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Uber attaqué: la French tech en danger ?

Difficile d’être un chauffeur Uber par les temps qui courent. Si tous les indicateurs démontrent une activité au beau fixe, l’avenir de la société est régulièrement mis à mal par une concurrence qui n’apprécie guère qu’on vienne bousculer les codes d’un marché qu’ils tiennent pour acquis.  Hier les taxis, aujourd’hui se sont les VTC qui renvoient Uber devant les tribunaux pour concurrence déloyale. Des attaques qui dépassent le simple principe de guerre de territoire mais révèlent un aveu de faiblesse chez des sociétés impuissantes face au changement et à l’innovation véhiculée par ces nouvelles start-ups.
 

Le succès d’Uber, c’est la réussite du progrès

 

« Innover, ce n’est pas avoir une nouvelle idée mais arrêter d’avoir une vieille idée », aimait répéter le scientifique américain Edwin H. Land.  Prononcés au XXème siècle, ces quelques mots pourraient aisément sortir de la bouche de Travis Kalanick, fondateur d’Uber. L’homme d’affaires américain de 38 ans a en effet créé Uber en 2009 avec la ferme intention de renouveler un milieu qui, en France, demeure aux mains de corporations vieillies et sclérosées par une garantie de monopoles freinant toute remise en question ou évolution.
 
Uber est l’exemple typique d’une société qui a su utiliser le progrès technologique pour répondre de manière plus probante aux besoins du consommateur. L’avènement du numérique et la prolifération des applications dans notre quotidien ont permis à tout un tas de start-ups de se positionner comme de véritables solutions alternatives, moins coûteuses et redoublant de vigilance quant à la satisfaction du client.  
 
Avant l’arrivée des VTC sur le marché des transports, la personne désireuse de trouver un taxi le samedi soir à Paris devait faire preuve de courage et de persévérance. Attente interminable, chauffeur désagréable, les taxis étaient loin d’avoir la côte auprès de leurs usagers et trainaient avec eux une image désinvolte et décomplexée par une hégémonie aujourd’hui remise en cause par la société californienne et les différents services qu’elle propose.
 
Présent dans le monde entier et dans six villes en France, le succès d’Uber dérange et renvoie ceux qui accusent aujourd’hui la société de technologie de concurrence déloyale vers leur manque de propositions face à un consommateur qui veut, et c’est bien légitime puisque c’est possible, toujours mieux, toujours plus vite et toujours moins cher.
 

UberPOP dans le collimateur

 

La satisfaction des clients Uber semble pour l’heure proportionnelle au mécontentement de la concurrence. Les taxis ont longtemps bataillé pour barrer la route au « méchant envahisseur américain ». Grèves, manifestations, la colère des professionnels a donné naissance à la loi Thévenoud supposée protéger l’activité des taxis en interdisant notamment aux VTC de se faire repérer par le client grâce à son smartphone.  

 
Cette loi pourrait d’ailleurs s’avérer au final inapplicable. L’ancien ministre Thomas Thévenoud, davantage connu pour avoir popularisé la phobie administrative que pour ses mérites professionnels, n’aurait tout simplement pas notifié cette nouvelle législation à la Commission européenne. Oubli fâcheux ayant amené Uber à porter plainte auprès de l’institution pour « manquement au droit européen ».
 
Aujourd’hui, ce sont les VTC qui assignent Uber devant les tribunaux. En cause le service UberPOP, dont la particularité est de permettre à des particuliers de devenir chauffeurs, cela de manière occasionnelle, sur des courts trajets et à des tarifs encore moins élevés. Une façon pour le conducteur de générer un complément de revenus et pour le passager de voir son pouvoir d’achat épargné.
 
De nouvelles initiatives que certains VTC classiques voient fleurir avec crainte. C’est ainsi que LeCab et Transdev tentent aujourd’hui d’empêcher, via une action en justice, l’exercice de cette nouvelle activité. Ceux qui criaient hier contre le corporatisme des taxis n’hésitent pas à endosser les mêmes travers quand pointe la menace du manque à gagner.
 
