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«Mon adversaire, c’est le monde de la Finance» (Le Bourget 2012)

Par cette phrase prononcée lors de sa campagne, notre Président François Hollande a voulu flatter un électorat en quête de revanche sur ceux qu’il juge responsables de la crise que nous traversons et qui ne cesse d’entraîner dans son sillage des conséquences palpables dans la vie quotidienne de nos compatriotes.
 

Le niveau de rejet de cette profession est tel qu’il n’est pas impossible de voir dans les semaines et les mois à venir se multiplier les agressions verbales aux guichets des principaux établissements financiers jusqu’à présent volontairement cachées par la profession.

Face à l’arbitraire

Comment un petit commerçant, un patron de TPE ou un particulier client d’une grande banque frappée par les autorités fédérales américaines d’une amende record de plusieurs milliards de dollars, peut-il accepter de voir sa demande de prêt refusée ou ses chèques rejetés ou pire 
encore, recevoir une décision unilatérale de clôture de compte.
 
Combien d’emplois disparaissent chaque jour par les conséquences de décisions arbitraires de dirigeants s’abritant derrière des réglementations qu’ils ont conçues et mises en place avec la complicité objective d’organismes de régulations dont la consanguinité inavouable avec la profession de la finance, les rendent plus que suspectes aux yeux du commun des mortels.
 
Nous avons connu en 2008 une crise sans précédent dont telle la queue de la comète, les effets se font encore aujourd’hui ressentir. 

La finance contre la démocratie

Comme je l’avais déjà souligné en son temps, la finance est non seulement ressortie encore plus puissante qu’avant mais elle a su tirer les leçons de cette douloureuse expérience en jurant de ne plus s’y laisser prendre.
 
Des humiliations subies aux sarcasmes des politiques que cette profession méprise profondément, ils ont répondu par la construction d’un mur réglementaire les mettant à l’abri de toutes les tentatives de contrôle par le pouvoir démocratique puisque la régulation est dorénavant de la seule responsabilité d’organismes indépendants.
 
Bâle 3 est une protection mais pour qui ? 
 
Car, la réalité est qu’aucune protection ne pourra permettre d’éviter un tsunami qui pourrait naître de la défaillance de l’un de nos grands établissements financiers, quelque soit son niveau de fonds propres, aucune solution ne peut apporter une réponse à la longue queue des épargnants souhaitant retirer en même temps l’ensemble de leurs dépôts !
 
Il s’agit là de ce que nous appelons un « Banque Run »
 
C’est d’ailleurs ce qui a conduit au dépôt de bilan d’une célèbre banque anglaise qui pourtant réalisait des profits à plus de 10 % et avait l’un des ratios de fonds propres parmi les plus élevé de la profession.
 

Alors que faire ? 

 
– casser les banques en deux ? 
 
– mettre en place plus de régulations ? 
 
Toutes ces solutions ont été évoquées, analysées et, dans certains cas, mises en place sans succès puisque les remèdes sont plus graves que le mal et que peu à peu nous nous enfonçons dans une récession génératrice de déflation et de chômage.
 
Le problème principal, à mon sens, est né de l’abandon par les États Européens de l’un des pouvoirs régaliens essentiels à la maîtrise de leurs politiques économiques, celui de « Frapper monnaie ».
 
Cette prérogative est aujourd’hui dévolue à une Banque Centrale Européenne dont nos amis allemands, par crainte de voir ressurgir le spectre de l’inflation qui a conduit à l’avènement du National Socialisme de triste mémoire, est dotée de pouvoirs supranationaux et jouit d’une indépendance que nul ne saurait remettre en cause.
 

Pourtant plusieurs questions se posent ? 

 
Pourquoi les Politiques persistent à ne pas considérer les Banques comme des entreprises normales ?
 
Pourquoi acceptons-nous d’accorder sans contreparties une garantie publique sur les dépôts ?
 
Pourquoi les établissements financiers ne payent-ils que partiellement la TVA sur leurs prestations en contrepartie d’une taxe sur les salaires alors que les plans sociaux se succèdent ?
 
Pourquoi les Autorités de la Concurrence semblent pudiquement détourner le regard de ce marché mis en coupe réglée par un quarteron d’établissements dont les pouvoirs publics s’emploient à protéger le monopole ?
 
Oui, pourquoi est-il de bon ton de stigmatiser les Assureurs assis sur la manne de l’épargne des Français et n’est jamais abordée l’attitude aussi cynique que coupable des banques françaises et européennes.

La preuve par les chiffres

Pour illustrer mon propos, je ne reprendrais que deux chiffres parus en Janvier 2014 dans le Financial Times et confirmés par la BCE en juin 2014.
 
