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Des réformes irréversibles pour garder la confiance populaire en France

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En France, tous les présidentiables de la droite, de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé, mais aussi Marine Le Pen et François Bayrou, sont favorables à la réduction du nombre de députés et de sénateurs. A gauche, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, l’évoque dans son ouvrage intitulé Je ne me tairai plus, tandis que le président de la République, François Hollande, ne l’écarterait pas non plus dans le cadre d’une réforme institutionnelle globale. Avec 925 parlementaires, la France dispose de 577 députés et de 348 sénateurs. Mais réduire le nombre de parlementaires ne peut que difficilement faire l’économie d’une réforme électorale.

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Rénovation des partis politiques

Pour susciter la crédibilité auprès d’un électorat complètement déboussolé, la rénovation des partis politiques s’impose. La politique s’appuyant sur le dialogue entre les gouvernants et les gouvernés, les luttes qui en découlent n’ont de sens que s’il existe une société à gouverner et des partis politiques pour la représenter. De plus, ceux-ci redeviennent de simples factions quand ils ne remplissent plus leur rôle, en particulier lorsqu’ils font objectivement prédominer leur caractère de « parties » dans leur vocation à exprimer une conception de l’intérêt collectif.

La raison d’être d’un parti politique consiste, par ailleurs, à faire désigner ses membres aux fonctions publiques. Par conséquent, les exigences de l’action électorale ont peu à peu encouragé une organisation extérieure aux assemblées d’élus pour désigner les candidats, mobiliser les électeurs et conduire les campagnes. Le parti politique ne s’identifie de ce fait à aucun dirigeant, ni aux adhérents, ni aux électeurs, ni aux élus. Il résulte au contraire de leur combinaison en une entité qui les réunit sans pour autant les confondre.

Deux logiques contradictoires

Les trois éléments fondamentaux d’un parti politique – élus, électeurs, militants – ne peuvent être que coordonnés par l’existence d’un leadership qui permet leur intégration dans une perspective dynamique : à savoir le fait de gouverner. La direction politique mobilise en définitive l’appareil – l’objectif étant d’obtenir des électeurs la désignation d’une majorité responsable, fût-ce une coalition, en vue de l’articulation du programme électoral. Cette direction doit être assez ferme, sinon la solidarité des trois composantes se relâchera et finira par générer la domination soit des élus, soit des militants : plus précisément une oligarchie parlementaire ou celle d’appareil.

On risque d’être confronté à deux logiques parallèles : l’une, celle du droit, proclamant l’indépendance absolue du député, tandis que l’autre, celle du fait, exposant la rigoureuse discipline que les partis politiques imposent à leurs élus. Pour Hans Kelsen, « la démocratie […] ne peut sérieusement exister que si les individus se regroupent d’après leurs fins et affinités politiques, c’est-à-dire si, entre l’individu et l’Etat, viennent s’insérer [des] formations collectives, dont chacune représente une certaine orientation commune à ses membres : un parti politique ».« La démocratie est donc nécessairement et inévitablement un état de parti [parteienstaat] », conclut le fondateur de l’école normativiste.

Il s’agit, pour Kelsen, d’un système dont le droit positif ne fait qu’esquisser une nouvelle logique. Si l’on attribue aux partis politiques le choix des députés auxquels ils ont droit, d’après leurs forces numériques, rien ne s’opposera à ce qu’on leur reconnaisse également, en tant que pièces essentielles du mécanisme constitutionnel, le droit de révoquer leurs députés. On abandonnerait alors l’idée selon lequel le corps des députés représentatifs, considéré comme une unité, soit créé directement par le peuple. Dans ce cas, le système de la proportionnelle pure ne serait pas praticable – l’élection d’un député devant rester les principes de personnalité et de sa territorialité. Par conséquent, selon Hans Kelsen, les corps entre lesquels les mandats seraient répartis et la manifestation de volonté en fonction desquels ils seraient attribués ne concerneraient pas les habitants d’un territoire arbitrairement délimité, mais les adhérents d’un parti.

Une loi fondamentale

La loi française du 15 janvier 1990 a adopté un dispositif de financement des partis politiques, qui les reconnaît comme faisant partie intégrante de la Constitution. Après leur avoir conféré la personnalité morale, le droit d’acquérir des biens et d’effectuer tous les actes « conformes à leur mission », le législateur a prévu l’inscription dans la loi de finances d’un crédit divisé en deux fractions égales – la première moitié étant attribuée aux partis qui ont présenté des candidats dans au moins 75 circonscriptions, proportionnellement aux suffrages obtenus au premier tour par les candidats ayant déclaré leur être attachés, et la seconde aux partis proportionnellement au nombre des députés et des sénateurs qui ont déclaré y être inscrits.

En France, il manque encore une loi fondamentale, comme en Allemagne, relative à la légalisation des droits des membres adhérents, à l’existence d’un comité directeur et de commissions de travail au sein des partis politiques, à la formation de la volonté des adhérents au sein des organes représentatifs, aux sanctions éventuelles érigées contre un groupement territorial et au mode de désignation des candidats aux élections. Il sera nécessaire de suppléer à ce manque. En cas d’officialisation par une loi fondamentale de l’existence des partis politiques, les principes hérités des IIIe et IVe Républiques – et encore en vigueur sous la Ve – selon lesquels, d’après la vigoureuse formule de Georges Berlia, « les représentants de la Nation souveraine sont les représentants de la Nation », devront être abandonnés.

Une réforme électorale

Les arguments évoqués ci-dessus doivent impérativement inciter à une réflexion sur une réforme électorale faisant la synthèse entre l’élection individuelle pure de députés issus d’un parti de notables, et l’élection proportionnelle pure de députés issue d’un parti de masse. Sur le plan constitutionnel, il est certain que les lois françaises d’après-guerre ont légalisé la formation de partis politiques. Un tel projet de loi électorale pourra avoir pour objet de concilier les deux méthodes, celle qui donne la prééminence aux élus par un scrutin majoritaire à un tour, et celle qui rend aux partis politiques leurs fonctions principales par la proportionnelle.

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