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Pourquoi André Bercoff prédit une implosion de notre modèle social

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Entre réforme et révolution, offre et demande, marché et Etat, tous prétendent avoir le remède miracle, mais répugnent à en faire la pédagogie et surtout à l’appliquer : réélection oblige. Le choc des civilisations, des identités, des cultures, trop longtemps refoulé par le politiquement correct, fait un retour fracassant dans les villes de grande solitude. La question n’est plus de savoir si la France va imploser : mais comment et quand cette désagrégation s’imposera. A moins que…

JOL Press : Pourquoi avoir choisi d’intituler votre livre « Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi » ? Ce n’est pas très clair…
 

André Bercoff : Je souhaitais le titre « Chronique d’une implosion annoncée » mais je souhaitais montrer, à travers le personnage de Bernard Tapie, cette formidable continuité des socialistes qui, tous les 30 ans, ont la tentation de l’entreprise. Tapie incarnait l’image de l’entreprise et du gagnant, y compris aux yeux de la gauche, puisque Mitterrand en a fait un député puis un ministre et l’a soutenu jusqu’au bout. Aujourd’hui Valls dit « my government is pro-business » et « j’aime l’entreprise ».

[image:2,s]Quant à Marine Le Pen, elle incarne tous ces Français de la périphérie, ces millions de petits ouvriers, de commerçants, d’employés, d’agriculteurs, toute cette classe moyenne paupérisée qui se retrouve complètement abandonnée par la gauche et par la droite et qui se tournent vers le FN en quête de solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. Ils en ont tellement assez d’avoir été ignorés et délaissés qu’ils se tournent vers le seul parti qu’ils n’ont pas essayé.

Quand on voit les manifestations contre le barrage de Sivens, la colère des agriculteurs, la Manif pour tous, on constate que tout est prétexte à descendre dans la rue. Il y a encore peu la rue était l’apanage des syndicats ou des fonctionnaires, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Tout le monde manifeste pour des motifs extrêmement divers mais ce n’est pas par hasard. La marmite bout et le couvercle a du mal à rester vissé.

JOL Press : Au-delà de ce constat, apportez-vous des solutions dans votre livre ?
 

André Bercoff : Faute d’hommes d’Etat qui ont le courage de mettre le souci collectif avant leur réélection et de dire brutalement ce qui se passe, je ne vois pas comment on pourra éviter cette implosion. Notre société traverse trois crises. La crise économique, que tout le monde connait et décrit. La crise identitaire qui interroge sur qui on est – ce problème a été mis sous le boisseau, sous prétexte que c’était un sujet de réactionnaires. Et enfin, la crise du pouvoir qui n’est pas seulement française. Ces trois crises-là s’additionnent et si on regarde l’histoire de France, on constate qu’aucune réforme de fond ne s’est faite sans une révolution ou un bouleversement important.

JOL Press : Les groupes qui descendent dans la rue ne ressemblent absolument pas. Vous croyez que les Bonnets rouges pourraient se fédérer avec la Manif pour tous ?
 

André Bercoff : Je ne pense pas que tous ces mouvements vont se fédérer, je crois beaucoup aux minorités agissantes. C’est la théorie du cygne noir, de Nassim Nicholas Taleb, selon laquelle un événement imprévisible peut avoir des conséquences d’une portée considérable. Je ne dis pas que tous ces mouvements vont se fédérer mais qu’un petit événement peut déclencher un mouvement plus important.

Je ne souhaite pas cette implosion, mais quand il n’y a plus de cap, quand on est dans le brouillard, quand on ne voit que des querelles de pouvoir et que la sphère politico-médiatique n’a en tête que l’élection de 2017, c’est que la situation est grave. Je ne crois pas à la révolte de tout un peuple mais les ferments sont là d’une certaine implosion de la société.

Si j’apparais dans le titre c’est que je voulais partager mon expérience : je suis né et ai vécu une vingtaine d’année au Liban et je ne voudrais pas d’une « libanisation » de la France. Le Liban était un pays extraordinaire mais quand le communautarisme a pris le pouvoir, tous les signes positifs se sont transformés en négatifs.

JOL Press : Vous partagez le pessimisme d’un Eric Zemmour sur la situation de la France ?
 

André Bercoff : Non, parce que je crois que la France peut parfaitement s’en sortir, je ne crois pas qu’avant c’était mieux et que mai 68 est la source de tous nos maux. Il y a des choses très bien chez Zemmour mais je ne crois pas du tout que la France su suicide. Je crois que nous traversons une crise. Le problème n’est pas la lutte des classes, le problème n’est pas d’être anti ou pro libéral, mais la rente ; ce qui ronge la France, ce sont toutes les rentes de situations et d’acquis. 

Nous avons un devoir absolu de lucidité et un devoir absolu d’action courageuse. Nous devons pour cela abandonner le système de réélection, afin que la personne qui prenne le pouvoir ne puisse plus se représenter. Il faut aussi que la vie politique ne soit plus un CDI mais un CDD : être un homme politique ne doit pas être un métier, notre personnel politique est aujourd’hui dans un cocon, loin des réalités. Enfin, il faudrait rendre le vote obligatoire.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

André Bercoff est écrivain, journaliste et homme de télévision. Depuis son livre, L’Autre France, en 1975, il est l’auteur d’une trentaine de romans et d’essais, dont  Moi, Président… (2013 – First éditions), Je suis venu te dire que je m’en vais (novembre 2013 – Éditions Michalon), ou Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d’une implosion annoncée (octobre 2014 – First éditions).

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