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L’Allemagne accusée d’espionner la France pour le compte de la NSA

Le scandale des écoutes de la NSA, qui à l’époque avait provoqué un refroidissement sensible des relations entre Berlin et Washington , menace de se retourner contre le gouvernement allemand. Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung, radio NDR ainsi que la télévision NDR les services de renseignement allemands ont espionné des « hauts fonctionnaires » français pour le compte de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine. « Le BND (les services de renseignement allemands) a aidé la NSA à faire de l’espionnage politique », écrit le grand quotidien munichois, poursuivant en détaillant des écoutes qui visaient les « hauts fonctionnaires du ministère français des Affaires étrangères, du Palais de l’Elysée et de la Commission européenne. » Ces missions auraient ainsi été réalisées depuis la station d’écoutes bavaroise de Bad Aibling.

D’après la presse allemande, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maiziere, qui était à l’époque chef de la Chancellerie et ne pouvait pas ignorer les activités du BND. Soulignant le caractère confidentiel du dossier, il s’est par ailleurs engagé à s’expliquer la semaine prochaine devant la commission d’enquête parlementaire allemande chargée de faire la lumière sur les pratiques de l’agence américaine. Il apparaît en effet, au fil des révélations communiquées par les services secrets à la commission parlementaire qui enquête sur les activités de la NSA en Allemagne, que de très proches collaborateurs de la chancelière étaient au courant, sans doute depuis 2008, des activités illégales des services secrets. La coopération entre les deux Etats remonterait à 2004.

 A cette époque, un accord est signé entre les Américains et les Allemands. Dans le cadre d’un programme nommé Echelon, les premiers confient aux seconds la quasi-totalité des installations du puissant centre d’écoute des télécommunications qu’ils ont mis en place à Bad Aibling. En contrepartie, les Allemands s’engagent à fournir les informations qu’ils demanderaient, à l’exception des personnes ou les institutions protégées par la Constitution allemande. En revanche, d’après la presse allemande, les cas de surveillance d’entreprises et d’espionnage industriel – des tentatives d’espionnage depuis 2005 visant EADS (devenu Airbus) et Eurocopter (aujourd’hui Airbus Helicopters) – n’ont eu lieu que « dans des cas isolés », lorsque les Etats-Unis cherchaient des « informations sur des exportations illégales ».

La révélation contraste avec le saisissement de Berlin lors de l’éclatement du scandale de la NSA. Voilà dix-huit mois, la NSA avait déjà été mise en cause pour ses écoutes en Europe et notamment en Allemagne. Après avoir découvert que son propre téléphone portable avait pu être la cible des écoutes des services secrets américains, à l’été 2013, Angela Merkel avait laissé entendre colère toute son indignation : « l’espionnage entre amis, cela ne va pas du tout » – formule qui pourrait aujourd’hui se retourner contre elle. A l’époque, la France était monté au front aux côtés de son partenaire européen, le président François Hollande et la chancelière Angela Merkel dénonçant à l’unisson « l’un comme l’autre le caractère inacceptable » des écoutes américaines.

Pour l’heure, l’Allemagne n’a pas encore clairement répondu aux accusations. La chancelière, en déplacement à Varsovie, n’a pas pu échapper à la question. « Il faut que toute la lumière soit faite », a-t-elle déclaré – une expression qu’on lui connaît dans ses moments d’embarras. Sigmar Gabriel, vice-chancelier et président du Parti social-démocrate, s’est pour une fois désolidarisé d’Angela Merkel, en durcissant le ton. « Apparemment, le BND mène sa propre vie. Il faut que cela cesse », a-t-il dit avant de dénoncer un véritable « scandale. » Par ailleurs, le gouvernement vivement critiqué par l’opposition pour avoir potentiellement menti en déclarant le 14 avril dernier, dans une réponse écrite au groupe parlementaire du parti de gauche radicale Die Linke, ne rien savoir d’un quelconque espionnage économique par la NSA.

Certains responsables politiques outre-Rhin sont allées jusqu’à demander à la chancelière Angela Merkel de présenter ses excuses à la France. Le gouvernement semble pour l’heure rejeter la faute sur ses services de renseignement, sans pour autant dissiper tous les doutes. Cette affaire pose un certain nombre de questions, par exemple le gouvernement allemand a-t-il laissé les services secrets commettre un acte illégal ? Ou  encore ne contrôle-t-il pas l’activité de ses services ? La seule certitude est que cette affaire – on ne peut plus actuelle – embarrasse certainement beaucoup Berlin, et si le gouvernement est rattaché à cette pratique  -pas du meilleur goût après les déclarations de la Chancelière –  cela risquerait de sérieusement affecter les rapport entre la France et l’Allemagne, véritables ventricules de l’UE.

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