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Les crèches de Noël portent-elle atteinte au principe de laïcité ?

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C’est une actualité qui a beaucoup fait parler d’elle ces dernières semaines : le tribunal administratif a ordonné, le 14 novembre, le retrait d’une crèche installée dans le hall du conseil général de Vendée car elle n’était pas compatible avec le principe de laïcité. Bruno Retailleau, le président UMP du conseil général, a annoncé qu’il ferait appel. Son prédécesseur, Philippe de Villiers, a qualifié cette décision de « totalitaire » dans les colonnes du Figaro. De son côté, Robert Ménard, élu sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine, a refusé d’enlever la crèche qu’il a installée dans le hall de la mairie de Béziers (Hérault), malgré les injonctions du préfet de région.

Que dit la loi ?

A l’annonce de cette décision du tribunal administratif, la toile s’est enflammé. Pourtant la présence de la crèche dans le hall d’un conseil général n’est, en effet, pas conforme à la loi de 1905 : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions », peut-on lire à l’article 28.

Le tribunal administratif de Nantes s’est également appuyé sur l’article 1 de la Constitution qui précise : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le jugement estime donc qu’ « un emblème religieux est incompatible avec la neutralité du service public. »

Un « deux poids, deux mesures » ?

Si cette décision est conforme au droit, comment expliquer la colère des opposant à cette décision de justice ? « Manifestement il y a deux poids deux mesures à la justice de notre pays », s’est indigné Bruno Retailleau, dans les colonnes du Figaro. « Quelques mois après qu’Anne Hidalgo a revendiqué l’organisation, par la mairie de Paris, du repas officiel d’ouverture du Ramadan, un tribunal interdit la seule évocation de la période de Noël dans une autre collectivité. Cette laïcité à géométrie variable est une source de tensions que je redoute. Qui ne voit l’exaspération grandissante de nos compatriotes devant la progression constante des communautarismes ? »

Un avis partagé par Robert Ménard qui qualifie la décision du tribunal administratif de « grotesque ». « Quand la mairie de Paris organise une soirée festive pour le début du Ramadan, c’est considéré comme un événement culturel par Manuel Valls lui même, et quand il s’agit d’une crèche on dit ‘c’est religieux’! » s’indigne-t-il, fustigeant les « ayatollahs de la laïcité », dans le Figaro.

Le reste de la classe politique appelle au calme

Dans la classe politique, à gauche comme à droite, le discours était à l’apaisement. Nathalie Kosciusko-Morizet, numéro deux de l’UMP, a regretté lundi que l’on « ouvre une guerre » sur les crèches de Noël. Sur Europe 1, la députée et ancienne ministre a commenté : « Les ardents défenseurs de la laïcité ne doivent pas se retrouver en position de sectarisme », a estimé NKM, avant d’ajouter : « On n’a pas à faire succéder à des guerres de religion des guerres de laïcité. La crèche, c’est un fait culturel, c’est une réalité, c’est très présent dans l’art. » Pour elle, « il y a une majorité aujourd’hui dans la classe politique, pour dire : c’est une fuite en avant, c’est un peu ridicule, c’est ouvrir un front là où il n’y en a pas besoin ».

Le Premier ministre a, lui aussi, appelle au calme sur cette question : « A ma place, j’ai du mal à commenter une décision de justice », a-t-il souligné. « Faisons attention à ne pas nous diviser. Aujourd’hui nous allons nous diviser sur la présence de crèches dans les espaces publics ? Ce n’est pas ce que demandent les Français. Il y a suffisamment de sujets graves pour débattre, faisons attention à tout ce qui divise notre société ».

Même son de cloche du côté du ministre de l’Intérieur et des Cultes : « La laïcité n’est pas un principe d’antagonisation de la République », a déclaré Bernard Cazeneuve. « Je souhaite qu’on ne prenne pas ces questions en otage pour créer des tensions, des clivages, des fractures, dans une société qui a besoin de s’apaiser », a ajouté le ministre, pour qui la laïcité doit « faire reculer les petites haines qui rongent la République ».

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