1- l’évolution des prêts bancaires aux entreprises de l’Eurozone a baissé globalement de plus de 15% depuis 2008, cette baisse n’étant pas due contrairement aux allégations des responsables bancaires par un recul de la demande mais plutôt par un durcissement drastique des conditions.
 
Il est d’ailleurs d’autant plus révoltant de constater une telle attitude lorsque l’on apprend l’abandon de plus de 2 milliard d’euros dans le cadre de la restructuration de la dette d’acquisition d’un groupe de distribution spécialisé, cas loin d’être isolé dans le contexte actuel.
 
Combien de commerçants, d’artisans, de TPE ou de PME auraient pu être accompagnés et combien d’emplois auraient pu être créés avec 2 Milliards ?
 
2- la part de l’évolution du financement de l’économie par le secteur bancaire européen est passée entre 2004 et 2014 de 70% à 42%.
 
Pourtant, pendant la même période, le volume des dépôts bancaires n’a fait que croître car la banque est un service public, vous ne pouvez vivre, travailler ou vous loger sans un compte bancaire, ne pas en posséder un signifie une condamnation à l’exclusion et à la précarité.

Dénoncer l’insupportable scandale

Comment peut-on accepter sans réagir qu’au XXIème Siècle, alors que les combats se succèdent pour la défense des services publics, que nos concitoyens soient ainsi les otages d’entreprises privées dont le profit à court terme est la seule motivation et ce quelles qu’en soient les conséquences sociales ou économiques.
 
Il est loin le temps où n’ayant pas oublié le soutien que leur avait octroyé leur Banque dans la création et le développement de leurs entreprises, des Grands Patrons, rencontrés lors de la présentation de nos offres de financements, m’objectaient leur attachement sans faille à ceux 
qui leur avaient fait confiance.
 
Aujourd’hui, dans certains établissements, à compter du 1er janvier prochain, aucune décision ne pourra être prise allant à l’encontre de la Machine !
 
Oui, vous lisez bien, la Machine n’acceptera plus d’écarts non programmés, plus de dépassements, plus de « le virement ne va plus tarder encore quelques minutes Monsieur le bourreau ». 
 
Le couperet tombera quoiqu’il arrive avec son cortège de frais divers et autres mais des solutions existent.
 
Pour cela, le préalable réside dans une modification profonde des statuts de la BCE lui permettant de prêter directement aux États.
 
Ce changement fondamental permettra aux gouvernements de ne plus être les otages des établissements financiers et ainsi de s’affranchir de ce lien de dépendance qui obère leur liberté d’action et de sanction comme en témoignent les amendes record infligées par les Autorités 
Américaines.

Pour une profonde réforme du secteur bancaire

Cet obstacle franchit, il reste à mettre en place une réforme profonde du secteur bancaire qui constituerait à créer deux types d’établissements financiers
 
D’une part, les établissements financiers qui jouiraient de la Garantie Publiques des dépôts mais qui, en contrepartie, s’astreindraient à remplir des missions de services publics essentiellement  dirigées vers les particuliers, les artisans, les commerçants, les TPE ou PME essentiellement les services dits de « retail » et les prêts immobiliers à la consommation ou les découverts à l’exclusion de toutes autres activités et cela, dans un cadre réglementaire et législatif précis.
 
Ces établissements pourraient être détenus par les clients eux-mêmes, dans un schéma mutualiste avec le soutien des collectivités locales ou régionales.
 
D’autre part, les établissements financiers qui exerceraient tous les métiers de la banque de détail à la banque d’investissements et de financements verraient leurs réglementations s’assouplir considérablement pour se rapprocher de celles applicables à toutes les sociétés de 
droit privé conventionnelles.
 
Bien entendu, ces établissements ne pourraient prétendre directement ou indirectement par le truchement de filiales dédiées aux garanties publiques de quelques natures que ce soient.
 
Je rêve d’une banque où la confiance est la règle et où la règle est la confiance car des millions d’emplois en Europe sont à la clef.
 
Je rêve d’une banque d’entrepreneurs où ceux d’en bas, qui se battent chaque jour pour défendre la cause de leurs clients ou tentent d’obtenir un concours pour éviter la disparition d’une petite entreprise ou les poursuites contentieuses d’un créancier défaillant, soient plus écoutés par ceux qui les dirigent dont la motivation devrait être avant tout d’adopter une conduite socialement responsable quand bien même elle pourrait entrainer une diminution de leurs résultats financiers.
 
Pour terminer, je souhaiterais reprendre une phrase du Philosophe Irlandais du XVIIIème Siècle, Edmund Burke 
« Le mal triomphe toujours par l’inaction des gens de biens »
 
Christian Ciganer-Albeniz
 
cciganer@jolsocial.com
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