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Les dessous de la visite de Narendra Modi en France

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Largement élu il y a près d’un an sur la promesse de relancer l’investissement et l’emploi, Narendra Modi mise sur sa capacité à imposer l’Inde comme plateforme de production et d’exportation. Avec une croissance de 7,4% en 2014 et de plus de 8% attendue cette année, l’Inde veut attirer les investissements étrangers dans une multitude de secteurs industriels, dont le nucléaire, le spatial, l’aéronautique, le ferroviaire. Modi veut moderniser le pays et créer des emplois pour les 12 millions de jeunes qui rentrent sur le marché du travail tous les ans. « Je me réjouis de me rendre en France pour renforcer l’implication française dans notre programme ‘Make in India’, en particulier dans le secteur de la défense », avait écrit Modi sur son compte Facebook. Au moins 5 contrats majeurs vont être signés à l’occasion de la visite du premier ministre indien en France.

La visite est tardive, et pour cause. Jusque récemment en Europe, Narendra Modi n’était pas en odeur de sainteté. Le moins que l’on puisse dire est que l’homme a sa part d’ombre, à base de propos ouvertement islamophobes et son implication suspectée dans la vague de représailles (après la mort de 59 hindous dans l’incendie criminel d’un train à Godhra, principalement des femmes et des enfants) anti-musulmans se répand à travers le Gujarat en 2002, faisant entre 900 et 2 000 morts et plusieurs milliers de blessés. Cette visite consacre la normalisation des relations entre Paris et le premier ministre indien, qui avant son élection en mai 2014, avait été mis au ban de la diplomatie française.

Ce revirement est du un une multitude d’intérêts communs entre les deux pays, notamment les priorités de la diplomatie économique française en Inde : le gouvernement indien est en négociations exclusives avec Dassault depuis janvier 2012 pour l’achat de 126 Rafales pour un montant alors estimé à 20 milliards de dollars. Les négociations avinent néanmoins atteint un point mort à cause d’un différent sur le coût et l’assemblage des appareils en Inde. New Delhi envisagerait de changer de stratégie et d’acheter directement un nombre plus réduit d’appareils fabriqués en France pour accélérer le processus, selon la presse indienne. L’analyste spécialisée dans les questions de défense Nitin Gokhale assurait, lui, sur son blog Newswarrior, que le gouvernement a décidé, avant la visite de Modi en France, d’acheter une soixantaine d’appareils. Ce nouvel accord sera discuté pendant la rencontre de Modi avec le président français. Le patron de Dassault Aviation avait quant à lui récemment déclaré que l’accord était « finalisé à 95%. »

Deuxième secteur : le nucléaire. La société française Areva est sur les rangs et va travailler avec des groupes locaux pour trouver des partenaires capables de lancer les chantiers pour six réacteurs nucléaires EPR sur le site de Jaitapur, dans l’Etat de Maharashtra (ouest). De son côté, M. Modi a encore ne mémoire l’aide précieuse française au lendemain des essais nucléaires indiens de 1998. La France avait alors mis son veto à des sanctions au conseil de sécurité de l’ONU et avait appuyé son entrée dans le club très fermé du Groupe des fournisseurs nucléaires – avec va un certain droit de regard sur la prolifération d’éventuels concurrents, et là-dessus l’exemple iranien est éloquent.

D’un point de vue géostratégique, les deux pays s’y retrouvent également. La coopération maritime dans l’océan Indien pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans le partenariat entre les deux pays. A l’heure où l’Inde veut réaffirmer sa présence dans un océan menacé par l’expansion chinoise, elle pourrait renforcer sa coopération avec la France qui possède des bases navales à Djibouti et sur l’île de la Réunion, et partager les informations collectées par leurs radars de surveillance.

Ce réchauffement intervient alors que l’agence de notation Moody’s a relevé la perspective de la note à long terme de l’Inde de « stable » à « positive » (BAA3), jugeant les réformes entreprises par le gouvernement de Narendra Modi positives pour la croissance et les finances publiques. « Il existe une probabilité croissante que les décisions politiques engagées améliorent les capacités économiques du pays et par conséquent son profil financier dans les prochaines années. » Les échanges entre l’Inde et l’Union européenne sont passés de 28,6 milliards en 2003 à 72,7 milliards en 2013. Au vu des liens économiques et des perspectives communes des deux pays, on comprend donc que ce rapprochement diplomatique était en quelque sorte, inévitable.

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