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Crise économique, identitaire, politique: panique à bord du navire France?

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Entre réforme et révolution, offre et demande, marché et Etat, tous prétendent avoir le remède miracle, mais répugnent à en faire la pédagogie et surtout à l’appliquer : réélection oblige. Le choc des civilisations, des identités, des cultures, trop longtemps refoulé par le politiquement correct, fait un retour fracassant dans les villes de grande solitude. La question n’est plus de savoir si la France va imploser : mais comment et quand cette désagrégation s’imposera. A moins que…

Extraits de Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi, d’André Bercoff (octobre 2014 – First éditions)

Nous nous acheminons lentement mais sûrement vers l’implosion. Et cela se comprend : Rome n’est plus dans Rome. La quasi-totalité des fondations culturelles, spirituelles, économiques et sociales qui maintenaient le pays, depuis les Trente Glorieuses, dans une harmonie surjouée mais réelle, est en train de s’effondrer avec un bruit sourd qui se répercute d’analyses en études, de livres en émissions, de rapports en essais. Surtout, il n’y a pas que sur le papier, les ondes et les écrans que bruissent les rancœurs, les indignations et les frustrations. Le quotidien de l’Hexagone est parcouru d’un frisson d’incivilités répercuté, enjolivé, grossi et déformé de façon telle que la perte des repères s’en trouve dramatiquement aggravée.

Toutes les études et expertises se rejoignent. Les Français sont pessimistes, méfiants, nostalgiques, furax. L’avenir radieux devient une plaisanterie de mauvais goût à l’heure du chômage et des impôts, de la baisse du pouvoir d’achat et du brouillard des retraites. Ils le répètent à l’envi : c’était mieux avant. Il n’y a plus d’autorité, plus d’ordre. Dans certains endroits, on n’est plus chez nous. Il nous faut un homme à poigne. Une personnalité courageuse qui ose sanctionner. De droite ou de gauche, on s’en fout. Pourvu que ça recommence à fonctionner.

[image:2,s]Non seulement l’avenir n’est plus ce qu’il était, mais les jeunes ont l’impression qu’ils ont beaucoup moins de chance de réussir, même modestement, que leurs parents ; en plus, à qui faire confiance ? Même les voisins de palier n’ont plus la cote. Si nos sondeurs et autres spécialistes des interrogations téléphoniques et des entretiens qualitatifs affirment que l’on continue à faire confiance aux PME, à l’armée et à la police, un peu moins à l’instituteur et au maire, ils montrent depuis longtemps le degré de méfiance, voire de mépris, de nos concitoyens pour le Parlement, les médias et les partis politiques. Le « tous pourris » n’est pas nouveau mais il revient de plus en plus souvent.

On le comprend. Le divorce de l’État français avec lui-même a eu lieu sans qu’on le formule ou qu’on l’explique vraiment. La France fut bâtie sur un État fort, centralisé, omniprésent et omnipotent, de Colbert à de Gaulle. Le roi puis le chef montraient la voie, tenaient bon le cap, décidaient, donnaient des ordres et la foule des brillants commis exécutait dans un ronronnement d’obéissance heureuse. Quand la République remplaça la royauté et que l’on fut pour de bon en démocratie parlementaire, le mot d’ordre de tous les candidats, à droite comme à gauche, consista à dire au peuple électeur : donnez-moi le pouvoir, que je vous le rende. Chacun savait obscurément que seul le premier membre de la phrase comptait, mais tout le monde fit semblant de croire le contraire. Force est de reconnaître que, pendant des décennies, la maison fut bien tenue, et ce, parce que l’État était auréolé, au-delà des catastrophes et des bonheurs de l’histoire, d’une légitimité aussi justifiée qu’incontestée.

Racontez, grand-père, racontez ces temps heureux où l’État centralisé était propriétaire de tout : automobiles, mines, transports, énergies, banques, assurances. Il battait monnaie, décidait du taux d’inflation ou de l’opportunité d’une dévaluation, avait la haute main sur l’économique, le législatif, le culturel, le juridique, le militaire. Il faisait ce qu’il voulait, pour le meilleur et pour le pire. De Gaulle et dans une moindre mesure Pompidou furent les derniers capitaines du tout-puissant vaisseau amiral.

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André Bercoff est écrivain, journaliste et homme de télévision. Depuis son livre, L’Autre France, en 1975, il est l’auteur d’une trentaine de romans et d’essais, dont  Moi, Président… (2013 – First éditions), Je suis venu te dire que je m’en vais (novembre 2013 – Éditions Michalon), ou Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d’une implosion annoncée (octobre 2014 – First éditions).

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