Site icon La Revue Internationale

Percée historique dans le dossier du nucléaire iranien

1iran.jpeg1iran.jpeg

Le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a été accueilli en héros à son retour à l’aéroport de Téhéran au lendemain de l’établissement l’accord-cadre entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Allemagne (qui constituent le groupe 5+1) et l’Iran. Une foule en liesse s’est réunie le 3 avril devant l’aéroport de Mehrabad, à l’ouest de Téhéran, à la suite d’un appel sur les réseaux sociaux. 12 ans pour une longue saga sur le nucléaire iranien qui remonte au tournant du siècle. A l’époque, le président américain, George W. Bush, était vent debout contre Téhéran et voulait traîner le régime chiite devant le Conseil de sécurité de l’ONU après les révélations, en août 2002, sur la construction d’un site d’enrichissement dont l’existence avait été dissimulée.

Il a fallu attendre l’élection du président modéré iranien Hassan Rohani, en juin 2013, pour que la situation se débloque, à la fois par résignation et par réalisme. Après dix ans de face-à-face stérile, il n’y avait que des perdants. Un des slogans entendus lors de cette célébration montre le ras le bol iranien après plus de trente ans de sanctions et une économie à bout de souffle  : “Kayhan ! Israël ! Nos condoléances !” Il condamne d’un même souffle Israël, pays le plus farouchement opposé à un compromis, et le quotidien iranien ultraconservateur Kayhan, porte voix des plus radicaux en Iran, qui s’étaient opposés des années durant aux offres faites par la diplomatie française d’abord, puis Barrack Obama depuis 2009. Pour la première fois depuis la révolution islamique en 1979, la télévision publique iranienne a transmis en direct le discours de Barack Obama à Washington.

S’il s’agit d’une victoire pour l’administration Obama, ce dernier va devoir jouer des pieds et des mains pour convaincre le Congrès de Washington, où de nombreux républicains et démocrates sont persuadés qu’il était si désespéré de parvenir à un accord avec Téhéran qu’il a choisi de brader la sécurité d’Israël et des Etats-Unis. The Washington Post soulignait notamment que le discours du président « montr[ait] bien le côté fragile et non abouti de l’accord-cadre auquel il manque encore nombre de points clés qui seront négociés d’ici à la fin juin. »

Le comité de rédaction du New York Times a quant à lui une nouvelle fois critiqué le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qualifiant ses demandes sur l’accord-cadre avec l’Iran d' »irréalistes ». « Il faut savoir tendre la main si l’on veut ouvrir le poing’” rappelait le journal. « M. Netanyahou agit comme si lui seul pouvait dicter les termes d’un accord qui a pris 18 mois et a impliqué non seulement l’Iran et les Etats-Unis mais aussi la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine. » Le premier ministre israélien, avait exigé que tout accord final comporte la reconnaissance « claire et sans ambiguïté » par la République islamique de l’existence d’Israël.

La réaction du Premier ministre israélien ne s’est pas fait attendre : « Un accord sur les bases qui ont été conclues hier menacerait la survie d’Israël. » Cette position n’est pas surprenante, étant donné qu’il suit cette ligne politique depuis vingt ans. Il était notamment allé au Congrès américain il y a un mois pour tenter de torpiller les négociations avec l’Iran. Si Israël semble en effet sortir grand perdant de ce compromis, c’est en réalité le Likoud qui en fera les frais. Selon Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), « à terme, Israël a tout à gagner d’une normalisation des relations entre l’Iran et les Etats-Unis parce que c’était déstabilisant pour la région d’avoir cette tension permanente, explique ce dernier. Cela favorisait les radicaux en Iran. Cette normalisation [et] l’ouverture économique vont quand même plutôt favoriser les forces politiques modérées en Iran et également la société civile. Ça va dans le sens d’une modération de la politique iranienne et à terme, c’est forcément bon pour Israël. »

Reste le question de la mise en œuvre de ces accords – et c’est là que la bât blesse. Dans une allocution télévisée, le président iranien Hassan Rohani a déclaré ne pas vouloir singer l’accord définitif sur son programme nucléaire si toutes les sanctions qui le visent son pays ne sont pas levées. Interrogé sur Europe 1, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a admis que la question du calendrier de levée des sanctions « est un point qui est encore très compliqué ». « Les Iraniens veulent une levée de toutes les sanctions tout de suite », a-t-il expliqué. « Nous leur disons : il faut lever les sanctions au fur et à mesure que vous respecterez vos engagements et si vous ne respectez pas vos engagements, évidemment on reviendrait à la situation précédente. Là-dessus, il n’y a pas encore un accord. Ce point là n’a pas été encore complètement conclu, et ce n’est pas le plus facile », a-t-il ajouté.

Quitter la version mobile