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Mission Rosetta : pourquoi l’analyse des comètes est si importante

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A 511 millions de km de la terre, la sonde spatiale européenne Rosetta a lâché le petit robot Philae, qui descend actuellement en chute libre vers la comète Tchourioumov-Gerasimenko, à une vingtaine de kilomètres de distance. Il lui faut a environ sept heures pour rejoindre sa cible. La séparation entre le robot et la sonde a eu lieu vers 9h35, heure française. La confirmation de son atterrissage est attendue vers 17 heures.

JOL Press : En quoi la mission vers la comète Tchourioumov-Gerasimenko est-elle exceptionnelle ?
 

François Forget : Dans le système solaire, il y a des planètes, des satellites de planètes comme la Lune, des astéroïdes et ces objets très bizarres que sont les comètes. Les comètes sont des restes des briques qui ont formé le système solaire et les planètes mais elles sont énigmatiques, on ne comprend pas très bien ce qu’elles sont. Sont-elles à l’origine de l’eau sur Terre ? De la vie ? On ne le sait pas précisément. Ces comètes ont déjà été observées de la Terre par des sondes qui les avaient frôlées très rapidement mais aujourd’hui, pour la première fois, la sonde spatiale européenne Rosetta a observé la comète pendant des mois et des mois et le petit robot Philae va se poser sur la comète. C’est aussi nouveau que la première fois qu’on a posé un engin sur Mars ou sur Vénus.

Ce qui est aussi très intéressant dans cette mission, c’est que c’est une mission européenne. Ce n’est pas la Nasa qui est aux commandes mais l’Agence spatiale européenne (ESA).

JOL Press : Qu’attend-on de ce genre de mission ?
 

François Forget : L’objectif de cette mission est avant tout scientifique. Les comètes sont très intéressantes car elles sont la clé pour comprendre comment le système solaire et la Terre se sont formés. On dit que sur ces comètes, on trouve beaucoup de molécules organiques comme du carbone et peut-être même des acides aminés. On pense que la chimie de ces comètes a peut-être ensemencé la Terre de ses molécules. Quand on saura de quoi les comètes sont faites, on pourra comprendre quelle est leur origine, leur fonctionnement et surtout leur évolution. La comète Tchourioumov-Gerasimenko va se rapprocher de plus en plus du Soleil et se transformer ainsi en comète telle qu’on l’imagine : une boule de glace avec une immense chevelure qu’il nous arrive de voir depuis la Terre.

JOL Press : On dit que cette mission va nous faire voyager dans le temps. De quoi s’agit-il exactement ?
 

François Forget : C’est un peu de l’archéologie. On considère que le système solaire s’est formé il y a 4,5 milliards d’années, en même temps que le soleil, et les planètes se sont formées à partir de petites briques, des planétésimaux ; les comètes seraient les restes de planétésimaux qui se sont formées et qui n’auraient pas changé. La comète Tchourioumov-Gerasimenko a été pendant toute sa vie très très loin du Soleil, très peu exposée au rayonnement ; elle a été détournée il y a seulement quelques années et a commencé à plonger, vers le Soleil. Elle est comme une sorte d’archive qui date d’avant la formation des planètes. Son étude va donc avoir des répercussions capitales.

Depuis 10 ou 20 ans maintenant, on a trouvé d’autres systèmes planétaires autour d’autres étoiles et on essaye de comprendre comment tout cela se forme. Tchourioumov-Gerasimenko va peut-être nous y aider.

JOL Press : Pourrait-on ainsi remonter aux origines de la vie ?
 

François Forget : Plus ou moins. La vie telle qu’on la connaît sur Terre est une vie à base de molécules de carbone, de molécules organiques avec de l’eau liquide. On ne connaît pas bien l’origine de l’eau sur la Terre et on ne connaît pas bien non plus l’origine des molécules organiques. Que s’est-il passé il y a 3 ou 4 milliards d’années et même avant ? Les comètes sont très riches en eau et en molécules organiques, des briques élémentaires qui forment la vie telle qu’on la connaît. On a besoin de savoir de quoi sont faites les comètes, pour comprendre de quoi elles ont ensemencé la Terre. Si on regarde Tchourioumov-Gerasimenko, on s’aperçoit qu’elle est très sombre, plus noire que du charbon. Pourquoi ? Parce qu’elle est recouverte de suie, des suies organiques. C’est très intéressant.

JOL Press : Cette mission va-t-elle relancer le débat de la vie extraterrestre ?

François Forget : Le débat ne va pas être relancé mais on poursuit l’enquête. Le petit robot Philae est équipé de micro-laboratoires d’analyses qui vont pouvoir étudier les molécules trouvées sur la comète et si on constate que les comètes apportent de grandes quantités de molécules organiques, carbonées, des briques élémentaires de la vie, sur la Terre, il n’y aurait pas de raison de penser que ce serait différent ailleurs.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

François Forget est directeur de recherche au LMD. Planétologue, sa passion pour Mars naît lors de son stage de DEA. En 1996, il soutient sa thèse de physique sur Mars. Deux ans plus tard, il obtient un poste de chercheur CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique. Il étudie les atmosphères planétaires, celle de Mars en particulier et est impliqué dans de nombreux programmes et études martiens, notamment la sonde Mars Express et le développement d’un modèle du climat martien (Mars climate model).

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