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Azerbaïdjan : une nouvelle journaliste placée en détention

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La liberté de la presse serait-elle de plus en plus menacée en Azerbaïdjan ? shutterstock.com

Un tribunal du quartier de Sabaïl à Bakou a décidé, ce vendredi 5 décembre, de placer en détention provisoire Khadija Ismaïlova, qui figurait sur la liste des cent héros de l’information mise en avant par Reporters sans frontières à l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai dernier. La journaliste, dont les reportages ont souvent porté sur les affaires financières de politiciens de haut niveau du pays, encourt une peine maximale de sept ans de prison.

Dans les faits

Khadija Ismaïlova, ancienne directrice de Radio Azadlyg (service azerbaïdjanais de Radio Free Europe / Radio Liberty), est accusée d’ « avoir provoqué au suicide » de Toural Moustafaïev, son ancien collaborateur, sur la base de l’article 125 du Code pénal. Ce dernier aurait tenté de se suicider, il y a deux mois, parce que Khadija Ismaïlova l’aurait licencié. Que ces faits soient exacts ou pas, tout porte à croire que la journaliste ait été victime d’une décision plus politique que juridique.

Car ce n’est pas la première fois que Khadija Ismailova fait l’objet de pressions et de persécutions de la part des autorités. En 2012 et 2013, elle a été victime d’une campagne calomnieuse et de tentatives de chantages à base de vidéos explicites et, en février 2014, elle a été accusée d’espionnage au profit des Etats-Unis.

Dans les faits, il semblerait que les investigations de la journaliste gênent de plus en plus les autorités. Elle n’a, par exemple, pas hésité à souligner la collaboration de l’ancien membre du parti du Front populaire Elman Gassanov avec les services de renseignement pour mener des activités subversives au sein de l’opposition. Une allégation qui l’a conduite au tribunal en octobre.

Une décision politique ?

Pour Amnesty International, cette décision de justice prouve la volonté du pouvoir politique de vouloir museler les médias indépendants : « C’est la manifestation d’une volonté flagrante de faire taire les médias libres en Azerbaïdjan. Khadija Ismayilova est l’une des dernières voix indépendantes de ce pays », a déploré John Dalhuisen, directeur du bureau Europe et Asie centrale de l’organisation.

Même son de cloche du côté de Reporters sans frontières: « Nous sommes scandalisés par ces accusations fallacieuses et cette privation de liberté inique », a estimé Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de l’ONG. « Les campagnes de diffamation commencées deux ans plus tôt atteignent ici leur paroxysme. L’arrestation de Khadija Ismaïlova, figure de proue du journalisme d’investigation indépendant en Azerbaïdjan et référence en la matière, est la preuve que les autorités sont plus déterminées que jamais à éradiquer toute opposition à leur loi arbitraire. Nous exhortons la justice à faire preuve d’indépendance, abandonner toutes les charges qui pèsent contre elle et à la libérer dans les plus brefs délais. Les autorités doivent cesser tout type d’acharnement à son encontre ! »

« La répression systématique exercée par le gouvernement »

Cette décision de justice inquiète alors même que l’Azerbaïdjan a assumé la présidence tournante semestrielle du Comité des ministres du Conseil de l’Europe en mai 2014. « La répression systématique exercée par le gouvernement de l’Azerbaïdjan à l’encontre des défenseurs des droits humains et autres personnes perçues comme détracteurs du gouvernement témoigne d’un mépris pur et simple de ses engagements à l’égard du Conseil de l’Europe », a déclaré Giorgi Gogia, chercheur senior sur le Caucase du Sud au sein de Human Rights Watch. « Continuer de laisser sans réponse cette répression implacable menace la crédibilité même de l’institution. »

Selon Human Rights Watch, au fil des deux dernières années et demie, « l’Azerbaïdjan a engagé ou menacé d’engager des poursuites pénales arbitraires contre au moins 50 militants indépendants ou membres de l’opposition politique, journalistes, blogueurs et défenseurs des droits humains ». La plupart d’entre eux se trouveraient encore derrière les barreaux. L’Azerbaïdjan est placé au 160e rang sur 180 pays dans le Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.

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