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La victoire des Républicains impliquera des ajustements politiques

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(Photo : Orhan Cam/Shutterstock.com)

Quelles sont les conséquences de la victoire des Républicains au Sénat américain ?
 

Alexandra de Hoop Scheffer : Le président Barack Obama aura désormais les mains encore plus liées en matière de politique intérieure que ces dernières années et aura les plus grandes difficultés à consolider son programme (immigration, santé, climat, inégalités sociales). Il ne pourra pas se contenter de contourner le Congrès et de gouverner par décrets présidentiels, et devra redéfinir la manière dont il gère ses relations avec un Congrès à majorité républicaine. Le discours de Mitch McConnell, qui devient le chef de la majorité républicaine au Sénat, laisse entendre qu’il encouragera aussi son parti à améliorer ses relations de travail avec la Maison Blanche et avec le Parti démocrate. C’est aussi le message principal du discours du 5 novembre de Barack Obama. Ils répondent ainsi tous deux aux attentes exprimées par les Américains lors de ce scrutin, qui souhaitent que les blocages institutionnels et parfois très idéologiques, cessent. Il ne s’agira pas de systématiquement céder au compromis, notamment parce que les deux partis doivent définir un agenda propre et identifiable en amont de l’élection présidentielle de 2016, mais d‘avancer sur certains dossiers où Républicains et Démocrates pourraient trouver une entente bipartisane. Le défi pour le parti républicain sera de composer avec des élus du Tea Party, comme le sénateur texan Ted Cruz, qui n’ont pas l’intention de tendre la main aux démocrates.

Sur le plan extérieur, quels projets en cours pourraient être amenés à changer ?
 

Alexandra de Hoop Scheffer : Avec une majorité au Sénat et à la Chambre, les Républicains vont pouvoir davantage superviser la manière dont la politique étrangère élaborée, ainsi que les campagnes et les dépenses militaires, façonner le débat au sein du Congrès, et tenter de faire infléchir certaines décisions.

L’accord sur le nucléaire iranien, que Barack Obama met sur le même plan d’importance que sa réforme de la santé, est le dossier de politique étrangère où les désaccords sont les plus forts entre la Maison Blanche, les Républicains et même certains Démocrates, qui souhaitent un durcissement des sanctions économiques envers l’Iran, alors que Barack Obama envisage d’assouplir les sanctions pour amener l’Iran à négocier. En raison de cela, le président veut éviter d’apporter tout accord conclu avec l’Iran devant le Congrès, et a clairement dit que si une loi passait au Congrès pour durcir les sanctions, il opposerait son véto. Or le contournement du Congrès sur l’Iran fragilisera tout accord conclu par Obama, en limitera sa pérennité, et toute suspension de sanctions devra de toute manière faire l’objet d’une loi approuvée par le Congrès, ce qui s’avère impossible.

En Syrie, le parti républicain a depuis 2012 reproché à Obama de ne pas avoir soutenu militairement l’opposition syrienne à Bachar al-Assad et d’avoir décrédibilisé les Etats-Unis dans le monde en ne respectant pas la « ligne rouge » fixée par le président lui-même. Des sénateurs comme John McCain continueront à insister que les frappes aériennes déployées en Irak et en Syrie ne suffisent pas et feront pression pour qu’Obama intensifie son action sur le terrain, y compris en déployant des troupes au sol. Mais il ne faut pas oublier que les Républicains sont aussi divisés sur les questions de politique étrangère et les membres du Tea Party, comme Rand Paul, s’opposent à cette idée. Le parti républicain devra faire un exercice d’équilibre entre les différentes écoles de pensée qui l’animent.

Un autre dossier sur lequel les Républicains pourront peser est l’Afghanistan. Reprochant à Barack Obama de ne pas avoir laissé de troupes après 2011 en Irak pour contenir la menace que représente aujourd’hui l’Etat Islamique, le Congrès républicain incitera sans doute l’administration Obama à ralentir le retrait américain d’Afghanistan puisqu’aujourd’hui, l’approche d’Obama est de ne laisser que 9 800 hommes jusqu’à fin 2015. En 2016, il n’y aurait plus qu’une présence pour protéger l’ambassade américaine. Les Républicains craignent alors un scénario à l’irakienne où les Américains se retireraient trop tôt sans que la situation ne soit stabilisée. Je vois ici un moyen de pression pour faire infléchir la position du président.

Qu’en est-il des dossiers de politique intérieure ?
 

Alexandra de Hoop SchefferLa question de la réforme de l’immigration sur laquelle Obama s’est engagé à émettre un décret présidentiel après les élections de mi-mandat, sera sans doute le tout premier test qui permettra de savoir comment le Congrès et la Maison Blanche vont travailler ensemble au cours de ces deux prochaines années.

Sur tous les dossiers qui lui tiennent particulièrement à cœur, comme la hausse du salaire minimum, l’extension du Medicaid à plus d’Américains, la politique énergétique, Barack Obama aura les plus grandes difficultés à faire adopter des lois par le Congrès. L’abrogation totale d’Obamacare est illusoire, car Barack Obama conserve son pouvoir de veto, mais certains éléments de la réforme pourraient être amendés. Pour son agenda démocrate, il devra donc continuer à contourner le Congrès.

Le sénat aura aussi la capacité de bloquer éventuellement des nominations importantes faites par le Président (par exemple celle du successeur du Secrétaire du Trésor, Eric Holder) et qui requièrent l’approbation du Sénat.

L’enjeu pour Obama est de trouver des moyens d’élaborer des lois bipartisanes sur des sujets qui font l’objet d’une vision commune entre démocrates et républicains (investissements dans les infrastructures, éducation).

Cette victoire des Républicains est-elle un mauvais signe pour les démocrates en 2016 ?
 

Alexandra de Hoop Scheffer : Pour ces élections, le contexte a été exceptionnellement défavorable aux Démocrates : l’accumulation de controverses et scandales (révélations sur l’agence d’espionnage NSA, dysfonctionnements des hôpitaux militaires, afflux d’immigrés clandestins à la frontière mexicaine, contaminations d’infirmières américaines par Ebola), et de crises à l’étranger (Ukraine, Syrie-Irak) n’ont fait que renforcer la perception d’un manque de leadership à la Maison Blanche.

A cela, c’est ajouté un certain nombre de départ à la retraite de sénateurs démocrates qui, pour la plupart, ont été remplacés par des sénateurs républicains. En 2016, il y aura beaucoup plus de sièges républicains qui se libéreront et qui défavoriseront naturellement les Républicains.

Aux Etats-Unis, les débats portent alors sur cette question : les Républicains parviendront-ils à maintenir leur majorité au-delà de 2016 ? Il faudra en effet que le Parti républicain surmonte ses handicaps, notamment sur la question de l’immigration s’ils veulent pouvoir attirer les électeurs hispaniques – qui ont voté à 70% pour Obama en 2008.

Pour l’instant, une candidate ressort vraiment côté démocrate, Hillary Clinton, tandis que côté républicain, Jeb Bush pourrait être un candidat sérieux, d’autant plus qu’il est en faveur d’une réforme de l’immigration. Le Parti républicain doit profiter de ces deux années pour se reconstruire notamment autour d’un programme clair et qui ait une résonance au sein de la société américaine, ce qui pour le moment n’est pas le cas car dans les sondages, le parti républicain est encore moins populaire que le parti démocrate. Une victoire démocrate en 2016 est tout à fait possible.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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