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Présidence d’Air France-KLM : pourquoi la reconduction d’Alexandre de Juniac inquiète

Le 20 mars dernier, le Conseil d’administration d’Air France KLM s’est réuni afin de renouveler le mandat de l’actuel Président du groupe, Alexandre de Juniac. Si cette décision doit encore être validée par l’Assemblée générale des actionnaires, le soutien du CA peut surprendre. Son premier mandat est en effet ponctué de décisions stratégiques et managériales à la fois coûteuses et contestables, plombant les résultats de l’entreprise et soufflant sur les braises d’un climat social sous tension.

Colère des syndicats

Si Alexandre de Juniac peut se réjouir d’avoir le soutien de son Conseil d’Administration, il ne peut pas en dire autant en ce qui concerne les syndicats. Celui qui dirigea Air France avant de prendre les commandes d’Air France-KLM en 2013 essuie actuellement la grogne des organisations syndicales de la compagnie aérienne. Fait rare, pour marquer leur désaveu ces dernières n’ont d’ailleurs pas hésité à boycotter le rendez-vous du 16 mars durant lequel Alexandre de Juniac souhaitait s’entretenir avec les syndicats au sujet du programme de restructuration et de relance du groupe, baptisé « Perform 2020 ».

La colère des syndicats est notamment motivée par des propos du PDG tenus début mars et qui remettaient particulièrement en question les acquis sociaux des salariés. Le Syndicat National des Pilotes de Ligne  (SNPL) précise également qu’on assiste à une réelle perte de confiance des syndicats en la capacité de M. de Juniac à gouverner comme il se doit le cinquième transporteur aérien mondial. « Ce dont on a besoin c’est d’un véritable capitaine d’industrie. Aujourd’hui, nous ne l’avons pas ! » clame haut et fort le Président du SPNL, Philippe Evain. Des déclarations qui résument plutôt bien les résultats d’un homme dont le premier mandat à la tête d’Air France-KLM n’a rien de rassurant pour la suite.

Un management douteux pour une entreprise fragile

Le climat social au sein d’Air France-KLM est difficile, nourri par les grèves des pilotes d’Air France qui se sont déroulées l’année dernière et qui ont grandement affaibli le groupe. Un mouvement fort dont on retrouve malheureusement les traces dans les comptes de la compagnie aérienne. Pour 2014, Air France-KLM accuse une perte nette de 535 millions d’euros, des chiffres qui n’ont pour autant pas découragé de Juniac de vouloir poursuivre le pilotage de la gouvernance du groupe, quitte à continuer de faire et défaire au gré des décisions stratégiques douteuses dont il a le secret.

Il faut dire qu’en termes de management, Alexandre de Juniac a beau avoir fait polytechnique et Harvard, l’ancien directeur du cabinet de Christine Lagarde lorsque celle-ci était ministre de l’Économie, a dû sauter quelques cours de gestion d’entreprise. Du moins, c’est ce que laisse penser son parcours à la tête d’Air France-KLM. On ne compte plus en effet les initiatives prises par de Juniac qui se sont révélées in fine nocives au bon fonctionnement et aux résultats de l’entreprise. Ou plutôt si, on les compte et force est de constater qu’elles ont coûté et coûtent encore cher au groupe.

On pense à la création d’un « pôle régional français » avec le lancement en 2013 de la compagnie HOP, qui a eu pour seul mérite de créer la confusion dans les effectifs du groupe et une concurrence contreproductive entre les deux marques. Ingérable, la nouvelle structure, dont la mise en place a nécessité de gros investissements, est en train de disparaître afin de revenir à la situation initiale.

Le projet Transavia Europe symbolise également bien la façon dont de Juniac conduit la flotte d’Air France-KLM. A peine cinq jours avant le mouvement social des pilotes d’Air France, de Juniac avait alors annoncé la création de Transavia Europe ainsi que l’investissement de 2 milliards d’euros dans les services low-cost en Europe. Une mesure maladroite qui laisse chez le Président du SNPL un souvenir amer : « Le 10 décembre 2014, j’ai signé avec M. de Juniac l’accord sur Transavia France en échange d’un retrait du projet Transavia Europe. Le lendemain sur Europe 1, il annonçait que le projet Transavia Europe revenait sur la table ».

Si depuis le projet a été abandonné, il est encore une fois révélateur de décisions prises sans aucune preuve de réflexion ou de bon sens, à l’image des investissements effectués dans la classe Première, jusqu’ici déficitaire, et dont les sièges reviendraient à 500 000 euros l’unité. Rien de vraiment surprenant au final tant Alexandre de Juniac semble avoir pris pour habitude les maladresses financières aux moments les moins opportuns. C’est ainsi, par exemple, que le déménagement de l’entreprise a fait scandale auprès des employés de l’entreprise. Entre les faux départs et les aménagements des nouveaux locaux, la facture totale a allègrement dépassé les 20 millions d’euros. Plutôt salée au regard de la situation financière compliquée du groupe.

C’est le 25 mai qu’aura lieu l’assemblée générale des actionnaires de la compagnie franco-néerlandaise, rendez-vous durant lequel devrait être officiellement renouvelé le mandat d’Alexandre de Juniac. Soutenu par ses administrateurs malgré une gestion jugée bancale et peu concluante par beaucoup, espérons que le PDG, sur qui planent encore beaucoup d’interrogations, apprenne de ses erreurs et parvienne à redresser les comptes de l’entreprise et à regagner la confiance perdue. 

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