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Pourquoi les impôts 2015 seront en hausse réelle?

Le Président de la République a, dans un entretien télévisé, affirmé le gel de la pression fiscale pour 2015 et même pour après. Contribuables, nous voudrions y croire. Citoyens, nous gardons les yeux écarquillés et fortement songeurs.

En effet, une série de facteurs milite pour une hausse de plusieurs impôts.

Tout d’abord, postérieurement au renouvellement des conseils généraux en mars 2015, les départements vont être dans l’obligation de lever davantage d’impôts pour au moins trois raisons : les moindres rentrées fiscales dues aux mutations foncières et à la crise du bâtiment et de l’immobilier, le resserrement des dotations allouées par l’Etat qu’il leur faudra compenser et enfin la dérive haussière continue des budgets sociaux dont ils ont la charge notamment les aides destinées aux personnes âgées. ( APA : aide personnalisée d’autonomie, voir étude Insee  http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=iana11 ).

En deuxième lieu, les régions vont voir leurs élections générales survenir en fin 2015 : dès le début 2016, des  » D/M  » ( décisions modificatives  » sur budgets en cours d’exécution  » ) vont fleurir afin de couvrir plusieurs besoins à commencer – paradoxalement – par la réforme territoriale dont l’esquisse ne laisse pas augurer d’économies mais au contraire d’une complexité maintenue qui sera génératrice de surcoûts. On voudra simplifier, on créera probablement des super-régions mais rien ne dit que cela ne sera pas des objets publics gloutons dont les budgets primitifs ne seront plus en phase avec la réalité. ( Pour plus de précisions : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/tableaux-des-budgets-primitifs-des-regions-2013  )

Une chose est sûre, chacun imagine bien les difficultés relationnelles entre Toulouse et Montpellier et le maintien hautement probable de doublons. Rappelons que l’article 72 § 3 de la Constitution énonce que  » Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir règlementaire pour l’exercice de leurs compétences « . La France est d’autant plus un millefeuille territorial que chaque échelon se voit reconnu le droit de traiter de la plupart des questions : c’est la notion de clause de compétences générales qui est, in concreto, un nid de frelons pour élus susceptibles de leurs périmètres d’activités. Cette fameuse clause de compétences générales a été abrogée lors du quinquennat Sarkozy ( loi du 16 décembre 2010 ) puis remise en vigueur par le Gouvernement Ayrault ( loi du 27 janvier 2014 ) pour finalement être à nouveau annoncée comme devant être supprimée par le Gouvernement Valls : déclaration de politique générale du mardi 8 avril 2014. Comprenne qui peut mais la Cour des comptes a clairement démontré que cette clause d’omni-compétence avait généré des embauches massives dans les collectivités territoriales.

Si l’APA et autres charges départementales devraient induire une hausse fiscale de 4%, la hausse régionale est délicate à calibrer. En régime au fil de l’eau, elle devrait se situer à hauteur de 3% ( net au-dessus de l’inflation ) mais le jeu de mistigri institutionnel pourrait faire déraper cette projection mesurée. Certains spécialistes locaux évoquent les chiffres de 7 à 9 % suivant les régions qui ont de lourdes infrastructures à financer.  ( Grand Paris, voiries et transports en prévision de l’Euro 2016, etc ).

Pour les communes, la situation est claire : la plupart des équipes municipales récemment élues ont annoncé le besoin de revoir à la hausse les impôts du fait du désengagement de l’Etat. Là encore, il y aura une hausse en 2015 pour parer au frais de personnel ( glissement vieillissement technicité ) et au manque à gagner issu de la réforme des rythmes scolaires initialement évaluée par le ministre Peillon à 250 millions d’euros là où son coût réel est désormais établi à plus de 1,1 milliard.

Devant ce triple écueil local, il reste l’échelon national dont on se dit qu’il n’y aura  » aucun impôt supplémentaire pour qui que ce soit  » selon la formulation du Chef de l’Etat.

