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Nicolas Sarkozy sera, sans conteste, le futur président de l’UMP, et après ?

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A quelques jours de l’élection du futur président de l’UMP, les sondages sont unanimes : Nicolas Sarkozy est largement en tête. Le 21 novembre, déjà, un sondage Odoxa pour Itélé et Le Parisien indiquait que 63% des sympathisants UMP souhaitaient voir Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP, contre 31% pour Bruno Le Maire et 5% pour Hervé Mariton.

JOL Press : Nicolas Sarkozy a-t-il eu raison de s’exposer autant, et si tôt ?
 

Philippe Braud : L’ancien président qui dispose à ce titre d’une notoriété exceptionnelle, avait intérêt à se manifester le plus tard possible comme candidat à la présidentielle de 2017, afin de ne pas réveiller prématurément la forte sarkophobie qu’il a attirée sur sa personne. Mais la vacance de la présidence UMP, ouverte par la chute de Jean-François Copé, était une occasion trop belle qu’il ne pouvait se dispenser de saisir.

En effet, il courait le risque de voir s’installer à ce poste stratégique un adversaire ou, du moins, une personnalité trop indépendante pour être aisément manipulable. Or, l’UMP doit organiser des primaires, et, selon le format retenu, ses chances de l’emporter contre Alain Juppé sont très différentes : faibles si les primaires sont élargies au Centre, beaucoup plus fortes si elles sont restreintes au noyau des militants

JOL Press : Quel score doit-il atteindre samedi pour apparaître comme le candidat incontesté pour 2017 ?
 

Philippe Braud : Un score nettement supérieur 80% lui confèrerait une indéniable autorité en même temps qu’il affaiblirait considérablement la voix de ses adversaires au sein du parti. En dessous de 60% ce serait un échec cuisant. Reste la zone grise qui se situe entre ces deux bornes. Nicolas Sarkozy et son entourage pourront crier victoire, et ils ne s’en priveront pas. Mais un score de 20 à 30% en faveur de son principal adversaire serait alors un renfort considérable pour l’opposition au sein même de l’UMP. L’ancien président de la République aurait les mains beaucoup moins libres pour réformer de fond en comble les statuts du parti, ce qui est pourtant son principal objectif.

JOL Press : Sa stratégie de retour a-t-elle été efficace, selon vous ?
 

Philippe Braud : Ce retour sur la scène partisane était prématuré pour l’ancien Président, et il le savait, mais il n’avait pas le choix. Il est donc handicapé par le timing. Pour juger de l’efficacité de sa stratégie, on peut relever deux indices contradictoires. D’une part, un scepticisme largement répandu dans les médias, même les moins engagés, ainsi qu’une tiédeur visible (pour ne pas dire plus) chez beaucoup de poids lourds au sein de l’UMP.

En revanche, ses tournées en province attirent des audiences non négligeables de militants, souvent enthousiastes. Cela ne suffit pas néanmoins à provoquer le raz de marée dont il aurait besoin pour crédibiliser définitivement sa candidature à la présidentielle de 2017. En cela, il y a échec.

JOL Press : Quelle vont être ses priorités au lendemain de sa victoire à la présidence de l’UMP ?
 

Philippe Braud : Son problème, ce sont les primaires qui doivent théoriquement faire émerger LE candidat du parti. Il aurait vivement souhaité les éliminer pour apparaître comme le candidat naturel de sa formation. Il n’est plus en mesure de le décider frontalement. D’où son projet de refonder le parti (avec un nouveau sigle ?), ce qui lui permettrait d’aborder l’épineuse question des primaires dans un cadre profondément transformé. Avec l’option de primaires réservées aux nouveaux adhérents, ou des primaires purement symboliques.

JOL Press : Saura-t-il fédérer tous les sympathisants UMP autour de sa candidature ?
 

Philippe Braud : Les militants peut-être, et encore… ! Les sympathisants, certainement pas. Néanmoins pour franchir le Rubicon de la candidature, ses challengers ont besoin d’un faux pas de Nicolas Sarkozy. Par exemple : une mise au placard de la primaire ou même une organisation si contrôlée qu’elle puisse donner l’impression d’une tricherie. Le refus (qui le tente) de l’élargir aux sympathisants de droite et du Centre, a été présenté par Alain Juppé comme un casus belli. Il y a là une bombe à retardement.

Mais le succès dimanche de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP sera paradoxalement une mauvaise nouvelle pour ce parti dans la perspective de la présidentielle. Pour les socialistes en effet, avec ou plutôt sans François Hollande en lices, la candidature Sarkozy à droite est la moins mauvaise configuration qu’ils puissent espérer.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Braud, ancien directeur du département de Sciences politiques de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et Visiting Professor à l’université de Princeton (WoodrowWilson School).

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