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Code pénal alsacien: les Femen bientôt condamnées pour blasphème?

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Les Femen dénoncent constamment la religion catholique et les principes que celle-ci véhicule – shutterstock.com

Sont-elles allées encore une fois trop loin ? Les Femen, connues pour leurs actions coup de point qu’elles qualifient elles-mêmes de « sextrémistes », ont à nouveau frappé : lundi 24 novembre, l’une d’entre elle est montée sur l’autel de la cathédrale de Strasbourg pour protester contre la venue du Pape au Parlement européen. Son message : « Antisecular Europe » et « Pope is not a politician ». Cet happening n’est pas une première : en décembre 2013, l’une d’entre elle avait grimpé sur l’autel de l’église de la Madeleine à Paris, seins nus, pour mimer un avortement avant d’uriner sur place.

Si les autorités françaises ont très souvent eu à leur égard une très grande, sinon curieuse, indulgence – en septembre dernier, les neuf Femen qui étaient poursuivies pour avoir dégradé une cloche de Notre-Dame de Paris ont été relaxées par le tribunal correctionnel de Paris et les trois surveillants qui étaient intervenus, ont, quant à eux, été condamnés à des amendes avec sursis pour violence – il semblerait que le code pénal de la région d’Alsace-Moselle soit plus ferme en matière de troubles à l’encontre des cultes.

Délit puni d’un emprisonnement de trois ans au plus

L’article 166 du Code pénal local dit ceci : « Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse établie sur le territoire de la Confédération et reconnus comme corporation, ou les institutions ou cérémonies de ces cultes ou qui, dans une église ou un autre lieu consacré à des assemblées religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus. »

Si le délit de blasphème existe en effet dans cette région, pour Jean-Marie Woehrling, président de l’Institut de droit local alsacien-mosellan, ce délit ne doit pas être considéré comme un délit moyenâgeux. « Il s’agit d’une disposition d’origine allemande qui a été maintenue en 1918, lors du rattachement de l’Alsace et la Moselle à la France », explique-t-il. « Mais, déjà, à l’époque allemande, cette disposition ne visait pas à protéger une religion en tant que telle mais à respecter les convictions religieuses des personnes. »

« Ce qu’on appelle de manière brutale ‘délit de blasphème’ est interprété depuis très longtemps dans un sens très proche de ce qui est prévu par la loi de 1905 : les personnes qui ont des convictions religieuses ont le droit d’être protégées contre toute forme d’agression ou de dénigrement qui se traduirait comme une atteinte à la liberté religieuse », ajoute-t-il.

Rappel historique

La définition du « blasphème » est entrée dans le droit français au XIIIe siècle et sera supprimé du droit par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui déclare cependant que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». On passe alors du délit de blasphème à la protection de la liberté religieuse. Le blasphème est réinstauré dans le droit sous la Restauration et de nouveau abrogé dans les années 1830.

Le délit est supprimé définitivement du droit français par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. A l’époque, les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle était intégrés à l’Empire allemand, les dispositions juridiques allemandes ont donc été maintenues, après le rattachement. Cependant, malgré l’existence de ce délit, « on ne compte que très peu de précédents dans cette affaire », estime Jean-Marie Woehrling. «  Si condamnation il y a eu pour blasphème, personne n’a fait de prison pour ce délit en Alsace-Moselle. »

De possibles condamnations ?

Au regard de cette législation, il n’est donc pas absurde de penser que les Femen pourraient, cette fois-ci, être condamnées. Comme le rappelle le journaliste Pierre Jova, dans les colonnes du Figaro, ce genre de condamnation est tout à fait envisageable : « En 1954, le tribunal correctionnel de Strasbourg a condamné selon les articles 166 et 167 du code pénal local des individus ayant perturbé un office à la cathédrale de Strasbourg ». « En 1999, la Cour de cassation a confirmé une condamnation prononcée par la cour d’appel de Colmar contre une perturbation d’office religieux », ajoute-t-il.

D’autres happenings ont été menés contre la venue du pape à Strasbourg : le 21 novembre, le groupe féministe a revendiqué le rapt d’un prêtre pour protester contre l’apparition du souverain pontife devant le Parlement. « Nous avons pris notre premier otage pour défendre la laïcité contre les attaques du Vatican, la plus grande mafia religieuse dirigée par le pape. Nous sommes prêtes à libérer le prêtre une fois que nos exigences seront satisfaites. Notre demande est claire: l’annulation de la visite du pape à l’UE », avaient-elles alors déclaré.

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