Cette formulation du Président pose une question de sémantique : faut-il comprendre qu’il n’y aura pas de nouvel impôt ? ou au contraire pas de hausse des impôts ? Le doute subsiste et les propos loyaux du Secrétaire d’Etat Christian Eckert laisse à conclure que c’est une parole présidentielle SGDG ( sans garantie du gouvernement )…

Concernant l’Etat, il faut distinguer trois éléments : le budget, la conjoncture et la fiscalité affectée.

S’agissant du budget, le glissement du PLF 2015 ( projet de loi de finance ) vers son correctif approuvé le 12 novembre dernier a révélé un dérapage des finances publiques. Sous-estimation des OPEX ( La France est peu ou prou en guerre ), attente inconsidérée du maintien de taux obligataires bas ( gains chiffrés à 1,6 md ) alors que la politique monétaire américaine accommodante touche à sa fin avec remontée consécutive des taux, surestimation du taux de croissance pour 2015 ( 1% au lieu des 0,7% du consensus ), impact du  » refus d’apurement communautaire  » à hauteur de 352 millions d’euros ( charge additionnelle à payer pour la France à titre de la PAC ), conséquences non budgétées des difficultés avec la Russie.

Ainsi, le déficit budgétaire programmé est désormais affiché à 88 mds d’euros contre 82 mds l’année dernière. Ceci avant les glissements possibles des postes ci-dessus notamment de la charge de la dette pour près de 3 milliards.

Concernant la conjoncture, même le respectable HCFP ( Haut conseil des finances publiques ) a estimé  » optimiste  » le chiffre de 1% de croissance du PIB pour 2015. Or, cette quantification joue directement sur le niveau des recettes fiscales.

La violence de la crise sociale a une traduction humaine douloureuse et une traduction chiffrée : le PLFR enregistre un glissement de 556 millions d’euros des  » dispositifs de solidarité  » dont 130 pour le RSA, 98 pour les hébergements d’urgence et l’allocation temporaire d’attente et 155 pour l’AME.

Cet ensemble de dépenses sociales n’est pas stabilisé et peut encore s’alourdir en cours d’exécution budgétaire.

Mais la situation ne peut pas être qualifiée de satisfaisante du côté des recettes fiscales escomptées. Ainsi, les documents du PLF rapportent que  » les dépenses de consommation des ménages  » sont inscrites pour 1,3% ( un virgule trois pourcent ) pour 2015 contre 0,2% en 2013 et 0,3% pour 2014. Face aux difficultés croissantes qui affectent le pouvoir d’achat des ménages, ce chiffrage n’est pas recevable. Evidemment, il n’est pas neutre puisqu’il permet mécaniquement de surestimer les recettes attendues de TVA….

Enfin, il reste la question de la fiscalité affectée qui concerne près de 450 organismes ( des voies navigables de France, au Centre national du cinéma, etc ) qui sont autorisés par l’Etat à prélever un total de 309 taxes sur leurs clients ou usagers sans avoir besoin de requérir un vote parlementaire. Sur les cinq dernières années, la hausse de ces taxes – dont le total représente 112 milliards ( voir rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 : http://www.ccomptes.fr/Actualites/Archives/La-fiscalite-affectee-constats-enjeux-et-reformes ) – a été quatre fois plus rapide que celle des dépenses de l’Etat stricto sensu.

Au terme de ce tour d’horizon, il est patent que les fiscalité locale et nationale ne sont pas stabilisées, loin s’en faut.

D’autant qu’un éventuel dérapage budgétaire pourrait contraindre le Gouvernement à recourir à une hausse de un à deux points du taux normal de TVA pour faire face aux imprévus ou pour honorer ses propres sous-estimations.

La promesse présidentielle était une parole de joie et de foi davantage que le socle tangible d’un engagement de bon aloi. C’est ainsi.

Au demeurant, depuis 2012, la politique économique se résume essentiellement à un surdimensionnement de son volet fiscal nécessairement régressif en temps de croissance atone et guère à des orientations structurantes du paysage 2025 cher à l’éminent Jean Pisani-Ferry. ( rapport : http://www.strategie.gouv.fr/publications/france-10-ans-reperes-2025).

Par Jean-Yves Archer

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