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François Hollande n’est pas (encore ?) Tony Blair

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Cette forme d’atermoiement est le tribut payé par François Hollande de n’avoir pas pu, politiquement, électoralement, lors de sa campagne de 2012,  poser clairement le diagnostic et fixer à ce moment là le cap. Il fallait alors flatter l’aile gauche de la gauche, trouver un bon ennemi facile, « la finance », surfer sur le désir de protection à courte vue, appelé « modèle social français », où l’assistance (coûteuse) se mêle à la solidarité (nécessaire).

Trop tard aujourd’hui pour le pouvoir en place ? Les vérités ne sont jamais trop tardives pour être dîtes et, en cela, la gauche Hollande-Valls, bien plus que la gauche Mélanchon-Montebourg, a des effets pédagogiques puissants. Même si notre pays aime, pour partie en tout cas, entendre ses propres vérités et une partie du peuple de gauche  et de l’ultra-droite se tourner vers les chimères zemmouro-lepénistes : croire (ou faire croire) que notre salut passerait par une sortie aventureuse de l’Union Européenne et de l’euro. Pour être les plus forts, mais oui, soyons seuls contre tous !

Tony Blair, en européen majestueux et réformiste lumineux, est venu cette semaine en France et s’est exprimé sur nos ondes (France Inter, France 2 notamment) avec grand talent. L’ancien Premier ministre britannique a regardé amicalement les Français dans les yeux, leur a dit qu’ils avaient vraiment beaucoup d’atouts pour réussir, à condition qu’ils sachent regarder la réalité et le monde en face, et évoluer avec cette réalité mondiale qui nous entoure et nous concerne.

Oui, regarder l’avenir en face et avec confiance est devenu un enjeu national, qui n’est ni de gauche, ni de droite, car il n’y a aucune raison que cet avenir soit plus allemand ou anglais que français, n’en déplaise à ceux qui ne cessent de regarder dans le rétroviseur, comme ce Zemmour aux théories fumeuses, le polémiste à tendance xénophobe (et phobique en général) glorifiant les années 60, où le patriarcat s’imposait dans les familles et l’Etat dans la société.

Le problème de Zemmour et de la cohorte des « suicidaires Français » est que nous vivons en 2014, que la mondialisation des échanges se développent, fait décoller des nations et même des continents qui étaient en sous-développement misérables dans les années 60, que cette mondialisation peut aussi être une chance pour la France, comme l’Europe est aussi, pour nous, une protection et non un mal absolu. Le propos est sans doute plus exigeants, il appelle un certain courage politique, il doit aujourd’hui s’affirmer avec plus de force pour enrayer les facilités de langage de nombreux illusionnistes – politiques aux extrêmes avec leurs compagnons de route, polémistes professionnels qui flairent la part de marché – qui veulent faire croire que le merveilleux modèle Français est « menacé » et que, face à la menace, il faudrait revenir aux bons droits de douane des années 60, remettre des képis aux frontières de l’hexagone, dresser des barricades aux frontières pour bloquer les marchandises indésirables et surtout les migrants qui viendraient envahir notre territoire !

Tony Blair, en Grande-Bretagne, a fait le job et ses années de réformes, très déterminées, ont aussi été des années de confiance pour son pays. Certes, la France n’est pas le Royaume Uni, certes la place de l’Etat (Providence) a été de tous temps, chez nous, la matrice mentale, culturelle et politique, ce qui a affaibli les ressorts de la société civile, ce que le Général de Gaulle appelait « les forces vives de la Nation ». Ces forces qui semblent manquer aujourd’hui, avec leur esprit entreprenant.

Or, c’est bien cet esprit entreprenant, surtout en temps de crise, qu’il nous faudrait cultiver, pour passer de l’exercice de masochisme national à celui de développement partagé, et entraînant. C’est la promotion de cet esprit entreprenant qui a peut-être le plus manqué dans le propos télévisuel, et politique, de François Hollande, devenu chef d’un Etat qui n’a plus les moyens d’être « Providence ». Peut-être François Hollande n’avait-il pas eu le temps, de voir deux jours auparavant, sur le plateau de David Pujadas, Tony Blair rayonner avec aisance en leader européen du social-réformisme.

Jean-Philippe Moinet,

directeur de la Revue Civique,

éditorialiste sur JOL Press

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