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La surréaliste course des chevaux présidentiables

La France est en guerre. À plusieurs milliers de kilomètres de Paris contre les djihadistes de l’État Islamique, mais aussi, discrètement, dans le métro parisien où la  chasse aux « colis suspects » est ouverte. Une forme de guerre ciblée est engagée et le  grand fracas médiatique est passé à autre chose, et c’est tant mieux, même si la mémoire de l’otage français décapité en Algérie, Hervé Gourdel, devrait nous accompagner durablement. 
 
La séquence d’actualité, qui a suffisamment surfé sur les peurs, s’est tournée vers un sujet cuisiné en permanence, et qui évite de se casser la tête l’incessant « marronnier » des ambitions présidentielles maintient toujours en haleine, même 135 semaines avec l’échéance de Mai 2017. Toutes les écuries s’y croient déjà. Certes, la cote du Président est au plus bas, certes une étincelle imprévue, comme écrit en ces pages numériques de JOL Press; , peut très vite provoquer une explosion sociale. Et il est vrai qu’en France, pays des secousses plutôt que des douces mutations, patrie des révolutions plus que des réformes, on est à l’abri de rien quand on sait le niveau des défiances qui traversent « la société d’en bas ».
 
S’il est donc légitime de se préparer à tout, il y a quand même quelque chose de surréaliste dans notre bon vieux pays  : la présidentielle de 2017 se prépare, à en croire les services politiques des grands médias, depuis septembre… 2012. Notons d’ailleurs que les services politiques des journaux, au niveau de compétence assuré, occupent beaucoup plus que dans d’autres pays la surface des « Unes » et des pages « événements ». Ce n’est pas pour rien que la France est la seule démocratie en Europe à avoir créé, conformément à sa longue tradition de Monarchie républicaine, une élection présidentielle qui assure un beau spectacle. 
 
Notre Nation a une culture politique surdimensionnée, parfois exubérante et baroque, qui atteint des proportions inversement proportionnelles à la culture économique de nos concitoyens. On adore, en France, le théâtre de la bataille politique, souvent celle des hommes, une bataille incarnée par des «  figures  ». Les journalistes politiques, s’ils le pouvaient, seraient d’ailleurs prêts à organiser une élection présidentielle tous les deux ans ! Et la course de chevaux, qui amuse une galerie 
citoyenne de plus en plus dépitée, sert de distraction. Ou de dérivatif. Comme dans la Rome antique en déclin, où les combats de gladiateurs servaient à faire oublier la perte d’une grandeur passée. 
 
On a donc droit tous les jours au spectacle. Un ancien Président (Nicolas Sarkozy) et ses proches sont sommés de répondre au feuilleton de « l’affaire » Bygmalion. Un autre ancien Président (Jacques Chirac) se remet en scène pour adouber « le meilleur d’entre » les présidentiables de l’UMP, Alain Juppé, contre l’avis acerbe de Bernadette Chirac. 
 
À gauche, face à la tourmente, on serre les coudes au gouvernement, mais ceux qui n’en sont pas – ou plus – comme Arnaud Montebourg, disent désormais tout haut ce que ce dernier disait déjà tout bas quand il siégeait au gouvernement : que François Hollande ne descendra pas dans l’arène en 2017, de peur de se « faire massacrer » par les foules sauvages. Et donc que c’est lui, l’homme du « redressement productif », oui mais c’est bien sûr, « l’homme providentiel » que la gauche attend depuis… 1995, et le départ de François Mitterrand. 
 
N’est évidemment pas François Mitterrand qui veut, mais Arnaud Montebourg ne manque ni d’applomb, ni de culot. Prix de l’éloquence quand il était tout jeune avocat, il sait que l’essentiel (pour une part des médias) n’est pas pour lui d’avancer des idées ou des propositions crédibles mais, bras dessus bras dessous avec un autre ex-Ministre devenu sa compagne (Aurélie Filipetti), d’entretenir une vraie posture et une forme de populisme. De gauche, naturellement. Ses proches, comme ceux de Mélenchon  hier, théorisent non sans risque en expliquant doctement que cette posture « populo-gauchisante » serait la meilleure manière, aujourd’hui, de couper l’herbe sociale sous le pied d’un lepénisme flamboyant qui, de grand-père à petite-fille (Marion Maréchal, « la voilà !»), aurait irrémédiablement un boulevard devant lui. 
 
C’est ainsi qu’on entretient postures et démagogies, effets de langage et de manche. Sans s’apercevoir, trop enivré par son propre discours auto-persuasif, que ces postures et ces démagogies entretiennent une redoutable compétition et des douteuses surenchères. Que l’extrémisme xénophobe finit, à l’évidence, par récupérer.
 
Jean-Philippe MOINET,
 
directeur de la Revue Civique, 
éditorialiste à JOL Press
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