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Ententes illicites et manipulations, le nouveau scandale qui touche le marché des devises

Une nouvelle amende pour le monde de la finance ! Mercredi 12 novembre, les régulateurs financiers américain, britannique et suisse ont condamné cinq grandes banques à une amende de 3,2 milliards de dollars pour avoir manipulé à très grande échelle le marché des changes.

Des traders qui s’entendent sur les chat-rooms

Les trois régulateurs financiers qui ont condamné Citibank, HSBC, JP Morgan Chase, Royal Bank of Scotland et UBS sont la Commodity Futures Trading aux Etats-Unis, la Financial Conduct Authority au Royaume-Uni et enfin la Finma en Suisse. C’est UBS qui a reçu la plus grosse amende avec un montant de 803 millions de dollars. A noter que les amendes devaient être plus importantes mais elles ont finalement été réduites de 30% après que les cinq banques en question acceptent de coopérer avec les autorités financières dans le but de faire taire le plus rapidement ce scandale.

Les cinq institutions financières sont condamnées pour avoir mis en place des ententes illicites. A l’origine de ces ententes, un petit nombre d’acteurs des grandes banques qui discutent sur les chat-rooms de leurs ordinateurs afin de se mettre d’accord et de s’entraider. Voici un exemple de message retrouvés par les enquêteurs, son contenu ne laisse aucun doute quant aux intentions des deux correspondants : « – Comment est-ce que je peux gagner de l’argent facilement si on ne me donne pas des putains d’informations en avance ? – Je préférerais qu’on joigne nos forces ».

Un marché difficile à manipuler seul

 Ce qu’il faut rappeler c’est que le marché des changes sur lequel les banques ont fraudé est supposé être très difficile à manipuler. En effet, c’est de très loin le plus gros marché au monde. En moyenne, pas moins de 5 000 milliards de dollars y sont échangés quotidiennement. Cela représente vingt  fois plus que sur l’ensemble des Bourses mondiales. Des chiffres qui donnent facilement le tournis.

Afin de disposer d’un point de référence, les traders ont à leur disposition des indices sur lesquels se fonder. Les deux indices les plus utilisés sont le WM Reuters qui fait la moyenne du cours d’une devise lors des trente secondes avant et après 16 heures tous les jours et le second, l’indice European Central Bank Fixes fait la même chose à 13h15. Les traders disposent donc de fait, de deux périodes où ils peuvent concentrer leurs efforts afin d’influer sur les cours d’une monnaie.

Que l’on se comprenne bien, tout cela n’a rien d’illégal bien au contraire. Ce qui l’est par contre c’est de s’entendre entre banques pour influer ensemble sur les cours d’une devise et c’est exactement ce qui a eu lieu entre le 1er janvier 2008 et le 15 octobre 2013. A titre d’exemple, nous pouvons prendre le cas de la banque Citigroup qui reçoit un ordre d’un client d’acheter 200 millions d’euros au prix du European Central Bank Fixes. Le trader de Citigroup est alors entré en contact avec des confrères des quatre autres banques condamnés pour voir si, eux aussi, avaient des commandes d’euros ce jour-là. Toutes les commandes ont alors été regroupées et transférées à Citigroup qui s’est retrouvé avec des commandes de 542 millions d’euros. Peu de temps avant 13h15, l’heure du calcul de l’indice, le trader de Citigroup a alors placé des ordres d’achat à des niveaux supérieurs à ceux que les vendeurs lui proposaient faisant ainsi monter le cours de l’euro. Résultat : pendant les secondes qui ont entouré la détermination de l’indice, Citigroup a réalisé les trois quarts des échanges de devises. Le trader a donc inondé le marché et réussi à le dominer. A noter qu’après cette opération, les traders des autres banques félicitaient leur confrère sur la chat-room.

Néanmoins, cette amende ne met pas fin au scandale car d’autres banques sont encore sous le coup d’une enquête pour des pratiques similaires et certains traders sont même poursuivis à titre individuel. Les régulateurs ont d’ailleurs lancé un programme de redressement concernant le marché des devises en demandant aux directions des institutions financières de « s’attaquer aux racines du problème ». Affaire à suivre…

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