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Vers un nouveau modèle de financement de l’économie?

L’histoire du financement de l’économie se situe actuellement à une période charnière en Europe. Jusqu’ici dominé par le crédit, le financement des entreprises pourrait bien migrer en partie sur les marchés financiers. Les banques n’ayant plus la bride sur le cou, la contraction bancaire a initié un phénomène de désintermédiation voué à prendre de l’ampleur. D’autant que les marchés financiers s’adressent de plus en plus aux dirigeants de Petites et Moyennes Entreprises (PME) en diversifiant leurs produits.

Le FMI a revu début octobre à la baisse ses prévisions de croissance mondiale à 3,3 % cette année, la zone euro constituant son principal objet de préoccupation. « La production et l’investissement restent en deçà des niveaux d’avant crise ; malgré des efforts sur le plan des réformes, de nombreux obstacles persistent en ce qui concerne la productivité et la compétitivité ; le système financier reste fragmenté et les entreprises font face à des contraintes de crédit dans les économies affaiblies », observe l’organisation internationale.

Les banques rechignent en effet toujours à prêter, contraintes par les réglementations de Bâle à maintenir un certain niveau de fonds propres afin de ne pas reproduire le château de cartes qui a débouché sur l’effondrement bancaire de 2007. Aujourd’hui, les banques réfléchissent à deux fois avant d’octroyer un crédit, plus coûteux, et les PME ont vu se tarir une source importante de financement. En juillet 2014, les prêts au secteur privé ont encore chuté de 1,6 % en zone euro par rapport à l’année précédente.

Les résultats des tests de résistance de 131 des banques les plus importantes de la zone euro, publiés le 26 octobre dernier, apportent d’autres mauvaises surprises. Un total de 25 banques a échoué aux « stress tests » réalisés par la BCE et l’ABE (Autorité bancaire européenne). Les investisseurs craignent ces brebis galeuses qui doivent aujourd’hui renforcer leurs fonds propres à hauteur de 24,5 milliards d’euros de toute urgence.

À cela s’ajoute les probables réformes supplémentaires émises au premier semestre 2014 à la suite du rapport Liikanen et qui pourraient prendre effet en 2017 ou 2018. Primo, le projet de la Commission prévoit d’interdire aux banques de spéculer pour leur propre compte sur les produits financiers s’échangeant sur les marchés ainsi que sur les matières premières. Secundo, et c’est ce qui interpelle davantage les banques, Michel Barnier souhaite la filialisation de certaines activités de marchés jugées trop risquées.

La Fédération bancaire française (FBF) a immédiatement réagi : « À travers la filialisation de la plus grande partie des activités de marchés, le projet de la Commission européenne remet en cause la possibilité, pour les banques européennes continentales, d’accompagner de façon efficace les entreprises sur les marchés ».

Quoi qu’il en soit, il semblerait que le moment soit venu aujourd’hui de modifier structurellement la méthodologie dominante de financement, qui était jusqu’ici dominée par le crédit bancaire. Le plan d’action européen sur les services financiers s’efforce depuis 15 ans de simplifier le marché financier, en vain. Mais aujourd’hui la dynamique s’inverse : il n’y a aucune raison pour qu’à l’avenir la réglementation laisse les banques agir comme bon leur semble. Il n’est donc pas trop hardi de penser que le mouvement de désintermédiation va se poursuivre.

« Les petites et moyennes entreprises comprennent qu’elles ont besoin de repenser leurs modes de financement. Cela peut être dû au fait qu’elles prennent en compte le coût des crédits bancaires ou qu’elles s’aperçoivent qu’accéder aux marchés financiers n’est pas aussi complexe qu’elles le pensaient », faisait savoir Dominique Cerutti, PDG d’Euronext.

« Nous avons rencontré plus de 800 PME et ETI, individuellement au sein des quatre pays où opère EnterNext : France, Belgique, Pays-Bas et Portugal. Il y a un réel intérêt pour les introductions en Bourse ou pour les émissions d’obligations. Cet attrait pour la Bourse va permettre de rééquilibrer financement bancaire et financement par les marchés. C’est un mouvement incontestable », pronostique également le PDG. Espérons maintenant qu’il ait raison. 

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