«La solution de transport entre particuliers UberPOP est aujourd’hui menacée par les attaques en justice du groupe Transdev, qui jouit depuis des décennies d’une situation de quasi-monopole sur les transports collectifs français, ainsi que celles de plusieurs syndicats de taxis » déclare Uber qui redoute que les suites de cette affaire « mettent en danger la mobilité partagée et l’innovation dans le transport ». Ce sont ces monopoles qu’Emmanuel Macron, actuellement ministre de l’Économie, souhaitait « briser » il y a encore quelques mois. Une position qui ne fut d’ailleurs pas très bien reçue par les principaux visés.
 

Aujourd’hui Uber, et demain ?

 

L’affaire des VTC-Taxi contre Uber n’a rien d’anecdotique et ne se borne pas à un simple conflit entre des concurrents d’un même domaine d’activité se disputant des parts de marché. La décision du juge, bientôt prononcée, est partie pour avoir des répercussions qui iront bien au-delà d’une simple interdiction pour Uber d’exercer telle ou telle activité.

 
Si Uber est condamné à arrêter son service UberPOP, c’est un faisceau de signaux négatifs qui seront envoyés aux Français ainsi qu’à bon nombre de secteurs professionnels. Tout d’abord, cela prouverait une fois de plus que la France demeure paralysée par un immobilisme latent, l’empêchant d’avancer avec son époque, pour rester la marionnette de grands syndicats aux ripostes contraignantes donc efficaces. Deuxièmement, cela reviendrait à décourager un vivier de start-ups françaises et à saper leur envie d’entreprendre et d’œuvrer au quotidien pour faire naitre des idées bercées d’innovation.
 
Après tout, pourquoi chercher à améliorer l’existant, à offrir au consommateur un service plus performant et bien souvent en réduisant les coûts, quand tout est fait en sorte pour privilégier un système institutionnalisé plutôt qu’un dynamisme porteur de progrès, aussi bien technologique que social ou comportemental. Uber a beau être une société américaine, la France regorge de pépites prêtes à devenir les Uber de demain, à révolutionner notre quotidien et à s’exporter aux quatre coins du globe. Blablacar en est la meilleure illustration.
 
Axelle Lemaire, notre secrétaire d’Etat chargée du Numérique, se targue de vouloir créer une véritable French tech et a l’ambition de « valoriser l’ensemble des écosystèmes afin que les investisseurs internationaux voient la France comme une nation innovante, un acteur incontournable du numérique, qui dispose d’un écosystème vibrant et dynamique ». Paradoxe. Ne pas prendre position en faveur d’Uber aujourd’hui consiste pourtant à brider les jeunes pousses françaises qu’elle souhaite favoriser. C’est leur avouer qu’il ne sert à rien d’être force de proposition ou d’essayer d’innover puisqu’il y aura toujours les dinosaures du marché pour crier à la concurrence déloyale.
 
Au lieu de se gargariser de privilèges sans faire grand chose pour continuer de les légitimer, les taxis feraient mieux de dépenser leur énergie en reconsidérant leur façon d’exercer leur métier, en regardant ce qu’il se passe autour d’eux et en revoyant leur copie si nécessaire. Les hôtels pestent contre Airbnb, les auto-écoles s’insurgent de voir Ornikar attirer des clients qui en ont assez de servir de tiroir-caisse. Ces corporations semblent préférer les lamentations à l’action. En attendant, le consommateur a fait son choix.
 
L’innovation se nourrit d’insatisfaction et de déception, il ne faut pas l’oublier. Le succès d’Uber et les attaques qui en découlent s’expliquent par le fait que la société réussit là où la concurrence échoue depuis trop longtemps. Alors oui, cette concurrence a la procédure judiciaire facile et n’hésite pas à se victimiser pour rallier l’opinion publique en sa faveur. Elle a simplement omis que l’innovation était le moteur de l’évolution. C’est en cela que le devenir d’Uber en France fera office de thermomètre pour tous les porteurs de projet qui se demandent s’il est encore possible de changer les choses en France. De changer pour mieux.
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