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Amazon va-t-il enfin payer ses impôts partout en Europe?

Amazon, enfin dans le rang?

Révolution pour numéro un mondial du commerce électronique, qui jusqu’alors se taillait la part du lion en matière de fiscalité. Le géant américain Amazon a annoncé, mardi 26 mai – soit au moment où Bruxelles commence examine de près les pratiques fiscales des géants américains du numérique – qu’il va désormais déclarer ses revenus dans quatre grands pays européens, et devrait bientôt le faire en France. « Depuis 1er mai, Amazon enregistre les ventes réalisées à travers ces branches au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en Italie », a indiqué la direction d’Amazon. Jusqu’à présent, le groupe créé par Jeff Bezos concentrait l’ensemble de son activité au Luxembourg, où la fiscalité est très avantageuse. Il ne payait que la TVA dans les pays où il percevait des revenus, mais pas les taxes relatives aux sociétés.

Cet effort de transparence vise à redorer l’image d’Amazon en Europe. En Allemagne, par exemple, la société américaine souffre d’une mauvaise réputation et fait ainsi régulièrement l’objet de mouvements sociaux. En décidant de rentrer dans le rang la société brise plusieurs tabous – mais on se doute qu’elle ne le fait pas de gaîté de cœur.

 

Amazon dans le collimateur de la Commission européenne

La Commission européenne avait demandé un accès à certaines informations au gouvernement et banques du Luxembourg après les révélations du « Lux Leaks ». En cause: le régime fiscal appliqué au groupe américain. La Commission européenne souhaiterait ainsi vérifier si l’impôt sur les sociétés qui lui est appliqué est conforme aux règles européennes en matière de concurrence. Le quotidien Süddeutsche Zeitung avait révélé, dès dimanche 24 mai, que le groupe avait commencé à acquitter en Allemagne pour les bénéfices qu’il réalise sur le sol allemand. Mais, officiellement, la décision d’Amazon d’acquitter des impôts dans certains pays d’Europe n’a rien à voir avec les déboires rencontrés depuis quelques mois par le distributeur avec les autorités européennes et le fisc des pays concernés.

Bonne nouvelle, Amazon a également confié aux Echos que ce schéma va aussi être mis en place en France sous peu. « Nous travaillons à l’ouverture d’une branche en France. » Cette réorganisation va enfin permettre de savoir précisément quel volume de chiffres d’affaires Amazon réalise dans chaque pays – données qu’il avait toujours refusé de révéler. Le groupe avait déclaré 110 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011 avec un faible bénéfice de 5 millions d’euros, pour ne payer que 3,3 millions d’euros. En réalité, le site de e-commerce aurait réalisé un chiffre d’affaires de 1,63 milliard d’euros, pour un bénéfice avant impôts de 30 à 80 millions d’euros, soit 10 à 30 millions d’euros d’impôts sur les bénéfices.

 

Révolution ou pétard mouillé?

Membre des fameux « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui sont régulièrement accusés de se soustraire à leurs obligations fiscales via des tours de passe-passe légaux, Amazon est le premier à baisser les armes. D’autres grands groupes, Apple en Irlande, Starbucks aux Pays-Bas et Amazon et Fiat au Luxembourg, sont également visés par des enquêtes similaires. Bruxelles est partie en croisade contre le techniques d’optimisation fiscale telles que le « tax ruling ». Il s’agit d’un dispositif -légal- qui autorise une entreprise à organiser à l’avance sa situation fiscale. Grâce à des calculs d’apothicaires, elle peut répartir au mieux ses profits et ses coûts entre ses filiales afin de payer le moins d’impôts possible.

Mais l’annonce de la firme d’e-commerce pourrait ne pas être suivie d’effets substantiels. Pour payer l’impôt sur les sociétés, il faut engranger de l’argent. Amazon pourrait bien se restructurer afin d’afficher des déficits en Europe. L’an dernier, la firme a réalisé un chiffre d’affaires de 89 milliards de dollars au niveau mondial, mais a dans le même temps affiché une perte nette de 241 millions de dollars. BFM Business notait que, en 2012, 5,5% du chiffre d’affaires était absorbé par d' »autres charges opérationnelles, qui consistent principalement en des royalties et des accords de licences auprès de tiers et de sociétés affiliées au groupe », et aussi que 45 millions d’euros sont dépensés chaque année en paiement d’intérêts sur un prêt intra-goupe – soit des déplacements d’argent sous la table difficiles à surveiller.

 

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