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Valls veut lutter contre l’ »islamo-fascisme » mais qu’est-ce que c’est ?

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Après avoir parlé d’« apartheid » et de « ghetto », Manuel Valls revient avec une nouvelle formule-choc et évoque « l’islamo-fascisme » (peut s’écrire en un seul mot).

Un néologisme à partir des termes « islam » et « fascisme ». Le fascisme est une doctrine que Benito Mussolini érigea en Italie en système politique et qui est caractérisée par la toute-puissance de l’Etat et par l’exaltation du nationalisme.

Une expression « bancale »

Pour Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) c’est une  définition « politiquement opérante mais scientifiquement bancale ».

« Si l’on entend par « islamo-fascisme » l’expression que l’islam radical est un totalitarisme, je pense que c’est correct (…). Par contre s’il s’agit d’exprimer une similitude entre les projets politiques de l’islamisme et du fascisme dans leur acception historique, c’est beaucoup plus compliqué », explique-t-il aux Inrocks.

Selon le chercheur, l’expression est gênante car « elle revient à dire que l’on ne peut mesurer un phénomène totalitaire du XXIe siècle qu’à l’aune du fascisme. On colle toujours ce sparadrap du fascisme sur toutes les politiques génocidaires ou totalitaires commises après 1945, comme si elles avaient un lien de parenté idéologique ».

Dans un livre de 2011 (Les intellectuels Faussaires), le chercheur Pascal Boniface considère que cette expression n’a pour seule fonction que « d’attaquer et de disqualifier l’islam ».

Plus l’apanage de la droite

Aujourd’hui, le terme est aussi bien utilisé à droite par Christian Estrosi, lors de l’émission « C politique » dimanche 15 février, qu’à gauche, sur son blog, par le député de Gironde, ancien membre d’EELV Noël Mamère.

Dimanche, le député-maire de Nice disait attendre des responsables musulmans « qu’ils prennent plus de responsabilité pour dénoncer l’islamo-fascisme » et inscrivait cette notion dans la même lignée que « le stalinisme, le nazisme ».

A l’UMP toujours, Bruno Retailleau avait déjà utilisé cette expression à propos de Daesh, qu’il désignait comme « le 3e totalitarisme mondial ».

Noël Mamère revendique lui aussi l’utilisation du terme d’ »islamo-fascisme ». « L’islamo-fascisme est le produit d’une histoire qui lui est propre et qui évolue dans un contexte, comme n’importe quel courant politique, écrivait-il après les attentats de janvier. Ne pas vouloir l’analyser, c’est s’interdire de le comprendre ».

La genèse d’une expression à la mode

On trouve des traces de l’expression dès la fin des années 70 (notamment sous la plume d’un écrivain marxiste Maxime Rodinson) : elle visait alors les ayatollah de la révolution iranienne. Mais c’est surtout dans les années 2000 qu’il prend son essor, à la fois en France et aux Etats-Unis, soulevant bien des débats sans fin dans son sillage.

Après le 11 septembre, ce sont les néo-conservateurs s’emparent du mot qui a la force de l’oxymore (jusque-là, les fascistes n’aimaient pas trop les musulmans).

Le 6 août 2006, le président Bush, sous leur influence, l’a utilisée dans un discours. Un an plus tard, l’écrivain Alan Dershowitz lance sur les campus universitaires « la semaine de vigilance contre l’islamo-fascisme », soulevant un tollé…

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