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Quelle place pour l’Allemagne sur la scène internationale

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Dans moins d’une semaine, l’Allemagne célébrera le vingt-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin – shutterstock.com

« Avant la chute du Mur, l’Allemagne était un peu en marge de l’Europe. Aujourd’hui, elle est au centre de l’Europe d’un point de vue géographique, économique et politique », résumait, il y a quelques jours, Karel Lannoo, directeur au Centre d’études politiques européennes à Bruxelles, à l’AFP. Qu’en est-il réellement ?

JOL Press : 25 ans après la chute du Mur de Berlin, quelle est la place de l’Allemagne sur la scène internationale ?
 

Henri de Bresson : Dans la crise ukrainienne, nous avons pu constater que la diplomatie allemande avait joué un rôle important sur la scène internationale pour démarrer les négociations entre les Russes, les Ukrainiens et l’Europe, entrainant dans son sillage Paris – Frank-Walter Steinmeier, le ministre des affaires étrangères et Laurent Fabius ont travaillé main dans la main. Dans cette crise, nous avons vu que le poids de l’Allemagne était important; ceci dit, il reste encore une incertitude sur la manière dont les Allemands sont prêts à participer à des interventions plus militaires quand il le faut, comme la France l’a fait au Mali, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, alliés à certains pays arabes, le font en Irak et en Syrie.

JOL Press : L’Allemagne est, en effet, réfractaire aux politiques d’interventions militaires communes. Est-elle prête à évoluer sur la question ?
 

Henri de Bresson : C’est un débat qui existe depuis longtemps en Allemagne. L’opinion publique est encore très réticente à ce que son pays s’engage davantage dans des opérations extérieures. Le premier changement de cap, sur la question, remonte à la guerre en Yougoslavie, quand le gouvernement était composé des sociaux-démocrates et des Verts avec le chancelier Gerhard Schröder. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque qui était Vert avait déclaré que c’était parce qu’ils étaient responsables d’Auschwitz, qu’il ne fallait plus que cela recommence et que la présence des Allemands aux côtés de leurs alliés était indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits de l’Homme. Cette prise de position a été un tournant important au début des années 2000.

Par la suite, les Allemands ont assumé leur responsabilité en Afghanistan, dans le cadre de l’Otan, non pas dans des missions armées mais dans la gestion de toute la partie nord de l’Afganistan. Mais de manière générale, ils restent très réticents à engager des troupes sur des théâtres d’opérations, ils préfèrent envoyer du matériel plutôt que des hommes. Quand nous leur avons demandé de participer aux opérations au Mali, ils ont fini par envoyer des soldats ayant pour principale mission la formation de l’armée malienne.

Ce débat a été relancé par le Président de la République Fédérale d’Allemagne, qui n’est qu’une personnalité morale, Joachim Gauck, ancien pasteur de l’Allemagne de l’est qui a géré l’héritage de la police politique allemande, la Stasi. Ce dernier mène une croisade depuis un an pour pour que l’Allemagne ne reste pas absente de ces conflits. Cette question a été maintes fois discutée par Frank-Walter Steinmeier, les choses bougent mais l’opinion publique reste très réticente.

JOL Press : Dans quelle mesure l’histoire récente de l’Allemagne, jusqu’à la chute du Mur, influence-t-elle sa diplomatie ?
 

Henri de Bresson : Pendant très longtemps l’Allemagne a estimé, qu’étant responsable de la Seconde Guerre mondiale et des atrocités qui ont été commises pendant cette période et notamment l’Holocauste, elle ne pouvait plus intervenir en dehors de ses frontières. Il faut quand même se rappeler que pendant la Guerre froide, l’Allemagne de l’ouest et de l’est, sur son territoire, entretenait des forces armées importantes pour la défense, les uns du bloc occidental, les autres du bloc soviétique. Mais ces forces étaient là en cas d’attaques des occidentaux ou des Soviétiques. En dehors de cela, ils ont toujours considéré qu’en raison de leur passé, ils ne souhaitaient pas être de nouveau engagés dans des conflits qui ne les concernent pas directement.

JOL Press : En 25 ans, l’Allemagne est-elle devenue un partenaire incontournable sur la scène internationale ?
 

Henri de Bresson : L’Allemagne est la première puissance économique européenne. Elle fait partie, dans l’Union européenne, avec la France et la Grande-Bretagne, des grandes puissances dominantes ; rien ne peut se faire en Europe sans ces trois grandes puissances. L’Allemagne, petit à petit, surtout depuis le début de la crise économique, qui a encore davantage souligné son poids politique et économique, est devenue un partenaire incontournable, même si la construction d’une politique de Défense européenne met du temps à accoucher.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Henri de Bresson a été chef-adjoint du service France-Europe du Monde. Il est aujourd’hui rédacteur en chef du magazine Paris-Berlin.

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