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Google au coeur de la tempête

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La devise informelle de Google est «Don’t be evil» («ne soyez pas malveillant»). Ses détracteurs vous diront qu’on en est aujourd’hui bien loin. Le géant américain, qui occupe aujourd’hui plus de 70 % du marché de la recherche aux États-Unis (et près de 90 % en Europe) impose ses règles du jeu de manière léonine. Les autres sites ne peuvent que les respecter, sous peine de se priver d’une immense source de trafic – souvenez vous du traitement de faveur subi par le groupe allemand Axel Springer (géant de l’édition outre-Rhin) lorsque celui-ci s’est opposé à l’exploitation de ses contenus par le moteur de recherche. La concurrence elle aussi malmenée par le tout puissant Google, mais cette fois, il rencontre une résistance.

La Commission européenne conclu son enquête sur le géant de la recherche en ligne mondial par un constat d’abus de position dominante. Si cette décision ne préjuge pas d’une sanction ultérieure contre Google, c’est la première fois dans son histoire que le groupe américain est reconnu coupable d’avoir enfreint la loi antitrust – la législation européenne sur la concurrence, beaucoup plus stricte que son équivalent américain. Cette offensive voit le jour à la suite d’une enquête de cinq ans sur les pratiques anticoncurrentielles de Google. Le gendarme européen de la concurrence lui reproche principalement de mettre en avant sur ses pages ses propres services spécialisés – par exemple des comparateurs de prix comme Kelkoo ou des sites spécialisés dans les voyages comme Expedia.

« Je crains que l’entreprise n’ait injustement avantagé son propre service de comparaison de prix, en violation des règles de l’Union européenne en matière d’ententes et d’abus de position dominante », a déclaré, mercredi à mi-journée, la commissaire européenne en charge de la concurrence, la Danoise Margrete Vestager. Concrètement, la Commission craint que les utilisateurs de Google « ne voient pas nécessairement les résultats les plus pertinents en réponse à leurs requêtes. » Dans le pire des cas, Google risque une amende d’environ 6 milliards de dollars, soit 10% de son chiffre d’affaires mondial en 2014

Bruxelles a aussi ouvert une enquête concomitante contre Google pour déterminer si le géant américain n’enfreint pas les règles européennes de concurrence avec son système d’exploitation pour téléphone portable Android. Android est devenu le premier système d’exploitation pour smartphones en Europe. La majorité des fabricants de smartphones et de tablettes l’utilisent en combinaison avec un éventail d’applications et de services propriétés de Google – le groupe a ici tendance à mettre les doigts dans toutes les tartes.

Après Bruxelles, c’est le Sénat français hausse le ton face à Google. La chambre haute a voté jeudi à l’unanimité un encadrement des moteurs de recherche, via un amendement au projet de loi Macron visant, sans la nommer directement, Google. Le texte impose à ce moteur de mettre sur sa page d’accueil « au moins trois autres moteurs de recherche sans lieu juridique », de préciser « les principes généraux de classement ou de référencement », de fonctionner « de manière loyale et non discriminatoire » et d’exiger l’exclusivité à un tiers « proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques », par exemple un constructeur de smartphone ou tablette. En outre, l’article ajouté confie à l’Arcep, le gendarme des télécoms, la mission de « veiller au bon fonctionnement des marchés de l’économie numérique. » L’agence aurait le pouvoir d’infliger une sanction pécuniaire à Google allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial du groupe en cas de manquement aux obligations de concurrence.

Le gouvernement, par la voix d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, avait demandé le retrait de cette disposition la jugeant contraire au droit européen de la concurrence et au droit constitutionnel. M. Macron a jugé qu’il s’agissait d’une « attaque disproportionnée au droit d’entreprendre », estimant que cela reviendrait à demander à « Renault d’afficher sur son pare-brise qu’on peut acheter une Peugeot ou une Fiat ». D’après lui ce type de décision relève de la compétence de l’ échelon d’intervention européen. Il n’a cependant pas été entendu puisque la version initiale a même été durcie lors des débats.

Google – qui dispose de dix semaines pour répondre à la Commission – conteste déjà fermement les accusations de violation de la loi anti-trust, estimant que jamais l’innovation ou la concurrence n’a été aussi forte qu’actuellement sur son marché. Google a en effet achevé l’année 2014 avec la plus faible part de marché depuis 2008 : 75,2%. Même s’il reste loin devant Bing (12,5%) et Yahoo! (10,4%).

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