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Norbert Dentressangle racheté par le géant du transport américain XPO Logistics

Revente d’un fleuron français du transport et de la logistique

On les connais tous, ces camions rouges. Immanquables des paysages des réseaux autoroutiers français – seulement bientôt ne vont plus l’être, français. La famille lyonnaise, qui se cache derrière le succès de Dentressangle, abandonne les 67 % des parts du groupe qu’elle posséde à la compagnie américaine XPO Logistics. Le groupe américain, qui est basé à Greenwich dans le Connecticut, a lancé une offre de rachat d’actions au prix de 217,5 euros par action, soit une prime de 37 % sur le cours de Norbert Dentressangle au moment de l’annonce.

L’entreprise française a été créée en 1978 pour assurer le transport de marchandises, notamment de pommes, entre la France et la Grande-Bretagne. Son réseau s’est considérablement renforcé, notamment aux Etats-Unis ces derniers mois avec le rachat du groupe Jacobson pour 560 millions d’euros. Norbert Dentressangle a enregistré un chiffre d’affaires de 4,7 milliards d’euros et un résultat net en hausse de 8% à 75,9 millions d’euros en 2014. L’entreprise a par ailleurs réalisé les deux tiers de son chiffre d’affaires hors de France au premier trimestre 2015.

Cette acquisition permet à XPO Logistics de mettre un pied en Europe, où il n’était pas encore implanté. Le géant ainsi créée devrait ainsi atteindre un chiffre d’affaires d’environ 8,5 milliards de dollars une fois l’offre publique finalisée – le numéro un du groupe Bradley Jacobs a estimé qu’il faudrait environs deux ans. XPO s’est engagé à maintenir le nombre d’employés à temps plein en France pendant au moins 18 mois. Il a été précisé qu’Hervé Montjotin, actuel président du directoire prendrait la tête des activités européennes de XPO Logistics.

Un secteur à bout de souffle

Avec la mise en liquidation de MoryGlobal fin mars, qui a entraîné 2150 licenciements économiques, et l’annonce d’un plan social de 500 postes chez Gefco mi-avril, difficile de se faire des illusions sur l’état du secteur du transport routier en France. Nombreux sont en effet ceux qui mettent la clé sous la porte. Sur le premier trimestre 2015 seulement, le secteur a enregistré 457 procédures collectives dont 370 liquidations et 87 redressements judiciaires. Les conséquences de ces faillites en cascades sont désastreuses en termes d’emploi. Dotées d’un impressionnant 50% de l’activité européenne jusqu’en 1999 la part de marché du pavillon français est passée à moins de 10% aujourd’hui, selon le Comité national routier (CNR).

« C’est dans le secteur du transport que le taux de défaillance d’entreprises est l’un des plus forts. Toutefois, même si le secteur est fragile et l’on y gagne peu d’argent, le nombre de faillites d’entreprises est gonflé artificiellement par un secteur où les petites entreprises sont très nombreuses avec beaucoup d’entrepreneurs individuels qui montent leur structure », précise Melchior de Bary, consultant pour Karistem spécialiste des transports. Le secteur doit néanmoins se réinventer en France. L’avenir du transport passe par une offre de services plus innovants, un regroupement des structures et une vision plus globale – exactement la stratégie qui avait souri à Norbert Dentressangle et que suit aujourd’hui XPO.

Ce qui agace le plus dans ce rachat, c’est que l’entreprise lyonnaise n’était pas en en difficulté financière. Lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce 29 avril, Norbert Dentressangle créateur du groupe s’expliquait. « Mes enfants ont exprimé clairement ne pas se voir endosser cette lourde responsabilité d’être actionnaires d’un groupe de cette taille. » Cette offre « apporte une réponse à ma propre succession », a-t-il ajouté. La rapidité de cette décision a laissé abasourdis même les cadres dirigeants du groupe. FO, majoritaire chez le transporteur, souligne qu’il y a six mois, la question d’un éventuel rachat avait été posée lors d’un comité de groupe et que l’option avait été exclue.

Les Etats-Unis, premier investisseur en France

Les médias parlent ces dernières années des investissements Chinois ou Qataris en France – avec, par exemple le rachat du Paris Sait-Germain, club historique de la ville de Paris qui a fait couler tant d’encre. Mais environ les 100 millions déboursés pour cette acquisition en 2011, semblent bien chétifs par rapport  à la bagatelle de 3,24 milliards d’euros qu’XPO a déboursés d’une traite. Outre cette somme astronomique, clairement justifiée par la complémentarité des marchés des deux groupes, d’après BVDInfo, pas moins de 107 groupes français ont été rachetés par des américains en 2013.

SI auparavant la législation protectionniste du système français était responsable de quelques pieds froids outre atlantique, chaque année, les Etats-Unis amènent leur lot de prétendants au rachat de petits et grands groupes français, ou d’importants sites de production. En novembre dernier, le ministre de l’économie Emmanuel Macron a donné son feu vert au rachat d’une partie d’Alstom par le géant General Electric. Montant de la transaction: 12 milliards d’euros.

Les projets en provenance d’entreprises américaines représentent 19% des décisions d’investissement en France, les plaçant en première place devant les allemandes (14%), et ex æquo les britanniques et les italiennes (9%).

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