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Carrefour de tous les dangers pour l’énergie française

Le changement de direction est toujours un moment délicat dans la vie d’une entreprise. Lorsque quatre d’entre elles (Areva, Total, EDF et GDF) interviennent au même moment chez les piliers de l’énergie en France, les conséquences sont d’autant plus appréhendées. L’Etat – qui vient de donner son feu vert à General Electric pour le rachat de la partie énergie d’Alstom – va devoir être attentif s’il ne veut pas voir ce secteur porteur reculer sur le plan international.

Total et Areva dans le flou

Il suffit parfois de quelques jours pour qu’un monde bien rangé s’effondre. C’est ce que doivent penser aujourd’hui le Gouvernement et les grands stratèges de l’énergie made in France après la vague de départs parfois surprise à la tête des quatre grands énergéticiens. Le remplacement le plus inattendu et de loin le plus dramatique revient à la compagnie Total qui a vu son PDG être emporté dans un accident d’avion où toute la lumière n’a pas encore été faite. La compagnie pétrolière (6e au monde) a les reins solides avec un chiffre d’affaires de 189,5 milliards d’euros pour 100 000 salariés. Le bénéfice net, certes en baisse, mais toujours supérieur à 10 milliards d’euros en fait un groupe incontournable, mais dont l’avenir doit être préparé avec grand soin par la nouvelle équipe expérimentée.

Le duo Desmarest-Pouyanné est pour le moins expérimenté, mais devra sortir du schéma classique pour appréhender les défis d’un nouveau genre (gaz de schiste, difficultés croissantes d’exploration et d’exploitation, montée en puissance des énergies renouvelables, etc.). Renommé dans le domaine du pétrole, le gaz pourrait devenir le fer de lance de l’activité du groupe. Sans compter les énergies renouvelables sur lesquelles mise Total via le très concurrentiel photovoltaïque.

Chez Areva, la démission de Luc Oursel pour des raisons de santé, annoncée le 22 octobre, a jeté un autre froid dans l’univers de l’énergie français. Fukushima a mis du plomb dans l’aile de la multinationale spécialiste de l’atome et les mauvaises nouvelles se suivent à un rythme élevé. Retard dans des projets phares comme l’EPR en Finlande, baisse de 50 % du titre en Bourse depuis le pic du début d’année, chiffre d’affaires au troisième trimestre en baisse de 15 %, report de l’émission hybride… La liste est longue et ne prête pas à sourire tant du côté des salariés que de l’Etat qui détient près de 22 % du capital.

Là encore, les projets se pensent à long terme à l’image de l’accent mis depuis de nombreuses années sur le développement des énergies renouvelables. Reste que si ce secteur d’activité peut être intéressant pour les finances du groupe, sa bonne santé dépendra, sans surprise, de l’avenir du nucléaire en France et surtout à l’étranger.

EDF et GDF-Suez s’en sortent bien

D’énergies renouvelables il en est question dans la succession de Henri Proglio à la tête d’EDF. L’énergéticien détenu à plus de 84 % par l’Etat est en bonne forme avec 11 milliards d’euros de bénéfice entre 2010 et 2013. Le bilan est globalement bon et le nouveau PDG Jean-Bernard Lévy a été appelé par l’Etat pour accélérer une transition énergétique un peu compliquée à concilier sur le papier. EDF gère les centrales nucléaires, lesquelles sont dans l’œil du cyclone des tenants d’une transition énergétique rapide. Mais EDF est aussi un des tous premiers investisseurs au niveau mondial dans les énergies renouvelables.

Cette position de leader est relayée avec un peu plus d’insistance ces derniers mois par EDF au moment où le débat sur la transition énergétique touche enfin le Parlement. 6,5 milliards d’euros ont été investis par l’énergéticien dont une grande partie en France. La transition énergétique se fera avec EDF et cela, quel que soit le degré de sympathie de la majorité pour le nucléaire. Le nouveau patron d’EDF aura fort à faire, car le maintien des normes de sécurité des centrales représente un coût d’environ 55 millions d’euros dans les prochaines années et la pression des écologistes sera d’autant plus forte.

Parmi les quatre, GDF est bel et bien celui qui vit la transition la plus paisible. Gérard Mestrallet devra quitter ses fonctions en 2016 et place déjà ses pions pour que son successeur suive la voie tracée. Une succession a priori féminine puisque Isabelle Kocher a été propulsée à la direction générale d’Areva, signe ostensible qu’elle sera la future figure n° 1 dans deux ans au grand dam de Jean-François Cirelli. Pour l’équipe Mestrallet, l’ancienne directrice financière « coche toutes les cases » et peut présenter un bon bilan.

La nouvelle équipe (que devra valider en 2016 l’Etat actionnaire) aura tout de même fort à faire avec une concurrence de plus en plus rude et disposant désormais d’un droit à regarder une partie des fichiers clients du groupe. L’Autorité de la concurrence a parlé et ne fait pas les affaires du numéro un du gaz.

A cela s’ajoute la succession de Bernard Bigot à la tête du discret, mais incontournable Commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui emploie 16 000 personnes pour un budget de 4,7 milliards d’euros. Les milliards se comptent donc par centaines dans le secteur de m’énergie française et les décisions d’aujourd’hui seront les succès ou les échecs dans les 15 à 50 prochaines années.

La responsabilité sur les nouveaux dirigeants est lourde, voire écrasante, mais l’efficacité est de mise pour laisser à la France une chance d’exister par elle-même dans le monde de demain.

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