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Vol réussi pour la capsule Orion : à quand une mission vers Mars ?

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Orion, capsule de 8,6 tonnes, premier vaisseau américain depuis Apollo capable d’emporter des astronautes au-delà de l’orbite terrestre, a effectué son premier vol vendredi 5 décembre. Ce vol d’essai, d’un coût de 370 millions de dollars, « est le tout premier pas de notre voyage vers Mars », a souligné un responsable de la Nasa. « C’est sans aucun doute la mission la plus importante que la Nasa effectue cette année », a-t-il ajouté. Ce vol d’essai était destiné à tester principalement le bouclier thermique du vaisseau, qui doit résister à des températures de 2 200 °C, ainsi que ses parachutes et ses ordinateurs de bord.

JOL Press : Quel était l’objectif du premier vol de la capsule américaine Orion ?
 

François Forget : La NASA a arrêté la navette spéciale. Elle prépare dorénavant de nouveaux moyens pour accéder à l’espace. Deux contrats ont été signés entre la Nasa et des sociétés privées pour concevoir des petites capsules capables de se rendre sur la station spatiale internationale. Et sur le long terme, le vrai objectif est de dépasser l’orbite basse – la station spatiale internationale tourne autour de la Terre à 400 kms – et pour cela la NASA cherche à développer un nouveau vaisseau spatial pour aller loin de la Terre jusqu’à la Lune, jusqu’à Mars et encore plus loin.

La capsule Orion, actuellement en cours de développement, a fait son premier vol, sans humain à bord, pour voir si elle fonctionnait bien. Orion n’est encore qu’à l’état de prototype. Elle a été lancée dans l’espace assez haut, à plus de 5000 kms, pour qu’elle revienne à grande vitesse sur la Terre pour simuler, par exemple, un retour de la Lune. La NASA a aussi vérifié si tout fonctionnait bien lors de la rentrée dans l’atmosphère. Il s’agit d’un test d’étape, le prochain vol test étant prévu en 2018.

JOL Press : Pourquoi cela prend-il autant de temps ?
 

François Forget : Parce que ces développements coûtent très cher. C’est vrai que lorsqu’on compare aux années 60, tout prend beaucoup plus de temps parce qu’aujourd’hui le budget de la NASA est limité ; on ne peut payer qu’un certain nombre d’ingénieurs et donc les développements sont automatiquement plus longs.

JOL Press : Au delà du simple test, y avait-il un autre objectif ?
 

François Forget : Non, c’est ce qu’on appelle un vol de qualification. Le monde des ingénieurs connaît un certain nombre d’étapes de développement et il s’agissait-là du test des options qui avaient été prises. Quand on développe un prototype, il faut le tester, cela coûte cher bien sûr, mais c’est une étape indispensable. Maintenant les ingénieurs de la NASA vont pouvoir s’atteler au développement complet de la capsule : la sécurité pour les humains et l’installation sur une nouvelle fusée.

Le lancement d’Orion a été effectué avec une fusée qui existait déjà. Le prochain lancement se fera avec une nouvelle fusée qui est développée parallèlement à Orion. Ce sera une énorme fusée qui sera capable d’envoyer Orion et des modules associés jusqu’à la Lune, voire au-delà…

JOL Press : Du coup, quand pourra-t-on aller sur Mars ?
 

François Forget : C’est la vraie question. Au niveau technologique, on saurait le faire mais les développements que demande une telle opération coutent extrêmement cher. La NASA dit que ce sera dans les années 2030, mais un rapport indépendant très poussé d’un comité américain pense qu’il faudra encore attendre. Dans les années 2020, on pourra certainement effectuer des vols autour de la Lune. Par ailleurs, dans le cadre de sa mission ARM (Asteroid Redirect Mission), la NASA souhaite capturer un astéroïde situé relativement près de la Terre et le déplacer vers une orbite lunaire stable pour envoyer des astronautes l’étudier. Cette mission aurait lieu en 2021.

Un peu plus tard, on peut espérer atteindre les astéroïdes autour du Soleil, dans les années 2030, on va se reposer sur la Lune, on ira en orbite autour de Mars, dans les années 2035 mais pour se poser sur Mars, il faudra attendre les années 2040, voire plus tard encore. Avec le budget actuel, je n’imagine pas que nous puissions aller sur Mars plus tôt.

Ce qui peut survenir plus vite, ce serait un vol humain autour de Mars qui partirait explorer les petites lunes de Mars, Deimos et Phobos, des cailloux qui font quelques dizaines de kilomètres de diamètres. Une fois en orbite autour de Mars, on peut aussi piloter des robots beaucoup mieux que ce que l’on peut faire maintenant parce qu’il n’y a pas de décalage temporel quand on est à côté de Mars. Il est plus facile d’aller en orbite autour de Mars que sur Mars parce que le système de descente, le système de survie à la surface et le redécollage sont des techniques qui prendront beaucoup de temps à être finalisées par les ingénieurs.

JOL Press : Donc aucune avancée majeure avant les années 2020…
 

François Forget : Il faut quand même souligner que dans l’histoire de la NASA, il n’y a pas eu un milliard de vaisseaux spatiaux différents : il y a eu Mercury, Gemini, Apollo et la navette spatiale. La navette spatiale a été développée dans les années 70, cela faisait donc 40 ans que l’on n’avait rien développé de nouveau. Le vol d’Orion était donc un événement : c’est le premier vaisseau spatial développé par la NASA depuis 40 ans qui a pour ambition d’explorer l’espace au-delà de l’orbite basse. Pour le test avec les humains, il faudra attendre 2021…

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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