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Chili: où en est la réforme sur le système éducatif ?

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JOL Press : Au Chili, les étudiants manifestent depuis 2011 pour réclamer un système éducatif gratuit et de qualité. Depuis l’accession au pouvoir de Michelle Bachelet en 2013, où en est la réforme ?
 

Emmanuelle Barozet : La réforme est aujourd’hui en plein débat : un ordre a été défini par le gouvernement pour les trois grandes réformes que le gouvernement de Michelle Bachelet s’est engagé à mettre en oeuvre. Il y avait d’abord la réforme des impôts, la réforme de l’éducation, puis la réforme de la Constitution.

Il faut bien comprendre que la réforme de l’éducation ne pouvait pas se faire tant que la réforme des impôts – qui doit financer la réforme de l’éducation – n’avait pas été adoptée. Depuis que la réforme des impôts a été votée au Parlement, le débat sur l’éducation s’est accéléré. Les projets de lois, assez complexes, abordent de différents fronts le problème de l’éducation. Nous sommes donc en plein débat et aussi en pleine polarisation sur ce qu’il faut faire et ce qu’on attend maintenant des changements dans les domaines de l’éducation.

JOL Press : Pourquoi le mouvement contestataire a-t-il explosé à ce moment précis ?
 

Emmanuelle Barozet : Le mouvement a été enclenché en 2006 avec le premier mouvement des lycéens, baptisé le « mouvement des pingouins », en référence aux uniformes des jeunes. Le mouvement est réapparu en 2011 avec l’arrivée d’un gouvernement de droite de 2010 à 2014 qui cooptait beaucoup moins les réseaux étudiants. Un ensemble d’évènements contextuels et d’opportunités politiques a déclenché le mouvement en mars 2011, qui a pris de plus en plus d’amplitude, jusqu’en juillet-août 2011.

JOL Press : Quels sont les moyens d’action des étudiants et quelles ont été les répercussions sur le système éducatif en 2011 ?
 

Emmanuelle Barozet : Le répertoire de l’action collective inclut les manifestations de rue mais aussi la grève. L’année 2011 a été une année très intense du point de vue des mobilisations collectives. Mais les grèves étudiantes ont eu des conséquences sur la formation des étudiants qui n’ont pratiquement pas eu cours pendant cette période-là. Maintenir deux ou trois années des mobilisations de ce type est très difficile.

JOL Press : Où en est la contestation aujourd’hui : les étudiants continuent-ils de manifester ?
 

Emmanuelle Barozet : Depuis 2012, la pression est un peu descendue. Le gouvernement de José Manuel Piñera Echenique a fait ce qu’il a pu pour ne pas apporter de réponses et en a d’ailleurs payé le prix, puisqu’à la fin des années 2013, la droite a perdu les élections. Depuis que Michelle Bachelet est revenue au pouvoir, les étudiants n’ont pas eu beaucoup de raison de se mobiliser puisque son programme inclut la réforme de l’éducation. Les manifestations de ces derniers mois, beaucoup moins importantes que celles de 2011, sont surtout une manière de faire pression dans le bon sens.

Par ailleurs, les élections au sein des universités viennent d’être marquées par la victoire du mouvement de gauche à l’université du Chili, et la victoire du grémialisme – un mouvement d’extrême droite  – dans l’autre grande université chilienne, l’Université catholique. Il y a donc une scission très forte au sein du mouvement des étudiants chiliens qui sort de ces élections divisé, donc affaibli.

JOL Press : Que sont devenus et, comment sont perçus les quatre dirigeants du mouvement étudiant de 2011 dont la leader Camila Vallejo ?
 

Emmanuelle Barozet : Au moment des élections de 2013, présidentielles et parlementaires,  quatre leaders du mouvement étudiants ont été élus au Parlement. Ils sont aujourd’hui assez mal évalués par les citoyens car  ils sont passés de la rue au Parlement bien qu’ils disent soutenir la réforme. Il y a aujourd’hui une distance très forte entre les nouveaux dirigeants étudiants des fédérations et ces quatre nouveaux députés qui ont « perdu le sens de la rue » et donc – selon les nouveaux dirigeants étudiants – leur loyauté vis-à-vis du mouvement social.

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