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Tunisie: la jeunesse doit devenir l’épine dorsale de la société

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(Photo : jbor/Shutterstock.com)

A l’approche des élections législatives, les jeunes Tunisiens ne semblent pas intéressés par cet enjeu électoral. Comment expliquez-vous ce sentiment ?
 

Amir Ben Ameur : Je suis actuellement le président d’un projet national, « Transvote », qui vise à sensibiliser la population au processus électoral. Nous ciblons particulièrement les citoyens tunisiens qui vivent dans les zones rurales et défavorisées du sud du pays. Ce projet encourage au vote à travers des campagnes de sensibilisation, l’organisation de débats sur des questions de société et de tables rondes réunissant des acteurs de la société civile.

Grâce à cela, nous avons en effet remarqué que de nombreux jeunes ne sont malheureusement pas intéressés, ni par les élections législatives de ce 26 octobre, ni par l’élection présidentielle qui se déroulera dans quelques semaines.

Plusieurs raisons expliquent ce désintérêt. D’abord le manque d’information concernant les programmes des partis politiques. Ensuite le manque de confiance du citoyen envers les politiciens en général, et de ceux qui les gouvernent en particulier, qui résulte d’un sentiment que les promesses faites en 2011 lors de l’élection de l’Assemblée nationale constituante n’ont pas été tenues.

Il faut aussi mettre en évidence que la jeunesse reste encore aujourd’hui dans un sentiment d’insatisfaction car elle a l’impression de ne pas pouvoir investir le champ politique et elle se sent frustrée dans ses idéaux révolutionnaires.

Estimez-vous que la jeunesse ait été une des préoccupations des candidats durant cette campagne électorale ?
 

Amir Ben Ameur : Les jeunes représentent aujourd’hui 60% des électeurs tunisiens inscrits sur les listes électorales et ce pourcentage est plus important que lors des précédentes élections, selon l’Instance supérieure indépendante pour les élections. Il est donc évident que le vote des jeunes est un enjeu considérable pour les candidats.

De leur côté, les jeunes sont en recherche d’un parti qui placerait l’enjeu de la jeunesse au cœur de ses préoccupations.

Comme dans chaque démocratie, tout parti politique cherche à être en tête du scrutin et obtenir le pouvoir. Les candidats n’éludent donc pas les questions fondamentales qui touchent la jeunesse. Le problème réside cependant dans l’application de ces résolutions et de ces promesses. Car une fois élus, ces hommes politiques oublient leurs grands discours et la jeunesse passe à l’arrière-plan. Or selon moi, de cette responsabilité politique de tenir ses promesses découle la pérennité de notre démocratie.

En quoi le vote des jeunes déterminera-t-il le résultat de ces élections législatives ?
 

Amir Ben Ameur : Je crois que les jeunes ont un choix très limité lors de ce scrutin. Ils sont devenus un groupe marginal et de nombreuses voix appellent aujourd’hui au boycott. Cette réaction s’explique par le fossé de confiance qui s’est créé entre eux et les politiques.

Or si de nombreuses voix sont perdues, comme lors du scrutin de 2011, la victoire pourrait bien revenir aux islamistes.

Toutefois, de nombreuses organisations travaillent jour et nuit pour convaincre les Tunisiens de se rendre aux urnes le 26 octobre. Nous sommes désormais une société démocratique, la preuve en est cette société civile qui travaille à recréer un lien entre le peuple et la sphère politique.

Quelles devraient être les priorités de la prochaine Assemblée nationale pour impliquer les jeunes dans l’avenir politique de leur pays ?
 

Amir Ben Ameur : Ces élections sont des jalons de l’histoire de la Tunisie. Nous passons d’une période de transition à une véritable ère démocratique.

L’Assemblée nationale sera élue pour les cinq prochaines années et de nombreux changements devraient survenir. J’estime pour ma part que les députés devront se concentrer en priorité sur les enjeux de la sécurité intérieure et mettre ainsi fin au terrorisme. La croissance économique devra également être au cœur de leurs préoccupations et, bien entendu, des mesures spécifiques devront être prises pour la jeunesse tunisienne.

Je plaide pour la création d’une Assemblée nationale de la jeunesse qui donne aux jeunes le pouvoir de participer aux prises de décision. Ce conseil permettrait d’accroître l’influence des jeunes et leur donnerait plus d’espace pour prendre part au processus de construction de notre pays.

Les jeunes sont l’épine dorsale de la société et c’est pour cela que la réduction du chômage et le développement économique devront être les bases de la construction de la nouvelle Tunisie moderne.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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