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Crise identitaire au Front National

Cette année, c’est Marine Le Pen, qui a dirigé le cortège, et c’est à elle qu’il revenait de déposer la gerbe symbolique. Cela intervenait trois jours avant la convocation du président d’honneur devant le bureaux exécutif du parti à cause de ses propos sur les chambres à gaz et à l’interview controversée donnée au journal d’extrême droite Rivarol. Le sanction pour insubordination ne s’est pas faite attendre : le bureau exécutif a suspendu son statut d’adhérent et va convoquer dans les trois mois une assemblée général extraordinaire pour modifier les statuts du Front national et lui retirer sa présidence d’honneur.

Le patriarche a dénoncé « une félonie » de la part de sa fille et promis tous les recours possibles, assurant que les adhérents du parti « allaient être indignés » de la décision. « J’ai exprimé le souhait que Marine Le Pen me rende mon nom », s’est-il emporté à l’issue du verdict. « Qu’elle fasse campagne sous le nom de Marine Aliot ou Marine Philippot », a-t-il ajouté. Il a aussi assuré qu’il allait demander à l’administration du parti de lui « renvoyer une partie de (ses) cotisations. Comme j’ai adhéré à 1.000 euros, je trouve que c’est beaucoup. » Avant d’appeler les adhérents à faire de même « en tout cas ceux qui ont le sens de l’honneur. »

Ces divisions, pour l’instant balayées sous le tapis par la nouvelle dirigeante, semblent aujourd’hui rattraper le Front National. Il semble que le parti atteigne le point de rupture entre la dédiabolisation bleue Marine et le fonds de commerce historique xénophobe du parti. Les militants risquent d’être pris entre le marteau et l’enclume. Ce divorce entre les frontistes les plus radicaux, attachés à la rhétorique sulfureuse du vieux dirigeant, et le nouvel électorat attiré par l’ouverture du parti opéré par sa fille, pourrait handicaper le Front lors des prochaines élections. La vraie question est, dans quelle mesure a-t-il le soutien de la base ? Lui est convaincu d’être plébiscité par son parti. « Ça a été vu l’autre jour lorsque je me suis présenté sur la tribune place de l’Opéra, j’ai rassemblé un accueil sans équivoque. Je n’ai pas volé ce soutien, je ne l’ai pas reçu en héritage non plus », a-t-il taclé.  » Pour l’heure, deux voies dans le parti se sont élevées pour le défendre : Bruno Gollnisch et Marie-Christine Arnautu.

Dans les fait « Il y a un attachement humain et affectif à Jean-Marie Le Pen, mais aussi une distanciation, comme avec un grand-père quand il dit des bêtises à table. Marine a opéré la prise de distance nécessaire », juge Nicolas de Lamberterie, militant strasbourgeois et attaché parlementaire du député européen Jean-Luc Schaffhauser. Ces affirmations semblent être confirmées par le bureau politique, largement acquis à la cause de Marine Le Pen – l’instance a voté une motion « désapprouvant » les propos du père, qui ne peuvent « en aucun cas engager le FN, sa présidente ou ses instances délibérantes. » Florian Philippot, vice-président du FN, jugeait, sur RFI, que « les adhérents, les sympathisants, les électeurs étaient extrêmement lassés de ces provocations permanentes. »

Robert Ménard, maire de Béziers (Hérault), soutenu par le FN, juge « triste et pathétique » le fait que Jean-Marie Le Pen ne veuille pas la victoire de sa fille Marine en 2017. « Il est incapable de prendre cette retraite. » En se désolidarisant de jean-Marie Le Pen, M Ménard prends le parti du progrès dans le parti. Mais le maire de Béziers, malgré ce choix, incarne parfaitement le paradoxe du FN. Une révélation qui a agité les réseaux sociaux nous apprend qu’à la fin de l’émission « Mots Croisés » sur France 2,  ce dernier a reconnu l’existence d’un fichier recensant les enfants supposés musulmans de sa ville. « Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms, classe par classe, des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit, mais on le fait. Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence. »

Dans l’hexagone, la collecte de données démographiques fondées sur l’origine ethnique est interdite et sanctionnée par la loi, même si la Commission nationale informatique et liberté peut autoriser des exceptions – loi du 6 janvier 1978. Le texte précise qu' »il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les options philosophiques, politiques ou religieuses, ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »

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