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La version officielle de la mort de Ben Laden contestée par un journaliste américain

« La version de la Maison Blanche aurait pu être écrite par Lewis Carroll », affirme le journaliste, toujours friand des coups d’éclat. Celui qui a notamment révélé en 2004 les sévices subis par les prisonniers à Abou Ghraib jette le discrédit sur la thèse officielle de l’administration Obama sur la mort d’Oussama Ben Laden. Après avoir décrypté le déroulement des opérations qui ont conduit à l’élimination du chef d’al-Qaida, il affirme d’abord que la traque de Ben Laden en mai 2011 n’a pas seulement été menée par les États-Unis. D’après lui, l’opération était connue d’une petit nombre d’officiels pakistanais, qui pourraient même y avoir contribué.

La Maison Blanche a toujours affirmé qu’Islamabad n’avait été informé qu’après-coup. « C’est faux, tout comme de nombreux autres éléments du récit de l’administration Obama », lance Seymour Hersh au début de son article qui s’appuie, dit-il, notamment sur les révélations d’un haut-responsable du renseignement américain à la retraite. Le journaliste contredit non seulement la façon dont la CIA a localisé Oussama Ben Laden, mais aussi le déroulement du raid durant lequel il a été tué. D’après lui, le chef d’Al-Qaeda n’a pas été localisé dans sa maison d’Abbottabad, à moins d’une heure de route d’Islamabad, la capitale pakistanaise, grâce à l’identification puis la filature de l’un de ses messagers.

Ce serait en réalité un ancien responsable de l’Inter-Services Intelligence (ISI), les services de renseignements militaires du Pakistan, qui aurait livré l’information en échange d’une partie des 25 millions de dollars de récompense promis par les Etats-Unis. Celui-ci aurait par ailleurs été formellement identifié par une analyse ADN effectuée avant le raid – le dirigeant d’Al-Qaeda, gravement malade, aurait régulièrement reçu la visite d’un médecin pakistanais mandaté par l’ISI. D’après Hersh, les services pakistanais auraient été à la manœuvre depuis plusieurs années et auraient retenu prisonnier Ben Laden à Abbottabad depuis 2006. Là aussi, la contradiction est totale avec les déclarations d’officiels américains.

La Maison Blanche a toujours assuré que Ben Laden aurait été capturé vivant s’il s’était rendu, tout comme elle a maintenu que les soldats américains s’étaient défendus dans le cadre d’un échange de coups de feu. « A part ceux qui ont été tués Ben Laden, aucun autre coup de feu n’a été tiré », selon l’enquête du journaliste. Enfin, le corps d’Oussama ben Laden n’aurait pas été jeté à la mer : ses restes auraient été dispersés, en plein vol, au-dessus [du massif montagneux d’Asie centrale de] l’Hindu Kush.

Citant une « source pakistanaise anonyme », il va même jusqu’à évoquer un chantage de l’administration américaine sur le Pakistan. « Nous étions très réticents, mais cela devait être fait parce que tous les programmes d’aides américains auraient été coupés. Ils ont dit qu’ils allaient nous affamer si nous ne l’autorisions pas [le raid] et l’accord a été donné alors que Ahmed Shuja Pasha [le directeur général des services secrets pakistanais] était à Washington. »

La Maison Blanche a catégoriquement rejeté lundi les affirmations «sans fondement» de Seymour Hersh. «Il y a trop d’inexactitudes et d’affirmations sans fondement dans cet article pour y répondre point par point», a affirmé Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale. Ce dernier c’est borné à répété les faits annoncés par le président Obama à l’époque des faits, à savoir que le raid était une affaire américano-américaine, et que le Pakistan était totalement étranger à ce raid.

Le principal problème de cette version des faits est qu’elle s’appuie essentiellement sur un ensemble de sources anonymes, sans que Hersh ne dévoile ne serait-ce qu’un mémo ou rapport pour accréditer sa thèse. Cela étant, l’une de ses affirmations – des responsables des services pakistanais savaient où se cachait Ben Laden – semble plausible. C’était déjà la conclusion d’une enquête du New York Times publiée en mars 2014. Les spécialistes de la région ont toujours douté que Ben Laden ait pu se cacher si longtemps à Abbottabad, ville de garnison qui accueille une académie militaire, sans que l’ISI n’en soit informée.

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