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Le vente de sa filiale pétrolière par Morgan Stanley confirme le retour des grandes manoeuvres dans le secteur des hydrocarbures

Lundi 11 mai, la célèbre banque d’affaires américaine Morgan Stanley a annoncé qu’elle va céder sa division de courtage pétrolier. Les modalités financières et le montant de cette opération n’ont pas été communiquées, mais les analystes l’évaluent à environ 1 milliard de dollars – soit la valeur du stock pétrolier détenu par la banque. La banque d’investissement new-yorkaise, qui a longtemps été l’un des plus grands acteurs du secteur, tire un trait sur plus de trente ans de négoce physique du pétrole. Morgan Stanley était jusqu’ici connue comme « le raffineur de Wall Street. » Global Oil Merchanting comprend en effet un réseau international d’accords de stockage de pétrole, des stocks, des accords d’achat et vente de pétrole physique, des parts dans des entreprises et des contrats de transport de fret. L’opération doit encore recevoir le feu vert des régulateurs du Congrès, et si la procédure est entérinée, devrait être finalisée au cours du second semestre 2015.

 

Une transaction difficile

Cette transaction n’est une réelle surprise pour personne, dans la mesure ou l’intention de cession de la banque était connue des marchés depuis des années. D’une part, les négociation avec le groupe de trading de matières premières sont connues du public depuis près d’une mois, d’autre part Morgan Stanley cherchait en effet à céder ses activités– les plus importantes et les plus anciennes à Wall Street – depuis 2012. La firme aura cependant connu quelques déconvenues. Il y a trois ans, en octobre, des négociations avec le fonds souverain du Qatar n’avaient pas abouti, faute d’accord. Puis, le géant russe du pétrole Rosneft avait tenté d’acquérir la branche fin 2013, mais les pourparlers ont achoppé dans le contexte géopolitique tendu lié à la crise ukrainienne, et à cause des sanctions occidentale dont la Russie à fait l’objet en conséquence. Dans ce contexte, on se doute que la seule surprise soit que des négociations aient cette fois effectivement pu déboucher sur une vente.

 

Le Congrès américain à l’assaut des holdings physiques de banques

Morgan Stanley rejoint ainsi d’autres banques occidentales qui ont quitté ou fortement réduit leurs activités dans le négoce ou la production de matières premières. Comme nombre de consoeurs, la banque faisait l’objet de pressions de la part des régulateurs pour vendre Global Oil Merchanting. L’implication des majors de Wall Street dans ces marchés physiques est dans la ligne de mire des régulateurs du Congrès américain. D’après eux, certaines de ces agences manipulent le prix des matières premières physiques en contrôlant ou en étant propriétaires de vastes stocks via leurs réseaux respectifs d’entrepôts.

Dans un rapport, une commission sénatoriale accusait les banques JPMorgan Chase et Morgan Stanley de s’être « engagés dans des activités risquées »au détriment des industriels et des consommateurs. Le Congrès américain avait notamment accusé es trois grands établissements de Wall Streetn d’avoir potentiellement manipulé les prix de l’aluminium. En octobre dernier, JP Morgan a ainsi bouclé la vente d’une bonne partie de ses actifs dans l’électricité, le gaz, les hydrocarbures outre-Atlantique, qu’elle a cédés au négociant suisse Mercuria.

 

Grand retour du mouvement dans le secteur pétrolier

La baisse des cours du pétrole opérée par l’OPEP pour étouffer développement de l’exploitation du gaz de schiste, couplée à un fort endettement, avait temporairement rendu le secteur un rien moribond. Une étude d’EY publiée le 11 mai confirme la multiplication des fusions-acquisitions dans le secteur pétrolier : plus de la moitié (56%) des cadres dirigeants interrogés se déclarent prêts à une transaction dans les 12 prochains mois. 60% d’entre eux s’attendent même à au moins deux opérations de rachat.

La reprise, enfin, est accélérée par le sentiment largement partagé que la hausse récente des prix du pétrole (+40% depuis le plus bas de janvier) ne durera pas. Les séismes récents qui ont ébranlé les fondations d’un secteur  qui jusqu’alors n’a eu que le vent en poupe, ont engendré un effort global de réduction drastique des coûts de production qui a demandé des ajustements. Pour autant, les efforts doivent être poussés. Selon les agences de notation, les schistes américains sont désormais le secteur qui rassemble le plus d’obligations pourries (junk bonds). Ces obligations ont un profil similaireà celles générées par le secteur immobilier américain qui avaient provoqué la crise financière de 2008. Fitch évalue à 247 milliards de dollars (+30 milliards entre janvier et mars 2015) la valeur globale des junk bonds actuellement sur le marché.

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