais des Finances.

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