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Climat: les engagements de la Chine et des Etats-Unis suffiront-ils?

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(Photo : TTstudio/Flickr / cc)

La Chine et les Etats-Unis se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025-2030. Est-ce une vraie bonne nouvelle ?
 

Jean Jouzel : C’est une bonne nouvelle, même si elle n’est pas forcément assez ambitieuse pour atteindre l’objectif d’un maintien à long terme du réchauffement climatique à 2° par rapport au climat industriel. C’est également une nouvelle intéressante dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat en 2015.

Les Etats-Unis se sont engagés sur une réduction de 26-28% en 2030 par rapport à 2005. Ce qui ne représente que 10% de réduction par rapport au taux de 1990. Cela place toutefois les Etats-Unis sur une trajectoire qui leur permettra, à horizon 2050, une division par deux, voire par trois de leurs émissions.

Pour la Chine, tout le problème réside dans le pic de ses émissions de gaz à effet de serre. En effet, le pic d’émissions mondiales est largement tributaire du pic de la Chine, c’est-à-dire du moment où la Chine commencera à diminuer ses émissions. Pour le moment elles continuent à augmenter et nous pouvons espérer que celles-ci ralentissent pour arriver à un pic puis entamer une redescente. 2030 demeure néanmoins trop tard par rapport aux objectifs qui sont de rester en dessous de 2° d’augmentation de la température mondiale. La Chine affirme cependant que si elle le peut, elle tiendra ses objectifs avant 2030. Il est en effet souhaitable que le pic de la Chine intervienne plutôt en 2025.

La Chine et les Etats-Unis sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre. Derrière eux, qui sont les grands pollueurs de la planète ?
 

Jean Jouzel : La Chine représente 27% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Ce taux diminue à 15% pour les Etats-Unis, 11% pour l’Europe – qui a également pris, pour 2030, l’engagement de diminuer de 40% ces émissions par rapport aux taux de 1990.

L’Inde, l’Indonésie, le Brésil, la Russie, ainsi que tous les pays émergents contribuent également à ces émissions de gaz à effet de serre. Le statut de ces pays est différent selon leur niveau de développement. Nous différencions ainsi ceux qui sont en plein développement comme le Brésil et les pays émergents comme ceux du continent africain. Pour mettre la conférence de Paris sur de bons rails, il serait important que les pays développés s’engagent sur la mise en route du fonds verts qui devrait représenter 100 milliards de dollars en 2020.

La réussite de la conférence de Paris passe par un engagement de la Chine et des Etats-Unis aussi par une adhésion des pays en voie de développements, qui est totalement liée à l’existence du fonds vert à horizon 2020.

Malgré ces engagements, n’est-il pas trop tard pour limiter les conséquences du réchauffement climatique ?
 

Jean Jouzel : C’est un des problèmes. Même si les engagements sont ambitieux pour l’après 2020, si nous voulons réellement limiter le réchauffement à 2° à long terme, il faut agir dès maintenant.

Il faut en effet que les courbes d’émissions s’infléchissent tout de suite. Si rien n’est fait entre 2015 et 2020, nous ne pourrions qu’atteindre une stabilisation vers 3°. Il faut donc une action immédiate. Il y a urgence et il faudrait par exemple que la Chine inverse dès maintenant sa courbe et que les Etats-Unis mettent tout de suite leurs mesures en route.

Quelles seront les conséquences d’une augmentation de la température mondiale et qui, même si des mesures radicales sont prises dès maintenant, ne pourront pas être empêchées ?
 

Jean Jouzel : D’abord les rejets de gaz carboniques et l’acidification de l’océan. Même à 2°, il y aura des effets néfastes, qu’il s’agisse de la modification des extrêmes climatiques, de la perte des récifs coralliens, en raison de cette acidification de l’océan et du réchauffement des eaux de surfaces.

Si nous réussissons à limiter le réchauffement en dessous de 2°, nous pourrions limiter les conséquences néfastes sur la productivité agricole qui a d’ores et déjà été affectée par le réchauffement climatique. Les extrêmes climatiques seraient  bien entendu modifiés, mais de façon moins importante que si nous nous dirigions vers un réchauffement à  4 ou 5°.

L’importance de rester fixés sur une trajectoire à 2° réside dans l’après 21ème siècle. Dans un scénario à 2°, nous pouvons espérer stabiliser cette température à la fin du siècle. Dans un scénario à 4 ou 5°, le réchauffement se poursuivrait au cours du prochain siècle. Il ne faut pas arrêter sa vision du réchauffement climatique à la fin du siècle. Il faut parvenir à une neutralité carbone d’ici la fin de ce siècle, voire des émissions négatives, et c’est un effort à poursuivre au-delà de 2030, de 2050 de manière à se passer complètement de combustibles fossiles au cours du prochain siècle.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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